Les « coûts cachés » de l’allaitement…

 

C’est une alerte Twitter que j’ai reçu qui m’a intrigué :

Via @ASANews#Breastfeeding isn’t free: Study reveals ‘hidden cost’ associated with the practice. eurekalert.org/e/4Wpm— EurekAlert! (@EurekAlertAAAS) Avril 27, 2012

Les coûts « cachés » de l’allaitement maternel ? Mais de quoi cela pouvait-il s’agir ? Une étude comparative entre le prix du lait artificiel d’une part, et les « coussinets d’allaitement », « crème anti-crevasse », et « tire-lait » d’autre part ? cela ne paraissait vraiment pas sérieux.

Non, cette étude publiée dans l’American Sociological Review d’avril 2012 est en fait très intéressante.

L’allaitement est officiellement considéré comme le meilleur mode d’alimentation pour le nourrisson, compte tenu de l’intérêt médical pour le bébé comme pour la mère, de sa simplicité, et de son coût. Les pouvoirs publics insistent donc sur ces faits reconnus afin d’augmenter la proportion de mères qui allaitent leurs enfants jusqu’à 6 mois, voire 1 ou 2 ans. Et le taux de femmes initiant un allaitement à la maternité aux USA de passer de 60 % dans les années 1980 à 75 % d’après une étude parue en 2007. Sans doute une bonne chose.

Parallèlement aux études médicales montrant les avantages du lait maternel, les sociologues se sont intéressés aux freins existant à l’allaitement, depuis le milieu culturel jusqu’aux conditions de travail. Et ce n’est pas nouveau, plus on est pauvre, plus on travaille, moins on allaite !

Mais finalement, peu de travaux de recherche avaient été réalisés sur la question du retour à l’emploi des mères allaitantes vs. non allaitantes. L’impact de l’allaitement de courte ou longue durée est-il réel, durable, par rapport à l’utilisation de lait artificiel dès le plus jeune âge ?

L’étude, se basant sur de très larges statistiques américaines, a ainsi montré que l’allaitement de courte durée n’avait pas plus d’impact sur les carrières (et salaires) que l’utilisation exclusive de lait artificiel. Par contre, l’allaitement maternel de longue durée, c’est-à-dire de plus de six mois, était fortement corrélé à une diminution notoire, et durable des salaires.

 

Evolution des salaires en fonction de la durée de l’allaitement

L’allaitement, un frein au travail des femmes ? Peut-être bien. Huber, un auteur largement cité dans l’étude, prétend dans un ouvrage de 2007, que c’est justement l’allaitement, et plus généralement la fonction nourricière des mères qui est la base des inégalités de genre dans l’humanité ! Mais au delà de cette prise de position somme toute invérifiable, certains sociologues, statistiques à l’appui, montrent que l’augmentation substantielle du travail des femmes au XXeme siècle est due avant tout à l’arrivée des substituts de lait maternel. Et l’article de citer une étude de 2009 :

« The introduction of formula and advances in obstetrics are significant explanators of women’s increased labor force participation over the twentieth century »

 

Nous voilà donc devant une sacré injonction paradoxale :

Pour les pouvoirs publics, une femme doit allaiter son enfant sur une longue durée. Mais elle doit aussi travailler. Et gagner autant que les hommes. Ce qui est rendu impossible par l’allaitement lui-même.

Bref, la société demande donc aux femmes d’être « des hommes comme les autres« , et de plus, sans que cela n’ait aucune conséquence sur leur activité professionnelle, d’allaiter pour de longues durées.

