L’enfant surdoué à l’école

Lors de ma précédente contribution, j’avais dressé le « portrait » des enfants dits précoces, ou encore Zèbres, d’après le livre L’Enfant surdoué : L’aider à grandir, l’aider à réussir de Jeanne Siaud-Facchin.

L'enfant surdoué

Aujourd’hui je vais évoquer les difficultés que peuvent rencontrer ces enfants au fonctionnement différent, à l’école. Tous les enfants surdoués ne rencontrent pas ces difficultés, pas toutes et pas tout le temps. Mais fonctionner différemment peut amener des problèmes d’intégration et des malentendus lorsqu’il s’agit d’interagir avec d’autres, a fortiori dans un cadre qui n’est pas forcément adapté (ou auquel ils ne sont pas adaptés…).

 

Le zèbre à l’école

Lorsque l’on parle d’enfant surdoué, on a souvent en tête le cliché du petit génie premier de la classe, qui réussit tout sans aucune difficulté (et qui redemande des devoirs à la maîtresse en prime).

Pourtant la réalité est tout autre :

Près de la moitié des élèves surdoués ont des difficultés scolaires. Presque un sur deux redouble. Plus de 30% d’entre eux n’arrivent pas aux études supérieures.

Mais restons prudents car ces chiffres ne concernent que les enfants dépistés. Ce qui signifie qu’il s’agit, la plupart du temps, d’enfants ayant consulté précisément pour des difficultés scolaires.

Une partie des enfants surdoués rencontre donc des difficultés à l’école :

  • ils ont soif d’apprendre, mais l’école ne répond pas à ce besoin puisqu’elle doit délivrer des connaissances à portée de tous,
  • leurs connaissances ne sont pas valorisées et parfois on leur demande même de les taire, pour ne pas perturber le cours,
  • leur mode de pensée et d’apprentissage n’est pas adapté face à la méthodologie scolaire (difficulté à justifier leur réponse et à restituer leurs connaissances sous la forme scolaire, besoin de globalité face à un apprentissage scolaire découpé ),
  • leur raisonnement, leur difficulté à comprendre l’implicite peut être pris pour de la provocation,
  • ils s’ennuient et manquent d’intérêt (ce qui occasionne parfois agitation, bavardage, voire agressivité).

(…) l’école éprouve des difficultés sérieuses à faire réussir ces enfants à la hauteur de leur potentiel. Et, plus grave encore, l’école, trop souvent, « maltraite psychologiquement » ces enfants qui ne rentrent pas dans le cadre. L’école devient pour l’enfant surdoué un lieu de souffrance car il ne comprend pas pourquoi ça ne marche pas et la raison du rejet dont il peut faire l’objet ? L’école, de son côté, se sent persécutée par ces enfants différents qu’elle ne parvient pas à faire réussir comme les autres.

Aider l’enfant surdoué à s’intégrer

Le dialogue avec l’école peut aider l’enfant surdoué, en permettant un échange sur ses difficultés et une réelle collaboration. L’école doit être un partenaire et non un ennemi.

On peut également aider l’enfant en :

  • reconnaissant sa différence : c’est un enfant qui a une particularité et qui peut avoir besoin de l’aide de ses enseignants et de ses camarades,
  • respectant le système scolaire et celui de l’enfant surdoué et en s’efforçant de les faire cohabiter. L’enfant doit comprendre comment fonctionne l’école et s’y adapter au mieux sans pour autant perdre son propre mode de fonctionnement.

Le message doit être clair : « tu peux garder ton système de pensée mais tu dois comprendre le système scolaire et faire en sorte, avec les possibilités de ton intelligence, de fournir au système scolaire les ingrédients nécessaire pour ta réussite ».

A noter : les troubles de l’apprentissage (dyslexie, dysorthographie, problèmes d’écriture, …) sont souvent associés à la précocité. Ce qui cause d’autant plus de problèmes face au système scolaire.

Le comportement des petits Zèbres à l’école peut également, parfois, faire penser à un Trouble de Déficit de l’Attention avec ou sans Hyperactivité (TDAH). Ce trouble est un syndrome neuropsychologique dont le diagnostic ne peut être posé que par un spécialiste et qui peut « cohabiter » avec la précocité.

