Le Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire du 18/09/2012 a publié les résultats de l’étude Epifane (Epidémiologie en France de l’alimentation et de l’état nutritionnel des enfants pendant leur première année de vie) réalisée entre mi-janvier et début avril 2012 sur un échantillon de 2936 mères et nouveau-nés et portant sur les taux d’allaitement maternel à la maternité et au 1er mois de l’enfant.

L’étude Epifane 2012 a pour but de :

« décrire de façon régulière […] les pratiques et la durée de l’allaitement maternel, l’utilisation des formules lactées du commerce et les modalités de la diversification alimentaire [ ce qui permettra ensuite d’] informer le public, évaluer les politiques de santé publique et orienter les actions de promotion de l’allaitement maternel et d’une alimentation adéquate du jeune enfant ».

Les nombreux bienfaits de l’allaitement maternel, aussi bien pour l’enfant que pour la mère, ne sont plus à démontrer et la promotion de l’allaitement maternel a été intégrée au Programme National Nutrition Santé (PNNS).

A la lecture de l’étude, j’ai d’abord été frappée par le bas taux d’enfants allaités en France.
En effet, si le taux d’allaitement maternel a quasi doublé en presque 40 ans (37% en 1972 contre 69% en 2010 – dont 60% d’allaitement exclusif), la France ne figure pas pour autant dans le palmarès des pays champions en la matière, loin de là.
L’étude cite l’exemple des pays nordiques et principalement de la Norvège où 98% des mères allaitent dès la naissance.
Personnellement, j’ai tendance à me méfier un peu de ces chiffres « trop bons » parce que j’y vois une certaine forme d’incitation forcée à l’allaitement. On peut se vanter d’être les championnes (européennes) de la natalité, mais côté allaitement, on est plutôt à la ramasse !

Si l’on en croit les chiffres évoqués :

« à la maternité, le taux d’initiation de l’allaitement maternel était de 69,1%. Plus de la moitié des mères (59,7%) nourrissaient leur enfant exclusivement au sein et 9,3% pratiquaient un allaitement mixte associant lait maternel et formules lactées. Un peu moins d’un tiers des mères (30,9%) ne donnaient que des biberons de formules lactées à leur nourrisson ».

L’étude explique que les débuts de l’allaitement à la maternité semblent marqués par l’âge, le niveau d’études de la mère, son pays de naissance, le type d’accouchement vécu et la perception de l’allaitement par le conjoint.

Il semblerait en effet que l’allaitement concerne plus facilement les femmes :
– âgées d’au moins 25 ans
– nées à l’étranger
–  ayant un diplôme de niveau supérieur au bac
– ayant suivi une préparation à l’accouchement
– ayant accouché par voie basse
– dont le mari a une perception positive de l’allaitement.

Là, je tique un peu : en gros, si vous réunissez tous ces « critères », vous aurez plus de chances d’allaiter et d’allaiter longtemps ? Et si vous ne les remplissez pas ou que, tout simplement, vous ne souhaitez pas allaiter ? Que devriez-vous ressentir au regard de cette étude?
Je trouve ces notions bien restrictives et « cataloguantes ».
Pour moi (bien que pro-allaitement), j’estime que chacune est libre de choisir si elle désire ou non allaiter, et le faire avec les infos dont elle dispose/ a la possibilité d’avoir. L’allaitement reste une affaire personnelle mais aussi (et surtout ?) de couple.

A ce stade de l’étude, je rejoins donc un peu l’article que Dreiss a écrit la semaine dernière et je suis tout à fait d’accord avec ce qu’elle écrit sur la perception du conjoint face à l’allaitement maternel et les bienfaits du peau-à-peau.

