Et si on jouait ? L’importance du jeu parent/enfants pour Isabelle Filliozat

« Le jeu et l’humour permettent de rétablir un lien affectif fort entre parents et enfants. Dans la mesure où le jeu fournit une occasion de s’extérioriser et de passer de bons moments en famille, il libère aussi de la tension liée à l’éducation. Assurer son rôle de parent sur le mode ludique permet d’entrer dans le monde de l’enfant, sans le brusquer, en développant sa confiance en lui et en nous. Un enfant qui va bien donne libre cours à sa joie et à sa créativité par le biais du jeu- un moyen pour lui de s’approprier le monde, de l’explorer, de l’investir d’un sens et de se remettre de ses contrariétés. » Lawrence Cohen

C’est en partie des travaux du psychologue américan Lawrence Cohen (résumés dans son livre « Qui veut jouer avec moi ? Jouer pour mieux communiquer avec ses enfants ») dont s’est inspirée Isabelle Filliozat pour« Et si on jouait ? » la conférence (organisée par l’association Petits Mots pour Grandir) à laquelle nous avons assisté avec grand plaisir. Avoir échangé après coup  nos impressions nous a donné envie partager avec vous les grandes idées de son intervention.

 

Nous avons tous fait cette constatation : les enfants ne veulent QUE jouer.

Or pour les adultes, le jeu s’oppose au travail, il n’est pas productif. Pourtant le jeu est le travail de l’enfant, un signe de bonne santé.  C’est par le jeu que se développent les 8 formes d’intelligences  : en particulier les intelligences sensori motrice et logico mathématiques, mais aussi les compétences  interpersonnelles et émotionnelles

Le jeu et l’activité physique ne sont pas de simples défouloirs : ils nourrissent des besoins fondamentaux. Les moments de jeu sont fondamentaux car ils sont le moyen de construire  directement les aptitudes de l’enfant. C’est une tâche noble pour tout parent.

C’est essentiel d’avoir à l’esprit que le jeu nourrit deux besoins fondamentaux :

-le besoin d’attachement et de lien

-le besoin d’éprouver son pouvoir personnel

 

A quoi sert le jeu ?

–          Il aide à résoudre les conflits interpersonnels :

Avec les parents :

Au lieu de dire « dépêche-toi, on va être en retard », on peut dire « Le 1er à la voiture a gagné ! » ou bien « Le 1er à se brosser les dents ! »

Le simple emploi du conditionnel peut permettre de transformer une situation problématique en jeu. Par exemple, Léa met un temps fou à mettre son manteau et cela nous énerve profondément, on aimerait qu’elle se dépêche et on sent déjà les nerfs monter : il suffit de lui dire « On dirait que tu es très très lente à t’habiller et que moi, je serai très énervée », et on peut jouer avec la situation « Oh lalala, qu’est-ce que je suis énervée, mais dépêche-toi !!! On dirait un escargot ! » La petite Léa, prise par le jeu, risque de se retrouver habillée, à la porte de la voiture en un rien de temps.

Un enfant qui n’a pas eu son « quota de jeu » n’est pas disponible quand vient le soir, il a besoin de jouer et il y a un risque de conflit, il sera moins coopératif.

Parfois, un enfant se montrera beaucoup plus coopératif si on lui demande quelque chose avec un nez de clown. Tous les parents devraient avoir ce petit nez rouge sur eux, au cas où.

Il faut garder en tête que si le petit enfant tape son parent, pendant un jeu ou autre, c’est que ce parent est sa figure d’attachement privilégiée avec laquelle il se sent en sécurité pour libérer ses émotions. Avec des enfants plus grands, certains conflits naissent du fait que l’enfant est trop impulsif, il ne parvient pas à se maitriser. Par le jeu, on peut lui permettre de développer sa maitrise des impulsions. Par exemple : 1,2,3 soleil« Jacques à dit », ou bien « Cours ! Stop ! A gauche ! A droite ! ».