Il existe certes des dispositifs d’aide à l’allaitement dans les milieux professionnels (un local et un frigo doivent pouvoir être prévus pour que les mères tirent et stockent leur lait, une « heure d’allaitement » par jour doit pouvoir être allouées aux mères allaitantes, …). Ils sont néanmoins très insuffisamment proposés, et utilisés.
Les auteurs militent donc pour l’inscription dans la loi (américaine) d’un véritable DROIT A L’ALLAITEMENT, qui pourrait se traduire par exemple par une allocation destinée à diminuer l’impact économique d’un allaitement de longue durée. Ce droit fondamental permettrait aussi un changement profond de mentalité vis-à-vis des mères allaitantes, qui rendrait  (enfin) compatibles l’allaitement et le travail.
Ainsi, d’après cet article, tant que la promotion de l’allaitement restera au stade de publicités et « d’encouragements », seuls les femmes qui ont des moyens suffisants, c’est-à-dire des classes les plus aisées, pourront envisager d’allaiter longtemps, comme cela est préconisé. Les inégalités sociales se retrouvent ainsi au coeur de ces débats :
« Because Breastfeeding promotion focuses almost exclusively on encouraging women to breastfeed – without providing adequate economic and social supports to facilitate the practice – it reproduces gender, class, racial inequality.« 

 

Finalement, je n’apporterais qu’une nuance (mais de taille) à ces propositions. L’idée d‘une allocation pour l’allaitement est intéressante, mais a pour conséquence de stigmatiser les femmes qui font le choix d’un autre mode d’alimentation de leurs enfants. Pourquoi seules celles qui décident d’allaiter pourrait bénéficier de cette allocation, qui permettrait un maternage plus soutenu ? Est-ce que ce qui est « coûteux », n’est pas le temps nécessaire au soin de son enfant, au delà de sa simple alimentation ? Je ne pense pas par exemple que les vertus, en terme de santé publique, de l’allaitement proviennent uniquement de la qualité du lait maternel, et que la qualité de la relation mère-enfant, qui nécessite du temps, de l’énergie, joue un grand rôle. Dans ce cadre, pourquoi limiter cette allocation aux femmes allaitantes ? Il me semble que la meilleure des choses en terme de santé publique, et de permettre aux parents (et non uniquement à la mère) de prendre le temps lors de la naissance de leurs enfants. J’aurais tendance à privilégier, plutôt qu’une allocation, des congés de maternité et de paternité beaucoup plus long que ceux qui existent actuellement.
Source : « Is Breatfeeding Truly Cost Free ? Income Consequences of Breasfeeding for Women » Rippeyoung P.L.F., Noonan M.C. American Sociology Review 201277 (2), p 244-267
Mr Pourquoi
[Une petite précision : cette étude a été menée grâce à des statistiques américaines. Je crois personnellement néanmoins qu’elle est parfaitement transposable à la situation française, compte tenu des obstacles de même nature qui existent à l’allaitement et au maternage. ]

26 réflexions sur “Les « coûts cachés » de l’allaitement…

  1. il y a une corrélation, mais comme disent nos amis anglais, correlation is not causation !
    il se peut aussi que les mère faisant le choix d’un allaitement long fassent aussi le choix de vivre avec moins, et de travailler moins, sans que cela soit dû à l’allaitement en soi ! Mais simplement à des choix de vie parallèles.

    je n’ai pas lu l’étude, mais il semblerait aussi que les auteurs oublient que leurs préceptes, à savoir que vivre avec moins d’argent, représente un « cout », n’est pas forcément vrai. Ca peut aussi être une chance, celle de privilégier autre chose que l’argent :-)

    biensûr, ne pas avoir assez d’argent pour vivre peut être un limite dans les milieux très pauvres (mais peut être surtout les familles monoparentales en France), mais de là à dire que l’allaitement un un cout, à mon humble avis de scientifique il faut y regarder de plus près pour aller au delà de la corrélation entre deux faits. Comment se fait il sinon que les femmes qui allaitent le plus longtemps soient également celles qui ont souvent un haut niveau d’études, en général ? Beaucoup continuent à travailler tout en allaitant (comme moi).

