Dormir avec son bébé

Voilà un vaste débat dans notre société ! Cela fait partie de ces « questions » où tout un chacun à son avis, bon nombre vous donneront le leur… même (surtout) s’il n’est pas sollicité.

J’ai été amenée récemment à réaliser un exposé sur le sujet pour ma formation en tant que coach parental chez Isabelle Filliozat. Voici un aperçu de la question. Pour aller plus loin, n’hésitez pas à lire « Dormir sans larmes » dont je parle brièvement dans cet article.

Pour ce travail, je me suis, en grande partie, basée sur le livre de Nathalie Roques « Dormir avec son bébé ». J’ai dévoré ce bouquin ! C’est une mine d’or pour moi par son coté complet, la critique des études qu’elle a analysées (raaaah je jubile face à tant de sens critique !), la bienveillance envers l’enfant et la reconnaissance des besoins physiologiques de celui-ci.

cododo

Le cododo, c’est quoi ?

Eh oui, car avant d’avoir un avis, ne vaut-il pas mieux pas définir ce dont on parle ? Car finalement le cododo, cela peut recouvrir énormément de choses.

La définition de ce qui est nommé « sommeil partagé » dans les études (traduction co-sleeping) n’est pas toujours très précise. p.41

Quel lit : le lit du bébé dans la chambre des parents, un lit « bedside », le lit des parents, un matelas pour un parent collé au lit de bébé dans « sa » chambre,…

Episodique : quand le petit fait ses dents, est malade, tout le temps, en voyage,…

Toute la nuit ou bien a partir du premier réveil,…

Le bébé ou un enfant plus ou moins grand ?

Et avec qui ? Le papa, la maman, les deux, un grand frère/sœur, grand parent,…

Bref, les possibilités sont pratiquement infinies…

Cassons un mythe

Le cododo n’est pas la « norme » dans notre société, mais nous sommes l’exception. Dans la majorité des sociétés dans le monde, le cododo est la norme. Comme au Japon et à Taïwan par exemple.

« En fait l’Occident moderne, où la pratique du sommeil solitaire est devenue sinon habituelle, en tous cas recommandée par les personnes identifiées comme des spécialistes, est bel et bien une exception, et faire du sommeil solitaire la norme est tout simplement une erreur. » p.68

« L’Occident encourage la mise à distance du bébé durant la nuit, alors que le reste du monde fait de la proximité adulte-enfant (et plus particulièrement mère-enfant) une condition obligée du sommeil de l’enfant. » p. 69

Pourtant, dans nos pays, il s’agit souvent d’un choix, mais « par défaut », lié à des difficultés de sommeil de l’enfant.

Et pourtant, le sommeil solitaire a des conséquences sur l’enfant :

  • Séparation de ses parents alors que bien souvent, il est déjà séparé d’eux durant la journée.
  • L’enfant se résigne à dormir seul, si on le laisse choisir,… il ne prendrait sans doute pas cette option.
  • Quand on fait ce choix, il y a les « régressions ». Oui, il dormait bien dans sa chambre mais depuis… il faut continuellement aller près de lui,…
  • Et cela encourage la dépendance à des « objets transitionnels ». Forcément, il n’y a pas de figure d’attachement, on encourage le « doudou » pour faire cette transition.

Le sommeil partagé, cela à du sens, des fonctions.

Darwin et le sommeil de bébé

J’ai envie ici de faire le parallélisme avec l’allaitement ou l’accouchement physiologique. J’ai été récemment à une conférence donnée par Isabelle Brabant (un vrai bonheur !), auteur de « Une naissance heureuse ». Et vraiment une idée qui m’a marquée est de se dire : si nous (acteurs de la périnatalité) mettons en avant l’accouchement physiologique et voulons le « promouvoir » (ce qui ne veut pas dire imposer). Ce n’est pas parce que nous sommes (ou pas) des bobos-écolo-hypie-spirtitualo-imbécile. Mais parce que c’est le résultat d’une évolution longue de plusieurs milliers d’années ! (ce ne sont pas ses mots à elles, évidemment ) C’est ce qui marche le mieux car tout dans l’anatomie, les jeux hormonaux,… tout est prévu pour que la naissance puisse se faire ! Par exemple, Isabelle Brabant mettait en évidence la différence entre le coccyx de l’homme « plat » et celui de la femme qui fait un coude. Pourquoi ? Car lorsque le bébé passe par cette étape, il doit « changer » de trajectoire. L’anatomie du coccyx l’y amène. Les femmes qui auraient eu un coccyx « plat » ne pouvaient avoir un accouchement se déroulant bien…

Régulièrement, j’entends des commentaires de ce type : « Oui, c’est bien beau tout ça mais nous ne sommes pas des africains (bonjour racisme ordinaire ? :p ). » Alors, oui, nous sommes dans une société  occidentale/industrialisée/… (mais es-ce toujours pour un bien ? ). Cependant, la question n’est pas là.