Il faut bien avoir conscience que l’enfant se raconte une histoire à travers son jeu. Et, comme nous, il aime connaitre la fin de l’histoire avant de passer à autre chose. Lorsqu’on est pris par une tâche et qu’on nous appelle pour manger, on aime répondre « J’arrive dans un instant » :  on aime finir ce qu’on a à faire avant de passer à autre chose. De ce fait, pourquoi attendre d’un enfant qu’il finisse « immédiatement » son jeu lorsqu’on l’appelle. C’est provoquer un conflit et supposer que ce qu’il fait n’est pas important et qu’il peut l’arrêter sans attendre … Sauf qu’il lui est compliqué de s’arrêter au milieu d’une histoire, d’où la question : comment clore un jeu ? Certaines fois, les enfants trouvent un dénouement seuls, d’autres fois ils ont besoin de l’aide du parent pour terminer l’histoire « C’est l’heure de manger, les voitures vont se garer dans le garage et la porte du garage se referme. » Déclamer  « freeze !!!  » sur un ton humoristique, qui permet de faire comprendre à l’enfant qu’il retrouvera son jeu tel quel après le repas

Image du train des souris d'Iwamura

Aller à l’école en « Train des Souris », K. Iwamura nous offre un bon exemple de jeu qui facilite le quotidien

 

Avec les pairs :

On peut suggérer « Pierre feuille ciseaux » aux enfants pour régler leur conflit par le jeu.

Au Japon, il est courant que la maitresse intervienne en invitant tous les enfants de la classe à entourer les deux bagarreurs en faisant l’annonce du combat entre deux héros de manga « Venez assister au combat de vos héros ! ». Alors, les deux enfants qui se retrouvent tout à coup au centre de toutes les attentions se mettent à se battre à la loyale. Bien souvent, les enfants qui sont pris dans une bagarre n’ont pas un désir réel de se battre et attendent une porte de sortie pour éviter de se battre en conservant la face.

On peut aussi susciter leur imaginaire : plutôt que de se battre, on peut demander à l’enfant « Qu’est ce que tu aurais envie de lui faire? », l’enfant imagine et ne passe pas à l’acte.

Courir, ca fait marcher les neurones !

Un enfant court en moyenne 4km par jour.  Et ce qu’il aime par-dessus-tout, c’est courir en rond. Une école au Japon a été construite en rond, les enfants peuvent facilement sortir pour courir lorsqu’ils sont contrariés ou au gré de leurs envies et revenir à leur place. ( Est-ce ce bâtiment ?  Il fait rêver) Contre toute attente, cette école présente de bien meilleurs résultats que les écoles plus classiques, en sport mais aussi sur les matières intellectuelles.

Ecole maternelle ronde (architecte Takaharu tezuka)

« We designed the school as a circle, with a kind of endless circulation » Takaharu Tezuka architecte

Contrairement à ce qu’on pourrait penser, courir ne permet pas à l’enfant seulement de se défouler, mais favorise la concentration. Courir avant une leçon permet d’être plus concentré et courir après permet de la mémoriser plus facilement. Lorsqu’un enfant court, il y a des mouvements dans son cerveau entre le cerveau droit et le cerveau gauche, les connections se forment, son cerveau se structure.

Il tisse l’attachement et renforce le lien :

Jouer permet de réguler son stress,  même pour des adolescents. Des recherches ont montré que des enfants qui jouaient régulièrement avec leurs parents avaient moins de cortisol retrouvé dans leurs urines lorsqu’on les mettait expérimentalement dans une situation stressante. Cette meilleure gestion du stress réduit les comportements problèmes liés (l’agression, la fuite, la sidération)

Il faut laisser gagner son enfant pour remplir son réservoir de pouvoir personnel, pour qu’il soit fier de qui il est. La meilleure manière d’enseigner à un enfant comment être un bon perdant, c’est de lui permettre de gagner : d’une part, l’enfant apprend par mimétisme et voit comment ses parents se comportent lorsqu’ils perdent ; d’autre part, l’enfant sait bien que son parent est plus fort que lui et le laisse gagner (le parent n’a rien à lui prouver). S’il gagne souvent avec ses parents, il mettra moins d’enjeu s’il perd contre ses copains, ce ne sera plus aussi grave puisque son réservoir d’estime personnel sera suffisant.