    • Oui, l’étude met bien en garde contre les raccourcis trop important. La corrélation pourrait tout aussi bien être due aux convictions des mères qui choisissent l’allaitement long car cela correspond à un mieux-vivre, même si cela a des conséquences sur leur emploi et salaires.
      Il me semble aussi qu’il n’est pas nécessaire d’aller voir du côté des familles très pauvres, pour voir des situations où la mère reprend par nécessité financière un boulot fatiguant à plein temps après 2 mois, qui limite, et finit par empêcher totalement un allaitement, faute de dispositions prises par l’entreprise. Dans ce cas, qui doit se répéter hélas très souvent, je pense qu’on peut parler de « coût » rédhibitoire de l’allaitement.

  2. Bon, moi j’arrive pas à ouvrir le lien, ni même à accéder au blog autrement…

    Mais si la question est de savoir si l’allaitement éloigne les femmes de l’emploi, et donc diminue à la fois leur contribution aux ressources du foyer et au PIB de la nation, ça pose pour moi la question de la conciliation allaitement-travail, qu’on ne fait pas grand-chose en France pour favoriser.

    • Oui, il y a un gros problème sur le site, il n’est plus du tout accessible :-(( Il est justement question dans l’article de cette conciliation allaitement-travail, qui est très très insuffisante, alors que les messsages de promotion de l’allaitement sont très directifs : on se retrouve dans la situation où il faut ABSOLUMENT allaiter, mais aussi ABSOLUMENT travailler, sans que cela soit possible, faute de congés matérnité suffisamment long, et d’aménagement du lieu et des conditions de travail…

      • Merci !

        Pour revenir à cette question de la conciliation allaitement et travail, je ne vois pas pourquoi elle passerait uniquement par un allongement des congés maternité ou parental,
        (même s’il est clair que certaines femmes allaiteraient plus longtemps si elles avaient un congé plus long, ça ne veut pas dire que c’est le souhait de toutes).

        La possibilité de pouvoir plus facilement avoir accès à ce que la loi prévoit (à savoir un local pour tirer son lait et une heure de pause – généralement non rémunérée malheureusement – pour le faire) serait déjà un grand plus. Et une information correcte à destination des femmes qui travaillent, des employeurs, des services de médecine du travail.
        Parce que bon pour ma fille ainée (j’ai repris à la fin du congé mat légal à plein temps en continuant à l’allaiter exclusivement), je n’ai rencontré que des « non encouragements », que ce soit de la part de ma gyneco (« ça ne sert à rien, on fait des laits très bien maintenant »), ma DRH (« tu fais ce que tu veux mais je ne peux pas t’aider »), l’infirmière de médecine du travail sur le site de mon client (« mais ma pauvre dame, vous allez vous ruiner la santé »), la pédiatre de la crèche (« de toute façon vous n’aurez bientôt plus de lait » puis « ah bon, mais vous avez encore du lait ? mais comment faites-vous ? »), etc.
        Alors que pourtant, j’avais des conditions plutôt favorables pour tirer mon lait sur mon lieu de travail : un lieu plutôt accueillant (l’infirmerie, avec des petites chambres individuelles, un lavabo, un frigo, etc.) et un statut de cadre me permettant d’organiser mon travail et mes pauses (20 minutes en cumulé dans la journée, généralement prises sur ma pause déjeuner, loin de l’heure réglementaire!!!!) .

        Et au final, congé plus long ou aménagements du cadre de travail, ça passe avant tout par un changement de regard sur la parentalité dans le monde du travail, à savoir ne pas commencer à voir toute mère (et père dans une très moindre mesure) comme « potentiellement moins disponible donc forcément moins productif ». Je suis sure que dans la pratique, le lien de cause à effet n’est même pas si évident…

        • Merci pour ton commentaire. Je suis d’accord quand tu dis que ce qui est important, c’est le changement de regard de la société. Mais quelque part, n’est-ce pas au travers de dispositions légales que ce regard peut changer ? En imposant un droit législatif fort pour l’allaitement, on le légitime, et les pratiques qui actuellement font sourire ou sont purement impossible (allaitement au travail, « congé d’allaitement ») devienne beaucoup plus évidente, puisque c’est la loi qui l’impose.