 

En conclusion, être Zèbre à l’école n’est pas toujours facile. C’est souvent le lieu qui cristallise les difficultés liées à la différence de fonctionnement de ces enfants. C’est l’école qui met en lumière cette différence et qui alerte, parfois, les parents.

Savoir que son enfant est précoce, prendre en compte ses besoins spécifiques, lui apprendre à s’adapter et dialoguer avec ses enseignants peut aider à aplanir les problèmes et à faire de l’école un lieu d’épanouissement. Ce n’est, cependant, pas une tâche facile au quotidien lorsque l’on sent son enfant en détresse face au système scolaire. La méconnaissance et le manque de formation des enseignants rajoutant une difficulté supplémentaire…

Cécile de La Cour des petits

8 réflexions sur “L’enfant surdoué à l’école

  1. « L’enfant DOIT comprendre comment fonctionne l’école et s’y ADAPTER au mieux sans pour autant perdre son propre mode de fonctionnement. »
    Heu… juste POURQUOI ?
    Pourquoi ce serait aux enfants (surdoués, mais aussi aux autres, tous ceux, et ils sont nombreux, qui ne rentrent pas dans les cases) de s’adapter au moule, et pas au moule a être plus souple ?

    L’adaptation est une aliénation, déjà pour un adulte, alors pour un être en construction !!

  2. Je suis plutôt d’accord avec ce que tu dis sur le principe.
    Maintenant, dans les faits, les choses étant ce qu’elles sont (le moule a du mal à s’assouplir et je ne pense pas que ce soit prévu d’ailleurs… Ce serait gênant pour la société telle qu’elle est de ne pas faire rentrer les gens dans des cases), n’est-ce pas mieux pour des enfants qui peuvent être en souffrance d’apprendre à faire ce qu’il faut pour que ça se passe au mieux (lorsque c’est possible) tout en gardant en tête que ce n’est pas une « norme » qu’ils doivent intégrer, qu’ils ne sont pas « anormaux » et peuvent rester hors du moule au fond d’eux et en dehors de l’école…?
    Je le vois plutôt comme respecter les règles d’un jeu, après on peut choisir de ne pas jouer… mais tout le monde ne peut/veut pas déscolariser ses enfants ou les mettre dans des écoles différentes (aucune n’étant vraiment adaptée aux EIP d’ailleurs).

    • « n’est-ce pas mieux… » : si ce serait mieux bien sur, mais est-ce possible ? Comment intégrer à la fois la nécessité de rentrer dans le moule, et l’inanité de celui-ci ? La nécessité de se conformer à une norme et la saine distance vis-à-vis de celle-ci ? Comment être hors de la norme sans être anormal ? Alors que c’est le sens même de ce mot ?
      Ce n’est pas pour rien que les jeunes homosexuels sont presque 10 fois plus nombreux que les autres à se suicider : c’est parce qu’ils se sentent a-normaux, hors de la norme, à un âge ou on n’a pas les épaules assez larges pour assumer ce fait. De nombreux adultes en sont incapables. Et vous le demandez à des enfants ?!
      Par ailleurs, rentrer dans le moule à l’école et être soi-même en dehors c’est passer le plus clair de son temps (8h30-17h) à jouer un rôle, à mentir : c’est cela le modèle souhaitable ?

      Il ne s’agit pas d’un jeu justement, et le seul moyen de « choisir de ne pas jouer » c’est la desco : et on voit bien alors le poids gigantesque de la norme avec les incompréhensions, culpabilisations et suspicions que cela entraine. Donc même là on n’est pas libre, ou plutôt cette liberté a un prix démesuré.

      « Ce serait gênant pour la société telle qu’elle est de ne pas faire rentrer les gens dans des cases » : je ne vois pas pourquoi. Ces cases sont arbitraires et personne ne rentre parfaitement dedans sans y perdre une partie de son âme ou de sa santé mentale.
      De plus, on assiste tous les jours aux conséquences délétères de cette uniformisation, à tous les niveaux de la société et plus largement du monde : la variété engendre la richesse, l’uniformisation n’engendre que la pauvreté, que l’on parle de pommes (des centaines d’espèces existent, seules 5 sont produites) ou d’êtres humains. Pensez tous pareil et plus personne n’a de nouvelles idées : ce n’est pas pour rien que l’ecole est le meilleur casseur de creativité et d’initiative qui soit.

