Le lien entre Freud et notre obsession à poser des limites aux enfants ?

Nous venons de découvrir une nouvelle pépite : la conférence du 16 mars 2012 de notre « mentor » Isabelle FILLIOZAT, sur le thème « construire la relation autrement » (grâce à la parentalité positive, of course !).

Cette conférence dédiée aux parents (mais pas que !) a eu lieu dans le cadre du cycle Ciné-Cité-Philo, à la Cité du Livre d’Aix en Provence (ou réside Isabelle), en partenariat avec l’Université Populaire du Pays d’Aix, et l’Institut de l’Image.

La conférence dure 1h30, mais a été judicieusement découpée en 9 séquences sur le site d’Anonymal TV, d’où proviennent ces vidéos (Mise à jour : les 9 vidéos ne sont plus disponibles sur Anonymal TV). La vidéo complète est (par contre toujours)disponible sur le site de l’OVEO (si vous souhaitez la télécharger, faites un clique droit ICI puis cliquez sur « enregistrer la cible du lien sous…»).

Vous trouverez ci-dessous les 3 premières séquences accompagnées de notre synthèse écrite des propos d’Isabelle…

Attention ! Âmes sensibles s’abstenir, car certains passages sont dérangeants… mais permettent pourtant de comprendre beaucoup de choses.

 

Partie 1 – Une découverte de Freud… bien dérangeante !

Tout futur parent rêve de « l’enfant idéal » et pense qu’il saura s’y prendre, qu’il sera un père ou une mère « extraordinaire » ! Mais ça, c’est avant d’avoir des enfants.

Car après la naissance, les choses se gâtent… c’est beaucoup plus compliqué que l’on se l’était imaginé et il y a des tas de choses qu’on n’avait pas anticipées !

Alors on se renseigne sur « ce qu’il faut faire pour être un bon parent », pour canaliser son enfant… Et c’est la qu’on tombe sur la (quasi) unique réponse disponible : « il faut poser des limites aux enfants, il faut être ferme et ne pas céder »… la réponse à tous nos malheurs semble se résumer à ça.

Les parents on pourtant l’impression de poser des limites, mais ça ne marche pas si bien que ça. Mais d’abord, d’où vient cette histoire de limites ? Isabelle nous rappelle les débuts de Monsieur Sigmund Freud :

Freud, après un passage a Paris ou il étudie les origines de l’hystérie avec Jean-Martin Charcot, (qui hypnotises des hystériques, leur permettant ainsi d’exprimer des traumatismes enfouis et, une fois ceux-ci exprimés, de faire disparaitre l’hystérie), réalise que l’origine de l’hystérie de son propre frère est probablement liée aux fellations que son père lui obligeait de faire, étant enfant. Il fait part de cette découverte à son ami médecin Wilhelm Fliess qui, ayant lui-même abusé de son petit garçon, n’apprécie guère cette théorie. Il n’est d’ailleurs pas le seul : cette découverte de Freud, qui implique que les parents puissent être responsables de certains maux de leurs enfants, est bien trop « scandaleuse » pour l’époque !

Partie 2 – la nouvelle théorie de Freud… et son impact sur notre inconscient collectif

Voyant que cette théorie ne le rendra pas aussi célèbre qu’il l’espérait, Freud finit par l’abandonner. Elle lui imposerait en effet d’accuser beaucoup trop de pères (dont le sien !), d’oncles, d’adultes qui ont abusé ou abusent des enfants ; ce qui selon lui serait la cause de leur hystérie plus tard. C’est alors qu’il met en place sa théorie des « pulsions », qui est à l’inverse de la précédente : la faute est désormais jetée sur l’enfant qui « cherche à séduire son parent » et l’incite ainsi à abuser de lui : Freud créé ainsi le fameux « complexe d’Oedipe ».

Isabelle va plus loin, elle nous explique que Freud en nommant sa théorie le complexe d’« Œdipe », nous a, en quelque sorte, laisser un message. En effet, selon la mythologie grecque, Laïos (le père d’Oedipe) abandonne son fils à la naissance en espérant qu’il meure, car une malédiction lui a prédit que son fils le tuerait un jour. C’est donc Laïos qui, en premier, a désiré la mort de son fils ! Œdipe ne meurt pas, grandit et est mis au courant de la malédiction. Il finit par tuer son père et par coucher avec sa mère… mais ce n’était pas son intention : il a été piégé par la malédiction qui pesait sur son père. Pour Isabelle, Freud, en inversant la vraie histoire d’Œdipe, voulait certainement nous dire : « attention, il y a ce que dit ma théorie (le petit garçon désir coucher avec sa mère et tuer son père)… mais peut-être y a-t-il autre chose à comprendre : la vraie histoire d’Oedipe indique que c’est le père qui a, en premier, désiré tuer/faire du mal à son fils (ce que dévoilait la première théorie « étouffée » de Freud).

Pour Freud, l’enfant devient un « pervers polymorphe » (qui a des fantasmes et des pulsions sexuelles orales, anales, génitales), a qui il faut à tout pris « mettre des limites », sans quoi il ferait tout pour réaliser ses fantasmes et chercher à dominer autrui.

Selon lui, chaque pulsion est associée à une castration symbolique (la naissance, le sevrage du sein…), et ce sont ces castrations, ces frustrations qui font grandir l’enfant… Et qui lui sont donc bénéfiques (ce que les sciences actuelles réprouvent totalement !).

