Nos enfants en sécurité, entre auto-défense et surveillance [mini débrief]

Ce n’est pas peu dire que le thème que je dois débriefer aujourd’hui me touche de près.

Depuis la rentrée, mon fils évoque un enfant qui semble le frapper systématiquement dans la cour de récréation, pour un problème de partage d’un jeu en particulier. Il ne garde donc pas son malaise pour lui, il m’en parle et moi je lui explique qu’il a le droit de se défendre, sans oublier d’aller en parler à la maîtresse puisque cela semble vraiment récurrent. De son côté, à défaut d’agir, mon fils se fait chaque jour des scénarios de baston, de coups portés à untel, il mime des batailles… En somme, il évacue.

Hier, la maîtresse m’apprend que depuis la rentrée, durant le 1/4h de jeu libre du matin à l’école, mon fils ne fait que des jeux extrêmement violents et bruyants. Violents avec les objets qu’il utilise (mimant des accidents entre les voitures, des batailles entre les personnes du château fort, des chocs et affrontements permanents). Elle est « choquée » par cette violence (oh my God !!!) et craint pour le matériel. Ok pour le matériel, j’entends sa crainte et il me paraît normal de respecter les biens d’autrui. Mais moi, ce que je vois surtout, c’est que mon fils n’est pas réellement un bagarreur et qu’il déplace dans les jeux la colère et les actes qu’il ne parvient pas à exprimer directement avec ses camarades concernés.

Ce n’est pas peu dire que la situation m’atteint et me questionne. Intérieurement, j’aurais tendance à être un poil radical mais bon, j’ai besoin de l’école, ne serait-ce que pour garder mon enfant pendant que nous travaillons, pour qu’il y voit ses copains et qu’il profite des ateliers qui semblent lui plaire par ailleurs.

Je propose à la maîtresse de le responsabiliser en lui confiant des tâches le matin à la place du jeu libre, ce qui fonctionne très bien avec lui à la maison. Elle me confirme qu’elle a pu s’en rendre compte par elle-même à au moins une occasion, où il avait été consigné sur une chaise et s’était métamorphosé lorsqu’elle lui avait demandé d’aller lui chercher des objets pour la dépanner dans sa tâche du moment. Oui mais, elle craint que ça ne dure. Mon fils DOIT (rapidement, si possible) apprendre à jouer seul et calmement. Bien. Où est le programme commando pour cela, je signe où ? Non parce que c’est clair, moi aussi ça m’arrangerait à la maison qu’il sache jouer seul mais bon, passons…

Je manque certainement d’objectivité sur l’école, allez savoir pourquoi. Mais je ne peux m’empêcher d’en vouloir aux adultes qui semblent se rendre compte d’une partie du problème seulement. J’en veux au système que les instituteurs ne soient pas assez épaulés pour surveiller la récréation, j’en veux aux êtres humains de manquer de bienveillance les uns envers les autres, et particulièrement envers les enfants, qui en ont besoin plus que tout autre. Des enfants qui, contrairement aux adultes (la plupart en tous cas), n’ont pas encore les armes pour se défendre, n’en ont pas réellement « le droit » sous peine de sanction, sont en quelque sorte prisonniers d’un environnement où on ne peut pas toujours faire suffisamment attention à chacun.

Harcelé ou agressé à l’école et ailleurs : comment lui apprendre à réagir ?

En fait, mon fils est un peu comme celui de Miss Brownie, qui nous a parlé la semaine dernière de harcèlement à l’école – ma bête noire ! j’en ai fait l’expérience… Miss Brownie cite l’approche d’une psychopatricienne :

« Je rencontre les enfants harcelés trois ou quatre fois, pour leur donner des flèches ou parades verbales qui fonctionnent comme au judo : on s’appuie sur ce que dit l’agresseur pour le retourner contre lui. Les deux enfants vont alors vivre une expérience émotionnelle durant laquelle l’agresseur va se rendre compte qu’il prend un risque s’il continue à harceler sa victime« 

Rendre nos enfants capables d’identifier leur statut de victime et de s’en défaire, d’y réagir, voilà une grande mission, une de celles qui me prend personnellement aux tripes et avec laquelle j’ai du mal à garder de la distance.