Un enfant a naturellement envie/besoin de jouer. Un enfant qui ne nous sollicite pas pour jouer, c’est un enfant qui pense que nous n’avons pas de temps pour lui. Le cas typique est celui qui fait suite à une séparation (un parent qui rentre après un voyage par exemple) : certains enfants risquent de s’enfermer dans leur forteresse par peur de se laisser submerger par leurs émotions en faisant des câlins. Un petit peut s’enfermer dans sa chambre par exemple. Le parent, perplexe, peut vouloir respecter l’intimité de l’enfant … Erreur ! On ne respecte pas un refus de communiquer,  sinon on laisse l’enfant seul et malheureux dans sa forteresse. Le jeu peut débloquer la situation : glisser un mot sous la porte par exemple ou n’importe quel jeu pour retisser le lien.

Il nourrit par le contact physique, et la complicité qu’il engendre :

Le contact physique crée l’ocytocine, l’hormone du plaisir, aussi bien chez l’enfant que chez l’adulte. On a l’impression de donner beaucoup à l’enfant, mais on se recharge aussi par le jeu, par le biais de l’ocytocine. Un parent ne peut pas faire que donner, il doit aussi recevoir, il faut que l’échange soit équilibré, il doit prendre du plaisir à jouer avec son enfant.

Exemple de jeux avec contacts physiques :

–          le jeu du Karaté chaussettes qui peut marcher à plusieurs ou à deux et peu importe l’âge (même à l’adolescence).

–          Jouer à prendre l’autre pour un oreiller bien moelleux

–          Planquer des jouets sur soi à un retour de voyage pour que l’enfant vienne les chercher sur nous. Ca recrée le lien après l’absence.

Autre exemple de jeu pour un enfant de 12/13 ans par exemple : cache-cache dans un supermarché : faire le « farfelu » au milieu des autres montre à l’enfant qu’il est plus important que notre image sociale (évidemment, on ne peut pas faire ce jeu quand l’enfant est trop petit). Pour les adolescents, les jeux de chahuts sont importants car ils permettent de conserver un contact physique à un âge où ils ne veulent plus de câlins

Le jeu est un média qui permet de communiquer avec l’enfant, un truc à faire ensemble, qui structure  l’échange.  On peut créer un rituel autour du jeu : tous les lundis soirs jeux de société (éviter le samedi soir, pas pratique pour un ado). Ce rituel deviendra encore plus important à l’adolescence parce que la communication est compliquée à cette période, cela permettra de ne pas perdre le lien.

Guérir par le jeu : une vertu thérapeutique pour l’enfant.

Si l’enfant a un problème, c’est bien souvent qu’il se sent piégé dans une situation, un rituel et qu’il n’a pas assez d’options face à lui. Le jeu permet d’ouvrir le champ de ses options, on se met en méta position. C’est donc un puissant outil de résolution de problèmes.  Prenons l’exemple du harcèlement à l’école. Plutôt que de jouer à l’école, on peut prendre une position un peu plus décalée  en choisissant des peluches, en les installant de telle sorte a ce qu’il y ait un groupe et un tigre tout seul et dire à l’enfant « Regarde, le tigre est tout seul, il voudrait jouer avec les autres. », « qu’est ce qu’il dirait le kangourou ? » L’enfant a besoin de temps et de répétition pour s’approprier peu à peu le jeu. Ne pas s’attendre à ce qu’il trouve une solution tout de suite … Il faudra y jouer plusieurs jours avant qu’il comprenne les enjeux. Par le jeu, il peut comprendre que les autres ont des pensées, imaginer les pensées de chacun. Lorsque l’enfant s’est bien approprié la situation, on peut lui demander de trouver des solutions et les tester par le jeu. Attention à ne surtout pas donner de conseils, cela ne lui  permet pas de se sentir compétent et intelligent. Si vraiment l’enfant se trouve embourbé dans une situation et qu’il ne trouve pas de solution par lui-même, on peut lui donner 3 options pour qu’il puisse au moins trier et choisir par lui-même en testant.