          • Je dirais oui et non.
            Le cadre légal pour allaiter au travail existe déjà, il aurait juste besoin d’un petit « rafraîchissement » (il a plus été prévu pour allaiter des enfants sur son lieu de travail que pour tirer son lait par exemple). Mais il n’est pas tellement respecté parce que pas connu. Ni des services de médecine du travail, ni des DRH, ni des syndicats.

            Légiférer pour rallonger les congés dans l’optique de favoriser l’allaitement, il y a du pour et du contre. Dans l’absolu je reste persuadée que c’est le moyen le plus simple pour allaiter longtemps.
            Mais ça sera aussi un argument de plus pour le monde de l’entreprise pour considérer que la salariée qui devient mère n’est plus productive (la preuve, elle a besoin d’un congé à rallonge), et ça risque d’être perçu comme un moyen de « renvoyer les femmes à la maison » (imagine la tête de Badinter !!!!!)
            Quand je parlais de changement de regard, ça inclut entre autre le besoin de revoir notre rapport au temps de présence dans l’entreprise. Pour revenir à l’exemple suédois, il me semble que si ça fonctionne si bien ce n’est pas tant parce que la législation est plus favorable que la notre, ni parce qu’elle est mieux répartie entre hommes et femmes, mais parce qu’il est plus volontiers admis que le « meilleur salarié » n’est pas celui qui passe le plus de temps au boulot. Ca rejoint ce que dit Phypa, en France on te juge principalement à ta disponibilité.

  3. Pour fiston j’avais la chance de travailler dans l’éducation nationale et que mon congé de naissance tombe bien avec les grandes vacances: j’ai pu reprendre le boulot à ses 6 mois. Pour la puce, nous nous sommes serrée la ceinture pour que je puisse ne reprendre qu’à ses 5 mois: je n’envisageais pas de reprendre le travail avant. Mais je ne sais pas dans quel mesure l’allaitement à influer dans cette décision. Je savais juste qu’à ses 2,5 mois ça me semblait inconcevable de reprendre le boulot alors qu’à 5mois je l’ai fait sans le moindre scrupule.
    Je les ai allaité 9 et 12 mois et en tirant tous les biberons de ma puce pendant 4 mois.

  4. Merci pour cet article – Comme toi je pense qu’avoir un enfant a un coût certain pour les parents en terme de carrière (en particiler les femmes, ne nous voilons pas la face), et je ne suis pas sûre que cela soit une particularité de l’allaitement.
    Sur la question du congé parental plus long, c’est une question compliquée. D’abord, il faut savoir si l’on répercute les coûts sur l’Etat ou sur les entreprises, et dans quelles mesure l’un ou l’autre ont les moyens d’y faire face – malheureusement le financement est une question importante dans la situation économique actuelle. Ensuite, dans les pays qui ont un congé parental long, cela a des repercussions sur l’égalité homme – femme: Par exemple en Suède, avec 52 semaines de congé parental payé à partager entre les deux parents avec un temps obligatoire à prendre pour le père, il y a une très grande égalité entre les salaires hommes – femmes, alors même que c’est financé par l’Etat (il y a tout de même un coup pour les entreprises qui doivent recruter pour remplacer), et que le congé doit être partagé par les hommes: Il semble qu’au final ce soit les femmes qui en « bénéficient » plus…

    • Merci de ta réponse ! Dans l’article, grâce à la comparaison allaitement court-allaitement long, on voit bien que la maternité, de toute façon, a un coût, mais que l’allaitement long alourdit ce coût.
      Sur la question du financement du congé parental, c’est une question éminemment politique… Peut-être devrait-on regarder de vraiment près ce qui est fait dans les pays nordiques pour prendre modèle ! Et les mentalités masculines aussi peuvent et doivent évoluer !