      Le problème n’est pas seulement de faire rentrer les gens dans des cases d’ailleurs, mais que ces cases sont de plus en plus nombreuses et de plus en plus étroites : on passe son temps, de plus en plus souvent et de plus en plus tôt, à jouer des rôles. Sortez un peu du truc pour réfléchir comment élever vos enfants autrement/consommer autrement/vivre autrement/vous informer autrement et on vous montre du doigt. Il faut une image de soi en béton pour resister.
      Or cette image de soi forte qui peut permettre de résister aux injonctions, c’est dans l’enfance qu’elle se construit ! Et pas, justement pas, en se pliant aux normes !

      Je n’ai pas lu cet article mais son titre me semble résonner sur mes paroles : https://lesvendredisintellos.com/category/tous-les-enfants-sont-differents/
      ha pardon c’est une categorie. Et comme par hasard, le premier article
      https://lesvendredisintellos.com/2014/10/11/mettre-les-parents-dans-des-cases/

      • Je pense que ce serait gênant pour la société telle qu’elle est, exactement pour la raison que vous évoquez. Parce qu’avoir des citoyens créatifs et prenant des initiatives, c’est bien plus difficiles pour ceux qui ont richesse et pouvoir. Ca les met en danger, donc ils ne sont pas prêt de faire bouger l’école.
        (attention je n’ai pas dit que ça me gênait moi, j’aimerais bien que cette société change ;))

        Quant à jouer un rôle, mentir une partie de la journée… oui ce n’est pas terrible, mais concrètement que faire de ces enfants qui ne rentrent pas dans le moule qu’on veut leur imposer. Comment changer l’école ? Et que dire aux enfants en attendant que les choses changent ?
        Parce qu’ils se sentent anormaux du fait de ces cases, mais à moins de les déscolariser, ils vont se heurter à cette norme et aux conséquences fâcheuses de ne pas s’y plier un moment. Ils vont parfois l’intégrer et nier une partie de leur personnalité.
        D’après l’auteur du livre, la désco n’est pas idéale pour les EIP… sur ce point là, j’ai un doute parce que je vois mal en quoi (sauf si désco = isolement, mais je sais que ce n’est généralement pas le cas).
        Mais, je le répète, la désco n’est pas pour tous les parents. Personnellement, j’aimerais pouvoir faire l’IEF avec mes fils, mais je ne pense pas que je serai capable de leur offrir les conditions optimales pour ça.

  3. Merci beaucoup de ta contribution!!! Parfois je me demande juste (un peu comme Leonie) si les comportements décrits pour qualifier le fonctionnement des « zèbres » ne sont pas précisément les plus sains dans un contexte scolaire parfois assez insensé… Rester assis, silencieux, apprendre des choses que l’on ne désire pas, ne pas apprendre des choses pour lesquelles on a de l’intérêt… on considère qu’il n’y a pas d’autres façons de dispenser une instruction collective, et pourtant, comment a-t-on pu à ce point s’éloigner des moteurs essentiels de l’enfant (que tous les enfants possèdent, les zèbres ayant peut être une capacité d’indignation supplémentaire, et un vécu beaucoup plus douloureux face à ces frustrations!): sa motivation, sa curiosité, son imagination?

    • Je ne peux être que d’accord avec ça ;)
      Je ne sais pas si les petits zèbres ont une capacité d’indignation supplémentaire, mais, d’après ce livre, en plus de tout ce que l’école ne prend pas en compte par rapport à l’enfance en général, ils ont de vrais soucis qui leur sont propres.
      Pour aborder les choses par étapes alors qu’ils ont besoin de globalité. Ils s’ennuient quand on répète 7 fois la même leçon alors qu’ils l’ont comprise en 1 seule fois. A côté de ça ils ont de vrais problèmes vers la 4ème-3ème pour expliquer le raisonnement logique d’un résultat mathématiques (la démonstration) alors qu’eux savent la réponse mais ne savent pas pourquoi.

      Après si on apprenait à l’école autrement que dans des livres, si on arrêtait de vouloir que tous les enfants nés une même année soient au même niveau en tout et si on arrêtait de vouloir faire rentrer tous les élèves dans LE moule… ce serait mieux pour tout le monde, zèbres compris.

  4. Pingback: L’échec scolaire en France, un destin inéluctable ? (Mini débrief) | Les Vendredis Intellos

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