Parfois, l’enfant a vécu une situation dans laquelle il s’est senti victime et impuissant (le cas du vaccin par exemple) alors quand il rentre, c’est lui qui le fait à son doudou pour se sentir fort. Tous les enfants aiment inverser les rôles « on dirait que tu es le bébé et que je serais la maman » Par le jeu, il reprend du pouvoir personnel. Il se guérit.

Les adultes ont tendance à vouloir absolument que l’enfant verbalise ses difficultés. Selon Isabelle Filliozat, « la verbalisation c’est un truc d’adulte ». Par le jeu, l’enfant nous parle beaucoup de lui, de ses préoccupations, il nous dit beaucoup de chose et non seulement on peut l’écouter à travers le jeu, mais on peut lui donner le sentiment d’être compris, entendu.

Pourquoi certains parents ont-ils du mal à jouer ?

Les jeux sont vus comme futiles et les parents préfèrent se consacrer à des choses plus « productives » (faire la vaisselle par exemple, …) Mais le jeu est le travail de l’enfant ! C’est très sérieux pour un enfant de jouer, c’est ce qui lui permet de développer ses compétences.

Toujours dans l’idée de productivité, les parents préfèrent les jeux « éducatifs », qui semblent utiles mais n’intéressent pas du tout l’enfant. Pourtant, quand on sait que le simple fait de courir, de lancer un ballon permet de développer les compétences de l’enfant, il n’y a pas de raison d’ennuyer l’enfant en lui imposant des jeux qu’on imagine plus « utiles ». Le mieux est de suivre les intérêts de l’enfant. On n’a pas besoin de chercher des jeux compliqués : n’importe quelle occasion d’interaction ludique, sympa et chaleureuse est un jeu pour l’enfant. Il s’agit avant tout pour l’adulte de développer une attitude intérieure favorable au jeu

« Je n’éprouve aucun intérêt à jouer avec des Barbies ou des voitures ! Cela m’ennuie profondément ! » Or, beaucoup de parents n’ont enfant pas ou très peu joué avec leurs parents et ça leur est douloureux  aujourd’hui d’offrir à leurs enfants ce dont ils ont manqué. Ils préfèrent se persuader que ce n’était pas important et que le jeu est inutile.  Souvent, ces parents n’éprouvent aucun intérêt à jouer à certains jeux et préfèreront souvent des jeux plus cadrés tels que les jeux de société aux règles bien établies. Pourtant,  il ne s’agit pas tant de « jouer au jeu » mais plutôt de « jouer avec son enfant au jeu ». L’attention n’est pas focalisée sur le jeu mais sur l’enfant et sa réaction face au jeu. Le parent n’a pas à empiler des brick de lego pour le jeu en lui-même mais plutôt observer et aider son enfant à les empiler, participer au monde imaginaire de l’enfant. A partir de là, peu importe le jeu, on joue davantage avec l’enfant.

« Est-il possible de trop jouer ? », après quelques moments d’hésitations, Isabelle Filliozat répond affirmativement. Oui, il est possible de trop jouer si le parent se prend au jeu, joue lui-même au lego et décentre son attention de l’enfant pour accaparer le jeu. Il arrive que des parents qui n’ont pas assez joué enfant éprouvent le besoin de combler cette carence. Mieux vaut alors jouer seul, pour se montrer disponible face à l’enfant lorsqu’il joue avec nous.