  5. Je crois aussi, que ce n’est pas tant l’allaitement en soi que le fait de consacrer ouvertement du temps à ses enfants, qui est rédhibitoire dans le milieu professionnel.
    Dans mon entreprise, il y a eu récemment toute une campagne sur la promotion des femmes, avec un amphi où des femmes dirigeantes ont pris la parole, et celles de mes collègues qui y ont assisté ont été écoeurées : il n’a été question que de comment se débarrasser des enfants pour être s’afficher plus disponible pour l’entreprise.
    Le pire est que la plupart du temps, il ne s’agit pas de faire preuve de compétence ou de la qualité du travail réalisé , mais bien d’une posture de disponibilité.
    A ce jeu, les hommes qui partent tôt pour être avec leurs enfants sont sanctionnés aussi.

    • Merci pour ton comm’ . Dans l’article, il n’est effectivement question que de l’allaitement, mais comme toi il me semblait important d’ouvrir un peu à toutes les situations variées où les parents, et pas seulement la mère, souhaite passer du temps avec leurs enfants, ce qui est, j’en suis sûr, une source de mieux être pour le bébé, qui a forcément des répercussions positives sur sa santé, ses apprentissages,…

      • Même si c’est bien sûr aux premiers âges de la vie que l’enfant a le plus besoin d’adultes attentifs, il n’y a pas que les bébés qui ont besoin de la présence de leurs parents !
        Pour moi un monde idéal serait celui ou chaque parent pourrait travailler à mi-temps afin d’établir un vrai relais de présence auprès des enfants, tout en gardant chacun un contact avec le travail, et avec ses pairs.

  6. Mes aînés n’ont pas eu un allaitement long, mais plus long que la moyenne tout de même puisqu’ils ont été allaités jusque 7 mois alors qu’ils étaient à la crèche depuis leurs 3 mois.
    J’ai réussi en tirant mon lait sur mon lieu de travail.
    Après, le bébé tète beaucoup moins avec la diversification et tirer son lait n’est pas forcément obligatoire donc je ne trouve pas qu’allaiter longtemps soit forcément un souci quand on veut réellement retravailler.

    L’allaitement me coûtait cher parce que je mangeais beaucoup beaucoup beaucoup, sans grossir :-D

  7. Merci mille fois de ton article!!! Comme il est plaisant d’y retrouver aussi nos discussions et nos échanges…
    Pour ma part je suis assez d’accord avec les différentes réactions que cet article a suscité, notamment la nécessité d’un changement de regard sociétal sur la parentalité au travail, passant par une évaluation du salarié ne passant pas uniquement par sa disponibilité temporelle.. Comme Phypa je rêve d’un monde où les parents pourraient travailler à mi-temps pour pouvoir assumer en s’épanouissant les deux facettes (familiale et professionnelle) de leur vie…
    Je crois aussi beaucoup au développement des crèches d’entreprise avec possibilité de contacts durant la journée entre parents et enfants (après tout, chacun pourrait être libre pendant ses pauses de boire un café, lire un livre, ou jouer avec son gosse!!)