Tout comme la naissance, le sommeil partagé est donc le résultat d’une longue évolution. Dans notre société moderne, bon nombre de gens, dont des auteurs plus ou moins avertis, veulent que les bébés dorment dans « leur » chambre. Mais le bébé moderne n’est pas différent du « bébé des temps anciens » (‘fin, je vous vois venir, ne remontez pas aux poissons ! ;) ).

Notre environnement moderne est-il une raison suffisante pour imposer un changement radical dans le comportement nocturne du bébé ?

Bien souvent, le bébé est séparé de sa figure d’attachement pendant toute la journée. Doit-on aussi le séparer la nuit ? Pourquoi ne pas profiter d’un rapprochement nocturne ?

Nous avançons (doucement, d’accord) sur la promotion de l’allaitement même sur le lieu de travail… pour dire qu’on ne le promeut pas à la maison, même la nuit ?

Le cododo c’est le même type de raisonnement, si le bébé de l’homme est fait pour dormir avec des adultes, s’il se réveil dès qu’il sent sa figure d’attachement s’éloigner… c’est que la nature l’a bien sélectionné à le faire !

En effet :

  • L’humain est un animal à sang chaud ! Qui dit à sang chaud dit besoin de conserver sa chaleur, et donc, se pelotonner l’un contre l’autre est le meilleur moyen de le faire. De plus, le bébé n’a pas un système de thermorégulation mature : il est totalement immature les 8 premières semaines (si bébé à terme évidemment) et ne sera pas complètement mature avant ses 2 ans !
  • La sécurité face aux prédateurs: Bébé VS Tigre à dent de sabre… à votre avis, qui gagne ? ;) Donc bon, je ne vous fais pas un dessin. Mais un bébé qui se réveille seul, a tout intérêt à appeler à l’aide ! A bien manifester qu’il est seul et donc potentiellement soumis à danger.
  • L’allaitement est favorisé: Eh oui, on considère que plus le bébé est proche, plus il va sentir le lait et plus il va demander le sein… Une mauvaise chose ? Eh bien non ! Les taux d’hormones (prolactine et autres) sont plus élevés à ce moment-là. Les tétées nocturnes sont un excellent facteur de soutien à la lactation… Dans une société prônant la séparation de bébé, de stopper les tétées nocturnes « asap »… est-ce surprenant que tant de mères se plaignent de ne pas avoir « assez de lait » et que ce soit une des raisons majeures invoquées pour l’arrêt de l’allaitement ?
    Et j’ajoute à cela que dans les premiers temps de l’allaitement, celui-ci se fait aux premiers signes d’éveil. De ce fait, avant que le bébé ne soit en train de pleurer de faim (sérieusement, vous trouveriez ça sympa de n’être servi au resto que quand vous pleurez tellement vous avez la dent ?). Quand l’enfant pleure tellement il a faim, il prend plus difficilement le sein, la maman a peut-être le sein fort tendu et donc plus difficile à prendre le sein… tout ceci pouvant entraîner de l’énervement, de la fatigue, des crevasses… et aboutir à l’arrêt de l’allaitement.
  • Les fonctions de second rang :
    • Les stimulations tactiles. En sachant que l’un des premiers sens que développe bébé in utero, c’est le sens du touché
      Les parents comprennent plus vite les pleurs de bébé, et donc savent y réagir de manière plus « précise ».
    • Le rendormissement de la mère et du bébé se fait plus vite
    • Les naissances sont moins rapprochées

« D’après l’ensemble de ces chiffres, force est de constater que réveils nocturnes et sommeil solitaire (comme norme sociale au moins) sont associés. En effet, les populations qui pratiquent le sommeil partagé, et bien souvent le lit partagé, ne semblent pas rencontrer nos difficultés, en tout cas pas avec l’envergure que nous leur connaissons. […] Utilisant les mêmes indicateurs sur trois terrains, elle montre de façon claire que là où le sommeil partagé est la norme (c’est à dire à Taïwan et au Japon) les problèmes de sommeil sont bien moins fréquents. » p. 52

Bref, le cododo, c’est l’adaptation optimale.