« Je ne parviens pas à solliciter mon imagination pour inventer des situations dans le jeu » : Certains parents (souvent les mamans selon Isabelle filliozat) se sentent en difficulté lorsqu’elles doivent plonger dans l’imagination, elles n’ont pas d’idées. Mais cela n’a pas d’importance, nous ne sommes pas obligés d’être de grands créatifs pour jouer avec nos enfants, ils sont suffisamment créatifs pour deux. L’enfant crée le monde qui l’inspire sur le moment, au gré de ses envies. On peut simplement entrer dans son monde selon ses propres indications. On peut aussi lui demander son aide « Et que dirait le lapin ? », « Qu’est ce qu’il ferait maintenant ? », et laisser l’enfant aux commandes, il sera ravi d’imaginer les répliques.

« Lorsque je rentre le soir, après une journée fatigante, il m’arrive d’être trop épuisé pour jouer avec mon enfant. » Certains jeux ne nécessitent quasiment pas d’investissement physique, on peut simplement jouer au malade à l’hôpital en s’affalant sur le canapé : « On dirait que je suis ton malade à l’hôpital et que toi tu serais mon infirmière. Infirmière, puis-je avoir un jus d’orange ? » L’enfant sera ravie de revêtir le rôle de l’infirmière.

« Certains jeux me paraissent violents et me dérangent. Par exemple, lorsque je vois mes enfants jouer avec des pistolets. » : On peut entrer dans le jeu de l’enfant et l’orienter vers une direction qui nous arrange … « Oh, mais tu tiens un pistolet d’amour !!! Attention, si tu me tires dessus, je vais immédiatement tomber fou d’amour pour toi et je vais te faire plein de bisous !!! Oh non, tu m’as touché !!! »

« Je n’ai pas le temps de jouer ! Il faut que je fasse le ménage, le repas, les courses … » : d’une part, on peut donner un caractère ludique aux tâches ménagères en faisant participer l’enfant (avec un nez de clown par exemple) sous forme de jeu. D’autre part, il est parfois bon de pouvoir revoir ses priorités. Isabelle Filliozat se disait que, très certainement, à la fin de sa vie elle ne se demanderait pas si sa maison était impeccable, si son lit avait été fait, si la vaisselle était toujours propre, mais plutôt si « elle avait assez aimé », si elle avait assez partagé de bons moments avec ses proches.

« Comment trouver un jeu qui intéresse plusieurs enfants qui n’ont pas le même âge ? » Certains jeux se jouent à plusieurs et à tous les âges (karaté chaussettes). D’autres fois, on peut initier une bagarre avec un enfant et demander au deuxième de maitriser le chronomètre et au troisième de compter les points (le nombre de fois que le bras de maman ou de l’enfant passe au-dessus par exemple). Les deux autres enfants développeront leur pouvoir personnel en ayant une tâche spécifique qui leur sera assignée. Cela dit, il est aussi parfois normal que les frères et sœurs ne veuillent pas spécialement partager une activité commune. On ne peut pas être à 100 % avec l’un et l’autre. On ne peut pas se dupliquer. Il faut garder à l’esprit que nous vivons dans une société où les adultes se retrouvent trop souvent seuls dans les appartements à s’occuper de leurs enfants, lesquels sont souvent privés de jouer avec leurs pairs.

 

Ce que cette conférence nous apporte par rapport à notre  vécu personnel

Chtitetartine :  

J’ai été impressionnée par le nombre de parents et/ou professionnels intéressés par cette question. Je m’attendais à ce qu’il y ait une majorité de femmes mais j’ai été surprise que cette question intéresse également beaucoup d’hommes. On ne peut pas parler d’une vraie mixité mais c’est plutôt encourageant.

J’ai trouvé le style d’Isabelle Filliozat assez déstabilisant. Commencer par les questions et construire son discours autour de ces dernières m’a paru assez décalé voire un peu brouillon … j’aurais préféré un discours construit avec un fil conducteur, un raisonnement et un aboutissement. C’est sans doute ma (dé)formation universitaire qui joue là.

Cela dit, j’ai vraiment passé un bon moment, à rire, tout en légèreté ! J’ai adoré son énergie, ses p’tites anecdotes, son humour. J’ai pris quelques notes, des p’tits pense-bêtes.