  8. J’en suis à trois allaitement, le dernier est en cours, et à chaque fois j’ai repris le travail peu après la fin légale du congé maternité.
    La première a été allaitée à 100% jusqu’à ses 2 mois puis en mixte jusqu’à 6. Pourquoi j’ai allaité en mixte ? Principalement parce que j’étais mal informée, et que dans l’esprit des professionnels m’entourant la reprise du travail équivalait à la fin de l’allaitement.
    La seconde a été allaitée à 100% jusqu’à ses 6 mois puis arrêt progressif vers ses 8 mois. J’ai pu utiliser le tire lait pendant 3 mois parce que je rentrais chez moi tous les midi pour tirer mon lait (j’avais le luxe d’habiter à 10 minutes à pied de mon travail). J’étais mieux informée, et par esprit pratique, je voulais allaiter complètement jusqu’au début de la diversification. Pourquoi j’ai arrêté ? Tirer son lait est fatigant, c’est une course contre la montre, un stress à se dire « Combien j’ai tiré ? est-ce que ça va suffire ? Quelle heure il est est-ce qu’il faut déjà que je retourne à la maison », pareil le soir, au lieu de me reposer, je tirais mon lait.
    Le troisième a 6 mois et demi, il est toujours allaité mais il est aussi diversifié depuis ses 5 mois pour me permettre de ne pas tirer mon lait. J’ai tiré mon lait avant ma reprise pour faire un peu de stock , mais une fois ma reprise du travail, c’était trop fatigant. Je rentrais le midi chez moi, et j’étais sollicitée par mes 3 enfants qui sont gardés à la maison. J’ai choisi entre passer du temps avec eux et tirer mon lait.
    Et pour mes deux derniers, je suis au 4/5ème ce qui permet de mieux relancer la lactation puisque je suis plus chez moi.
    Qu’est-ce qui m’aurait permis d’allaiter plus longtemps ? Des meilleures conditions à mon travail. Je travaille au forfait journalier. Donc mes heures de travail et de pause ne sont pas comptées. Je pourrais très bien m’absenter deux fois 15 minutes dans la journée pour tirer mon lait. Mais je ne pourrais pas tirer mon lait dans de bonnes conditions.
    Je crois que si les femmes arrêtent d’allaiter quand elles reprennent le travail, c’est parce que toute la société (patrons, professionnels de santé, entourage, collègues de travail, professionnels de la garde d’enfant) pensent que reprise de travail = fin d’allaitement.
    Imaginons que tout le monde parte du postulat inverse… Si le pédiatre ou le professionnel suivant le bébé, abordait la problématique de la reprise du travail en parlant de toutes les alternatives aux parents lors des différentes consultations, cela pourrait être différent. Si la médecine du travail organisait la visite médicale de reprise avant la reprise effective du travail et permettait aussi d’envisager les différentes possibilités puis aidait la salariée à la mise en place de ces possibilités en contactant les ressources humaines de la salariée pour avoir une salle pour allaiter, un frigo à disposition et pour informer l’entourage professionnelle de la salariée, ça pourrait être différent.
    Les femmes enceintes reçoivent beaucoup d’informations sur la grossesse, l’accouchement, mais après c’est le flou artistique. C’est le cas pour l’allaitement, mais pas seulement. C’est le cas pour toute l’organisation après l’accouchement : l’alimentation (que cela soit au sein ou au biberon), la reprise du travail, la garde, l’organisation famililale. Je crois que tout ce qui est nécessaire est peut être en place, c’est le contenu de l’information transmise qui se limite à un cas de figure limité : on allaite, on arrête pour reprendre le travail, on confie ses enfants pour les garder, et on recommence à travailler comme si on n’avait pas d’enfants…

  9. Articles et commentaires super intéressants. J’ai pris un congé parental de 6 mois pour mon premier et d’un an pour mon deuxième. Par choix et aussi parce que nous en avions (à peu près) les moyens. C’est vrai que la possibilité d’allaiter tranquillement bébé a pesé dans la balance même si ce n’est pas la principale raison de ce choix.
    Même si j’ai allaité le premier encore un an après la reprise du boulot, pour les profs, rien n’est réglementairement prévu pour l’allaitement, et je ne crois pas que j’aurais pu allaiter longtemps si j’avais repris mon travail après le congé légal. Pour moi, la promotion de l’allaitement passe d’abord par l’allongement du congé maternité pour tous : est-ce d’ailleurs vraiment humain de séparer si tôt une mère et son enfant ? (je remarque que Cyrulnik propose un tel allongement dans son rapport sur le suicide de l’enfant, j’dis ça, j’dis rien…). Ensuite que les parents soient informés sérieusement sur la conciliation allaitement/travail, et qu’ils puissent bénéficier d’aménagements dans l’entreprise, dès lors que les enfants sont jeunes… Bref, il y a du boulot, et pas sûr que les pouvoirs publics aient envie de s’en charger.
    En plus, comme disent Phypa et Mme Koala, le monde du travail nous incite à continuer de nous comporter comme si nous n’avions pas d’enfants : même dans mon boulot « de fonctionnaire », de plus en plus de postes sont fermés aux instits’ à temps partiel, qui sont le plus souvent des mères de familles…