Alors forcément, si on se représente l’enfant en ayant les théories de Freud en tête (un être ayant une sexualité débordante et un désir de toute puissance !), on ne peut en effet qu’avoir envie de lui mettre des limites !

D’ailleurs, Freud ayant tellement insisté sur le fait que le petit garçon ai le désir de tuer son père (ce qui dans son cas pouvait être légitime, son père ayant abusé des ses frères, et peut être même de lui), que son influence a laissé dans l’inconscient collectif l’idée que l’enfant peut être dangereux, qu’il peut essayer de nous écarter (voir de nous éliminer), qu’il va de toute façon nous provoquer et « chercher les limites » ! Cette idée inconsciente induit les parents en erreur, qui cherchent à mettre toujours plus de limites à leur enfant pour d’une part (inconsciemment), se protéger de lui et, d’autre part, l’aider à grandir à travers les frustrations. Comme cela ne marche toujours pas, le parent culpabilise, se dit qu’il est un « mauvais parent » et pense qu’il ne met toujours pas assez de limites… le cercle vicieux s’enclenche !

 

Partie 3 – La théorie des « pulsions » de Freud explique-t-elle vraiment les comportements de nos enfants ?

Freud a tout de même raison sur un point : les enfants sont tyranniques; ils « ont envie de tout », « veulent tout, tout de suite », sont « intolérants à la frustration » etc. Mais n’y aurait-il pas d’autres explications à ces comportements, que sa théorie des pulsions?

Isabelle nous rappelle que le monde a changé et que nous devons regarder nos enfants, conscient des éléments suivants :

  • Leur environnement d’aujourd’hui n’a rien à voir avec celui d’hier : ils sont plongés dans un monde d’« hyper stimulation », alors que leur cerveau n’est pas équipé pour traiter cette multitude d’informations.
  • Ils voient beaucoup moins leurs parents qu’autrefois (temps de travail, temps de trajets, etc..), sont surement en « carence de contact ».
  • Les nombreux “écrans” de leur quotidien peuvent avoir des effets néfastes sur eux (violence dans les films, les jeux vidéo, etc.)
  • Ils consomment beaucoup plus de sucres, d’additifs chimiques et de colorantsqui entrainent hyperactivité et les troubles de l’attention.
  • Ils sont en carence de vitamines.

A la fin de cette troisième séquence, Isabelle enchaîne sur les punitions, qui pour elle sont très utiles…. Mais aux parents uniquement ! Grâce à la punition en effet, le parent se sent plus puissant et peut reprendre le contrôle. Mais une punition n’est pas efficace et ne sert à rien…

Les supers parents

PS :  vous qui avez sans doute étudié quelques théories du Docteur Freud durant votre scolarité… vous seriez-vous douté qu’il pouvait, à ce point, avoir influencé notre manière de voir nos enfants ?

10 réflexions sur “Le lien entre Freud et notre obsession à poser des limites aux enfants ?

  1. Merci, merci et bravo!
    Il est temps que les anciens mythes ( je me réfères à Freud) soient enfin remis à leur juste place.
    Car, Freud est un issue d’une société, d’une culture et d’un temps précis et, a émis la plupart de ses théories à partir de là.
    A l’époque les enfants étaient couramment battus, maltraités, abusés sans que cela ne choque personne.
    Heureusement les choses changent et dans quelques générations les gens seront abasourdis de se rendre compte, qu’a notre époque nous donnions la fessée aux enfants pour les éduquer…
    D’ailleurs éduquer…n’est-ce pas plutôt élever les enfants le rôle des parents?

    • C’est tout l’objet de notre « combat » : faire en sorte que l’éducation bienveillante, la parentalité positive, la communication non violente deviennent la « langue maternelle » de nos enfants pour qu’un jour en effet la population soit abasourdie en imaginant « qu’avant on pouvait battre les enfants » (ou les humilier, les menacer, etc.).

      Le point positif c’est que les choses avancent quand même, petit à petit : la première théorie de Freud ne serait certainement pas rejetée aujourd’hui comme elle a pu l’être à l’époque… Gardons espoir ;-)

  2. Merci pour cette contribution bien intéressante!! Le problème avec Freud est qu’on a oublié de prendre avec sa théorie les précautions qu’imposent toute théorie scientifique… certaines hypothèses ont été plus ou moins fructueuses (comme l’inconscient par exemple) mais la plupart ont été actualisées grâce aux découvertes des neurosciences, d’autres sont sérieusement entachées de biais et il serait grand temps de le reconnaître!!

    • En effet. Et il est navrant de constater que de tels faits concernant Freud (et permettant de largement relativiser ses théories) ne soient même pas divulgués aux étudiants en psychologie (cf. commentaire de Claire sur ce même article sur notre blog).

      • Vous avez raison, j’ai d’ailleurs récemment eu un échange assez houleux avec une ancienne étudiante en psychologie qui n’a pas apprécié que j’ose évoquer, dans un article, les « dégâts » de l’héritage de la théorie des pulsions freudienne. Il semblerait que Freud soit présenté comme un monument aux étudiants en psy, et que toute remise en question de ses théories soit apparenté au blasphème ! Merci donc pour cet article qui remet en quelque sorte les pendules à l’heure. Personne n’est infaillable, pas même Freud même s’il a certainement par ailleurs apporté d’importantes contributions à la psychologie humaine.

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