Bon, mon fils n’ayant que 2 ans, il y a pas mal de trucs qui marcheront seulement lorsqu’il sera plus grand … mais d’autres qui fonctionnent dés à présent. En fait, je ne suis pas sûre de modifier ma manière de jouer avec lui parce que je joue déjà beaucoup … mais sans doute que cela modifie un peu ma perception de nos interactions. Cela a fait lien avec ce que nous vivons au quotidien, notamment lorsqu’il apprécie que je me mette à l’autre extrémité de la pièce pour qu’il coure dans mes bras et qu’il recommence ou encore la nécessité du contact.

Je me suis un peu retrouvée dans cette personne qui se demandait s’il était possible de trop jouer … il m’arrive aussi de me laisser prendre au jeu et jouer autant que mon fils.

La question de mon groupe n’a pas été lue mais a été traitée en filigrane. Nous nous demandions comment jouer avec des enfants qui n’ont pas le même âge (par exemple : de 2 à 9 ans). Je suppose qu’il n’est pas évident de s’occuper de plusieurs enfants qui n’ont pas le même âge en même temps. Isabelle filliozat a abordé cette question lorsqu’elle parlait d’une bagarre avec le premier qui combat, le deuxième qui tient le chronomètre et le troisième qui compte les points. Ou encore, lorsqu’elle parlait du karaté chaussettes.

J’ai apprécié également son astuce pour clore un jeu. Je ne me rendais pas compte qu’un enfant se racontait une histoire à travers son jeu et qu’il avait besoin d’un dénouement pour y mettre fin et passer à autre chose. Le « freeze » pour geler le jeu le temps du diner me parait encore trop compliqué à deux ans, je le garde dans un coin de ma tête pour plus tard.

L’astuce du « premier à la voiture » ne marche pas trop à 2 ans non plus (à moins que …) mais marchera sans doute plus tard.

Note pour plus tard : m’acheter un nez de clown !!! lol

Cela dit, mon fils sait reconnaitre/nommer un clown lorsqu’il le voit en image mais ne sait pas encore très bien sa fonction. Il n’a encore jamais vu de spectacle de clown et ne sait pas à quel point cela peut être drôle. Cela ne devrait pas tarder, peut-être aux prochains spectacles de noël, qui sait?

Je ne suis pas sûre que mon fils fasse 4 km par jour. Certains jours, peut-être mais pas tous les jours. Et pourtant, il joue tout le temps mais entre chaque jeu extérieur “il prend le bus” (les bras de maman). Il descend de « maman-bus » seulement lorsqu’il trouve un intérêt à descendre, un truc qui l’intrigue, ça peut être un jeu, une pomme de pin ou un chat. Il est malin, il est en plein dans les économies d’énergie … mais la sienne en l’occurrence !

Enfin, je nuance un peu … Parce que si j’avais sa taille, je serais littéralement épuisée de faire tout ce qu’il fait ! Rien que la taille d’un escalier d’adulte, parait gigantesque lorsqu’on est tout petit … et il monte 4 étages sans problème quand nous, nous serions essoufflés ! Alors bon, il aime courir sans but, oui, mais peut-être pas 4 km et surtout, il préfère explorer, grimper, ou bien jouer à faire dodo en nous allongeant l’un prés de l’autre et il adore les histoires. Il est en plein dans la période du « c’est quoi ça ? ». Il n’arrête pas de poser des questions pour mon plus grand plaisir, et c’est là encore une occasion de jeu, avec des réponses totalement absurdes pour pouffer de rire.

Ce qui m’étonnera toujours, c’est vraiment la capacité que mon fils a à jouer tout le temps, du matin au soir. Il ne s’interrompt que pour dormir … et sans doute rêve-t-il de jeu encore ! Je n’ai jamais été une bonne cliente pour la grande distribution parce que mon fils est vraiment capable de jouer d’un rien ! Il invente des jeux avec un petit caillou ou une pomme de pin qu’il trouve sur l’herbe et parfois même sans aucun objet, juste un geste, une intonation, un mot qui le fait rire.