  10. Ou comment ré-inventer le congé parental finalement, puisqu’il ne dépend pas de l’alimentation choisie. Et qui pose le même problème : sa rémunération ne permet pas à tout le monde d’en bénéficier.
    Mais il y a probablement d’autres alternatives pour certaines professions, plus faciles à mettre en place car moins coûteuses, vu qu’en ce moment c’est pas la joie : crèches d’entreprises, télétravail (avec un bébé en crèche/ass’ mat’ pas loin) ?

    J’ai quand même envie de revenir sur deux points de l’article.
    Le premier est que oui, c’est peut-être encourageant de voir que le nombre d’allaitements au sein démarrés dans les maternité augmente. Mais personnellement, ce que je trouverais réellement encourageant, c’est que ce nombre soit à peu près maintenu une semaine voire un mois plus tard. La vraie information encourageante serait pour moi que le taux de bébé au sein à J+10 par exemple, soit en augmentation. Aujourd’hui, un pourcentage énorme d’allaitements au sein échouent par manque d’information autre que « c’est le meilleur pour votre enfant ». (Pardon, cette phrase manque de donnée chiffrée.)
    Le second, c’est un petit détail souvent bien caché et que bon nombre de femmes découvrent sur leur lieu de travail ou à réception de la première fiche de paie : oui il est possible de prendre une heure par jour pour tirer son lait ou donner le sein à son enfant (crèches d’entreprise), mais c’est considéré comme du temps de pause. Donc si l’employeur le souhaite, il peut la décompter du salaire.

    Parallèlement à offrir du temps, je pense qu’on pourrait aussi offrir une information moins biaisée, qui oserait parler des difficultés/inconvénients, et qui permettrait aux familles de s’y préparer correctement, de ne pas être prises par surprise…

    Bon et pour l’humour, il y a un point non abordé : combien coûte la maman en nourriture supplémentaire pour fabriquer le lait, hm ? :P

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  16. Pour partager aussi mon expérience: pour mon premier enfant, directrice des services, j’ai dû reprendre mon poste au 3 mois du bb, avec l’envie furieuse de poursuivre mon allaitement. avec deux heures de voiture/jour et des réunions de 20h30 a 22h j’ai grâce à mon ami tire-lait pu allaiter (18 mois) et fournir le lait pour l’assistante maternelle pendant un an… avec 3 fois 10 min de pause dont ma pause déjeuner, j’ai réussi à tout coordonner. Par contre je pense que j’ai étonné/dérangé l’ensemble de l’équipe. Pour bb 2, nouveau poste, autant de responsabilité, reprise du travail à 3 mois du bb, et là, la chance d’être à 5 min de la nounou en voiture… et du coup, j’y vais tous les midi (j’ai besoin de 35 min de pause + un temps de repas)… depuis 5 mois… et malgré les regards je n’ai pas envie d’arrêter… et avec un système de tire-lait en verre, je prépare le midi les biberons suivants (16h) sans efforts! et cette fois je n’ai pas eu besoin du tire-lait électrique!! Par contre même avec 1000 employés, je suis la première à faire cette demande de temps d’allaitement auprès de mon employeur… et dans un sens je suis fière de montrer que c’est possible si on le souhaite, que pour finir j’arrive même à allaiter dans mon temps de pause réglementaire (parfois 15 min de plus – on est loin des 1h autorisée), que le travail cela ne veut pas forcement dire arrêter… j’aime avoir ce choix!

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