Il faut dire qu’il peut leur arriver tellement de choses à nos enfants, que ce soit en famille ou dans les lieux où nous les confions, des centaines de fois dans leur vie. Dame Andine questionne à nouveau la relation agresseur / agressé dans son article Le « syndrome de la belle et la bête ». Partant de l’une de ses lectures sur les enfants abusés sexuellement, elle développe la question du conditionnement psychologique des enfants, mais aussi des femmes, dans la relation agresseur / agressé. En situation de victime, l’essentiel n’est pas de chercher à savoir si l’agresseur a tort ou raison, s’il est malade ou non, mais bien d’apprendre à notre enfant – garçon ou fille et dès le plus jeune âge – à la fois à venir nous parler mais surtout, à se (faire) respecter, à écouter la voie intérieure qui lui dit « non ».

Personne n’a le droit de piétiner nos limites. En abordant la question des femmes battues, Dame Andine cite les principes proposées par l’auteur d’un livre « d’auto-défense pour les femmes ». Des principes qui peuvent s’entendre dès le plus jeune âge, pour savoir dire NON, très tôt. Non au camarade qui nous frappe ou veut nous extorquer des jouets, non au conjoint abusif et au chantage affectif, non au patron excessif, non aux exigences irréalistes de la vie domestique, non aux rôles multiples dans lesquels nous devons simultanément exceller aujoud’hui.

Nous avons le droit de nous défendre. (…)

J’ai le droit de me donner la priorité à moi-même et à mes besoins, indépendamment des attentes des autres et des différents rôles que je joue dans la vie. (…)

J’ai toujours le droit de signaler une tension et de refuser qu’on empiète sur mes limites. (…)

J’ai le droit de refuser de porter la responsabilité des problèmes des autres. (…)

J’ai le droit d’avoir confiance en moi et d’essayer de tout faire pour maintenir mon intégrité. (…)

Dans ma vie, j’ai toujours le droit d’avoir des alternatives. (…)

La sécurité de nos enfants, une affaire de technologie ?

Mais bien sûr, les faits (surtout les « divers » relatés dans les media à grand renfort de superlatifs et de termes outrageusement accrocheurs) sont anxiogènes. Notre vécu vient parfois frapper à la porte plus que de besoin. On espère passer entre les mailles du filet mais la réalité nous rattrape. Alors on peut être tenté de se prémunir à tout prix contre ces « risques » de l’extérieur, de pallier nos angoisses avec des outils technologiques par exemple. Ces outils qui nous offrent chaque année des fonctionnalités toujours plus pointues (et intrusives) pour « répondre à nos besoins ».

Ainsi, Miss Brownie nous a présenté un nouveau gadget pour « parents flippés » : une balise GPS que l’on place avec son enfant et qui sera bientôt intégrée à des manteaux. L’occasion de se questionner sur plusieurs frontières : la technologie rassure-t-elle ou angoisse-t-elle davantage (question que j’ai déjà tranché à titre personnel en essayant d’utiliser un écoute-bébé lors de week-ends dans des lieux qui le nécessitaient), dans la mesure où l’on garde toujours à l’esprit la possibilité de sa défaillance ? Quel message transmet-on à son enfant : manque de confiance, situation de danger permanent autour de lui ? J’aurais tendance à dire que si on le croit vraiment en danger, mieux vaut l’accompagner plutôt que de le lâcher dans la nature avec une balise GPS… Miss Brownie conclue :

Confiance et dialogue, voilà ce en quoi je crois.

Je vous laisse aller vous faire une opinion à la lecture de ces articles et revenir échanger ici sur ce que cela vous inspire.

Amand’In

5 réflexions sur “Nos enfants en sécurité, entre auto-défense et surveillance [mini débrief]

  1. Merci pour ce debrief…à un moment où mon fils aussi se plaint d’être frappé et bousculé à l’école….J’ai les mêmes questionnements que toi et je recherche un moyen de lui apprendre à se « défendre » verbalement…

    • Suggestions de réponses verbales données par Sandrine (de S Comm C) hier sur mon profil Facebook : « répliques typiques (pour des enfants de 4 à 8 ans environ) : « les oreilles décollées, ça se recolle. Mais pour ton cerveau, y a rien à faire ! », avec la variante « je suis peut-être grosse mais je peux maigrir. Toi en revanche, pour ton cerveau, je ne sais pas ce qu’on va pouvoir faire. » ou pour les garçons « à force que tu viennes toujours me chercher comme ça, je vis finir par croire que tu es amoureux de moi » ».
      Si ça t’inspire ;-) J’ai proposé le coup de l’amoureux ce matin à mon fils, on verra si ça lui sert…

  2. Pingback: Ma rentrée de tous les défis - Madame Sioux

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