Je n’avais jamais envisagé que la « verbalisation » était un truc d’adulte et que le jeu était une autre manière de « dire » et d’être entendu. Bien sûr j’en apprends beaucoup sur mon fils lorsque nous jouon,s mais je me suis toujours figurée que ce que l’on pressent avait tout de même besoin d’être clairement exprimé, qu’on avait besoin de poser des mots dessus. Pas pour que je sache ce qu’il vit, parce que je le vois bien par tout le langage non verbal (le jeu notamment) mais plutôt pour que lui puisse clairement l’exprimer et se sentir compris.

 

Mais depuis ma lecture du livre de Lawrence Cohen, je constate chaque jour à quel point le jeu peut être « thérapeutique ». Mon fils a besoin de jouer les situations qui le dérangent, comme de changer sa couche, de se laver les cheveux ou bien de prendre ses médicaments. Lorsqu’il a eu une conjonctivite, nous avons été obligés de lui mettre des gouttes dans les yeux, ça a été particulièrement traumatisant pour lui. Il  s’est alors mis à « guérir » son doudou en lui donnant ses médicaments et en lui disant des mots rassurant « Ne t’inquiètes pas doudou, n’aies pas peur ». C’est une manière de reprendre le contrôle sur une situation qui le dépasse. C’est passionnant de voir comme un tout petit, haut comme trois pommes, est déjà capable de se « guérir » tout seul de ce qui l’a blessé (pour peu qu’on ne l’en empêche pas). Je ne suis pas sûre de réussir à le faire aussi bien à l’âge adulte.

Bref, j’ai trouvé cette conférence très riche.

 

Flo La Souricette  : J’ai remarqué qu’introduire un peu de fantaisie dans le quotidien avait tendance à alléger bien des situations. Je fais partie des parents qui n’aiment pas beaucoup jouer et avoue avoir un peu de mal à quitter l’habit de la maman/prof pour adopter un peu de fantaisie.  Lorsque nous jouons, nous faisons ressortir notre côté enfantin, celui là même que notre éducation a réprimé. En faisant le pitre nous nous exposons aussi au regard des autres. Pas si facile.

De plus, en rentrant d’une journée de travail, ma première envie est de m’affaler sur le canapé, smartphone à la main.  Je me force parfois à jouer, le cœur n’y est pas vraiment et les Doux,  surtout mon grand de 6 ans et demi,  ne sont pas dupes. Gérer les coups de stress avec humour est encore assez difficile, j’aurais plutôt tendance à l’agressivité.  J’étais une spécialiste des départs à l’école dans le stress, j’en ai pris conscience que j’abimais ma relation avec mes Doux  le jour où je me suis rendue compte que, lors des départs du matin, tout le voisinage entendait mes cris… Depuis, je m’efforce d’alléger et prendre les choses avec plus d’humour (on garde cependant la palme des bons derniers arrivés à la maternelle) … J’ai testé ce week-end  l’astuce donnée à la conférénce qui consiste à jouer à faire la course : contrairement à ce que j’aurais cru les Doux ont accroché.

Assister à ce genre de conférence me fait prendre conscience de l’importance et de la noblesse du et encourage mon envie d’essayer. Pourquoi ne pas instaurer un petit rituel où je prendrais un moment pour jouer chaque jour avec chacun de mes trois Doux ? Le reste peut bien attendre après tout, qu’est-ce qui est plus important qu’eux ?

Comme enseignant, on a plutôt tendance à déconsidérer le jeu, relégué au rôle de défouloir. Nous ignorons la richesse de ce qui se passe en récréation, en nous contentant trop souvent de veiller à la seule sécurité physique des enfants. Nous jouons rarement avec nos élèves, et quand nous le faisons, c’est à des jeux que nous trouvons éducatif. Derrière cela se pose la question de la confiance que nous avons dans nos petits : confiance dans le fait que celui va jouer exactement au jeu qui est bon pour lui, sans que nous autres adultes devions nécessairement l’orienter pour que le jeu soit « utile ».