Par la suite, il y a un point qui m’a encore plus interloquée, pour ne pas dire choquée :

« A l’âge d’un mois, l’allaitement maternel concernait 54,4% des enfants : 35,4% de manière exclusive et 19,0% en allaitement mixte. Près de la moitié des mères (45,6%) utilisaient des formules lactées seules pour nourrir leur enfant.  […]
En détaillant par semaine révolue le suivi au cours du premier mois, on constate que le taux d’allaitement maternel exclusif diminuait fortement pendant la première semaine ».

Et l’étude de préciser que les jeunes mères et celles ayant un faible niveau d’études sont les plus touchées.

S’il n’est pas impossible de concilier études ou travail et allaitement (long ou pas), je comprends que certaines tentent mais préfèrent passer au biberon très rapidement.
Les mères ayant un faible niveau d’études sont souvent celles qui ont des boulots physiques/fatiguants, avec des horaires particuliers,… ce qui ne facilite pas l’allaitement. Elles n’ont peut-être aussi pas la même facilité qu’une mère plus diplômée d’avoir la possibilité de tirer leur lait sur leur lieu de travail.
Quant aux jeunes mères, c’est bien souvent leur premier enfant qu’elles viennent d’avoir et le congé maternité est bien trop court (que ce soit pour le 1er et le 2ème enfant d’ailleurs – et ce pour toutes les femmes) pour leur permettre d’installer sereinement leur lactation avant la reprise du travail. Les femmes ayant leur premier enfant un peu plus tard ont généralement autour d’elles des sœurs/amies/collègues qui sont déjà passées par ce stade et sur lesquelles elles peuvent d’appuyer, ce qui me semble – et c’est un point de vue personnel – moins être le cas chez les jeunes mères.
Pour ces deux « catégories » de personnes, leur allaitement a, selon moi,  à peine eu le temps de démarrer qu’il leur faut déjà penser au sevrage.

A cela s’ajoute un problème d’informations : peut-être n’ont –elles pas dans leur entourage les bons conseils/appuis ? Combien de publicités – notamment à la télé qui agit probablement comme une sorte de « référence » – en faveur de l’allaitement maternel voyons-nous ? Et en faveur des laits maternels industriels ?

L’autre problème à soulever selon moi est que 72,1% des mères interrogées ont accouché dans une maternité publique.
De toutes les personnes autour de moi ayant accouché dans le public, aucune n’y est resté au-delà de 3 jours après la naissance. En clair, ces mères sont sorties de la maternité au moment où elles ont eu leur montée de lait, cap délicat à passer.
Combien d’entre elles se sont retrouvées avec des crevasses/engorgements/mastites parce que personne n’était là pour les épauler ?
Combien d’entre elles ont baissé les bras, pleines de doutes face aux tétées trop ou pas assez nombreuses de leur rejeton, face à leur fatigue, face aux informations contradictoires qu’elles ont reçues à la maternité (que ce soit dans le public ou le privé), face à leur famille/ami(e)s pour qui l’allaitement est un retour en arrière ?

Dernier point, l’étude ne précise pas précisément la répartition géographique des mères interrogées.
Pour moi, cela joue aussi un rôle sur l’allaitement et sa durée car il y a de grandes disparités selon les régions. Je vis à proximité d’un bassin minier où le pouvoir d’achat des ménages n’est pas très élevé. Je pensais que la proportion d’allaitement y serait plus importante parce que représentant un coût moindre mais non, il semblerait que le fait de nourrir son bébé au biberon soit fort ancré dans les mentalités et que cela soit même considéré comme une sorte de symbole de richesse.

Au vu des premiers résultats de cette étude, nous sommes bien loin des recommandations de l’OMS, à savoir un allaitement exclusif durant les 6 premiers mois de l’enfant, puis en parallèle d’une alimentation diversifiée jusqu’à l’âge de 2 ans, voire plus.
Il semble donc évident que la promotion de l’allaitement maternel doit être accentuée, à compter de la grossesse jusqu’à au moins quelques semaines après l’accouchement, et qu’elle vise plus particulièrement les personnes qui sembleraient en avoir le plus besoin.

Maman Grenadine