Les causes du sommeil partagé

Là, j’ai adoré ce livre ! Une petite révolution copernicienne dans mon esprit (je le pensais, là c’était mis en mots).

« Plaçons-nous au moment précis d’une naissance. Dans nos hôpitaux modernes ou dans la brousse africaine, le bébé se retrouve bien vite posé sur le ventre de sa mère, et commence à chercher son sein, puis à le téter. La mère ne se lasse pas de le regarder, de le sentir, de le caresser. Elle s’allonge avec son nouveau trésor entre les seins, et tous les deux se reposent dans cet état si particulier du post-partum immédiat. Pourquoi alors les séparer ?Pourquoi emmener le bébé à la pouponnière ? (…) La cause principale du sommeil partagé est en fait ici : le bébé vient de naître, il est tout contre sa mère et il n’y a aucune raison pour elle de le mettre à l’écart. Et la deuxième nuit s’enchaîne à la première. Finalement la vraie question serait bien : Pourquoi séparer le bébé de sa mère et quelles sont les causes du sommeil solitaire. » p.90

En sachant que le cododo est une solution efficace à beaucoup de « problèmes » :

  • Il facilite et soutien l’allaitement, or les bienfaits de l’allaitement sur la santé de la mère et de son bébé ne sont plus à démontrer.
  • Il permet une solution concernant les réveils nocturnes (une fois accepté que oui, un bébé, ça se réveille la nuit). Et élimine les nombreuses consultations pour ce motif (docteurs divers, psy,…).

« Donner le sein, c’est donner à boire et à manger et en même temps sécuriser. Il est alors normal que même les bébés non allaités soient apaisés par un biberon. Il est également normal que les mères, même non allaitantes, aient le réflexe de proposer un biberon quand leur bébé pleure la nuit. » p. 53

Dans ce livre pour moi, il ne s’agit pas de juger un peu les pro- et les anti- cododo mais de reposer la question autrement. Et donc en venir à quelque chose qui me tient aux tripes:  informer les parents. Ainsi, ils peuvent faire leur choix en conscience.

Et en même temps cela éveille en moi une colère qui est en moi dans bon nombre de domaines autour de la périnatalité, de l’enfance. Nous sommes dans une société qui clairement n’est pas adaptée à nos besoins physiologiques humains et encore moins pour ceux de nos enfants. Le sommeil séparé fait partie de ce « climat »: retour au travail trop tôt, congé paternité ultra court, manque de soutien des jeunes et futurs mamans, rythme scolaire inadapté aux enfants, séparation des enfants de leurs figures d’attachement en journée… Cela s’inscrit pour moi dans une question plus globale et qui dépasse clairement le sujet de cet article.

Pour terminer. J’aimerais rendre hommage à toutes ces mères et pères qui sont parents, même la nuit.

NB : Je fais partie d’un groupe de parents merveilleux dont leur enfant ne fait pas leurs nuits. Je leur ai demandé si je pouvais, pour mon exposé, mettre des photos de ce qu’est pour eux le cododo. En voici certaines qui ont accepté d’être montré dans cet article.

En les regardant, je suis toujours aussi émue et frappée par ce qu’elles sont : le reflet de tant d’amour.

2 réflexions sur “Dormir avec son bébé

  1. Merci pour cet article particulièrement instructif ! Je partage totalement ce point de vu, d’ailleurs pendant que j’écris ce commentaire mon fils dort près de moi, dans le lit parental. J’ai remarqué une chose : quand mon fils, qui a fait ses nuits très tôt, a commencé à dormir avec nous vers ses 11 mois car il me dormait plus autrement, je me suis sentie mieux au travail ! En effet, je le laissais chaque jour à contre cœur car nos finances ne m’ont pas permis de prendre un congé parental, mais le cododo a changé quelque chose, comme si je profitais plus de lui la nuit car nous étions collés l’un à l’autre et que cela facilitait nos séparations de la journée… ah la magie du cododo !

    • Merci pour ton commentaire. J’aime lire des retours de vécu de famille en cododo. Et oui, quand l’enfant est séparé de as « figure d’attachement principale », bien souvent la maman, les retrouvailles la nuit sont un merveilleux moyens de nourrir le réservoir d’attachement. Profitez bien de ces moments!

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