Avec une amie instit’ qui a assisté elle aussi à la conférence, nous avons bien ri à l’idée de mettre un nez rouge, devant les collègues, avant d’aller régler les conflits dans la cour de récré. Mais pourquoi pas après tout ? Si le plaisir de jouer n’est malheureusement pas encore au programme, il n’appartient qu’à nous d’alléger un peu l’ambiance scolaire!

Chtitetartine et Flo La souricette

 

16 réflexions sur “Et si on jouait ? L’importance du jeu parent/enfants pour Isabelle Filliozat

  1. Merci pour ce chouette compte rendu qui rend toute sa noblesse au jeu et nous rappelle à quel point c’est important de trouver le temps de jouer, nous aussi, avec eux (dixit une joueuse invétérée qui ne prend pas toujours le temps de le faire avec ses enfants…)

  2. Merci beaucoup pour ce compte rendu de conférence très complet!!!! Je lis pas mal de choses sur perdre/gagner, Filliozat a-t-elle évoqué justement la façon de gérer les rapports de concurrence qui peuvent naître entre les enfants dans le cadre des jeux (une des raisons pour laquelle j’essaie par exemple de ne pas trop souvent recourir à la course à la voiture ou au brossage de dents)

    • Je n’ai pas souvenir qu’elle ait parlé directement de concurrence entre les enfants pendant le jeu mais elle l’a évoqué indirectement : par le biais du jeu, selon elle, on peut enseigner à l’enfant, par l’exemple, comment perdre. En le laissant gagner, on remplit son réservoir de pouvoir personnel, ce qui lui permet d’accepter de perdre de temps en temps, avec les copains (ou, sans doute, les frères et sœurs).
      Peut-être que Flo a de meilleurs souvenirs que moi à ce sujet …

    • De même qu’il y a des alternatives « cooperatives » aux jeux concurrentiels créant des perdants/gagnants (avec toujours le plus jeune qui perd, sauf ds les jeux de total hasard), on peut trouver des alternatives au systeme de course, qui peut d’ailleurs etre contreproductif : pourquoi se presser si on sait que de toute facon on va perdre ? Donc l’un des enfants se presse et les autres trainent…
      Par exemple, un timer pour le brossage de dents : on joue contre la montre, pas contre qqn d’autre. Ou un sticker sur la voiture : le but est que chacun mette la main sur son sticker. La encore on joue contre la montre puisque le but est atteind quand le **dernier** est arrivé : cela encourage donc la coopération : le plus grand peut aider le plus petit si nécessaire, par exemple en l’aidant à s’habiller ou en portant son sac.

      • Comme vous je n’aime pas beaucoup ces jeux de compétition… Pourtant, mes garçons aiment se mesurer, ou plus exactement c’est important pour mon plus grand de savoir qu’il est le plus fort ;)) On peut le déplorer, mais c’est sans doute le ressort qui fait qu’il adhère. Le Grand est ravi d’avoir « gagné » alors que le petit est tout aussi content d’avoir cheminé tranquillement main dans la main avec moi… A chacun d’adapter pour qu’il n’y ait pas de véritable perdant. Merci Eleonore pour tes idées de transformation de ces minis compétitions en jeux coopératifs !

  3. Merci pour le compte-rendu très détaillé ! :) j’adore relire, en plus j’avais oublié mon carnet de notes… sur la scène :p
    Beaucoup aimé cette conférence également, plein d’anecdotes, d’astuces… un vrai outil !
    Un p’tit lien vers l’asso organisatrice ? ;-)

  4. Merci beaucoup pour ce compte rendu très intéressant ! Par contre j’ai du mal avec l’exemple de la petite Léa, il doit manquer l’intonation.

    • L’idée c’est que quand quelque chose irrite le parent, celui ci peut, au lieu de « prendre sur lui », utiliser l’humour en surjouant son agacement ! Et comme il s’agit d’un jeu, tu es autorisée à utiliser toutes les phrases qui te passent par la tête. Par exemple « tu es lente comme un escargot alors que dans une situation de communication non ludique, ce type de jugement peut être blessant.

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