Retour sur… Bilinguisme, Multilinguisme et Education [GUEST]

Cette semaine, Ilse, une de nos neuroneuses a fait marcher son réseau professionnel (les V.I. ne reculent devant rien!!) pour nous dégoter un Guest susceptible d’approfondir le débat sur un sujet qui a souvent fait couler de l’encre par ici, je parle bien sûr de la question du bi/multi-linguisme. Je vous renvoie en particulier à la contribution de Clem Matriochka ou encore à celles de French Girl In London consultables ici et ici (si j’ai omis l’un-e d’entre vous, n’hésitez surtout pas à vous signaler dans les commentaires de ce billet!!!) qui illustrent à merveille les principales questions soulevées. Le bi-ou multi-linguisme suscite souvent craintes et réticences auprès des professionnel de l’éducation qui n’y sont en France que peu préparés, ainsi qu’auprès des parents concernés pour des raisons professionnelles ou familiales à un contexte de multiculturalisme ainsi qu’également auprès de l’immense communauté des parents qui ont à coeur d’ouvrir leurs enfants à la richesse d’un monde fait de diversité.

C’est donc dans ce contexte que Bruno della Chiesa, enseignant à Harvard mais avant tout passionné des langues et de la diversité culturelle a accepté de répondre aux questions d’Ilse qui s’est fait, le temps d’une interview, la voix des neuroneuses et neuroneurs… Je vous invite donc à découvrir ce texte riche et dense, véritable éloge au multilinguisme, à y glaner les infos qui vous parlent sans vous laisser étourdir par celles qui vous semblent à première vue trop complexes, et surtout surtout surtout, ne pas hésitez à poser vos questions (ou demande de précisions) en commentaire de cet article!! Très bonne lecture à toutes et tous!!! 

  • Les lectrices des Vendredis Intellos ne te connaissent pas, peux-tu te présenter?

BdC – Certainement. Du moins, je peux essayer. Ayant la chance inouïe d’avoir vu le jour au sein d’une famille multiculturelle (j’avais deux grands-parents italiens, comme mon nom l’indique, un grand-père allemand, comme mon prénom l’indique, et une grand-mère française, comme mon passeport l’indique), et la chance encore plus grande d’avoir vécu depuis trente ans dans divers pays européens (Allemagne, Autriche, France), et hors d’Europe (Égypte, États-Unis, Mexique), je me vois d’abord et avant tout comme un homo sapiens européen, sans qu’il me soit toujours facile de distinguer ce qui est attribuable à mes origines ‘bâtardes’ de ce qui relève de mon expérience plurilingue et multiculturelle, voire de mes choix philosophiques et politiques.

Cette caractéristique est renforcée par le fait que je voyage sans cesse: il m’arrive de plaisanter sur le fait que depuis des années je passe un tiers de mon temps en France, un tiers en Allemagne, un tiers aux États-Unis, et le quatrième tiers (!) ailleurs. Je travaille au quotidien dans quatre langues, et en comprends quelques autres. Et la ‘tradition familiale’ en ce sens se perpétue: ma fille Hélène, Française née en Autriche, vit en Angleterre depuis dix ans, soit la moitié de sa vie déjà, et  Pierre, mon fils de quinze ans, à première vue plus exclusivement français que sa sœur, prend de plus en plus nettement une orientation ‘globalisée’ lui aussi. Ils sont d’ailleurs tous les deux bilingues français-anglais, et je ne désespère pas de voir un jour en eux d’authentiques cosmopolites, polyglottes et pluriculturels.

Il n’étonnera personne qu’avec de telles origines, je me sois comme étudiant (après avoir bu des maths et de la physique jusqu’à plus soif au lycée) d’abord adonné à la linguistique, avant de me tourner plus tard vers la sociologie et d’en venir finalement aux neurosciences. Au niveau professionnel, après avoir œuvré (entre autres occupations plus exotiques) comme poissonnier, ouvrier d’usine, enseignant, éditeur de science-fiction et diplomate, j’ai quitté sans regret le Ministère français des Affaires Étrangères après 15 ans de bons (mais au goût de certains pas assez loyaux) services, pour rejoindre début 1999 le Centre pour la Recherche et l’Innovation dans l’Enseignement (CERI) de l’OCDE, au sein duquel j’ai fondé et dirigé le projet ‘Recherche sur le cerveau et sciences de l’apprentissage’, qui a abouti à la publication du livre Comprendre le cerveau: naissance d’une science de l’apprentissage (OCDE, 2007; disponible en sept langues). Chargé ensuite du programme ‘Globalisation, Langues et Cultures’, je donne dans ce cadre, à la Graduate School of Education de Harvard, un cours annuel intitulé Learning in A Globalizing World (‘Apprendre dans un monde en voie de globalisation’). Désormais également affilié à l’Université de Ulm (Allemagne), j’ai entamé une nouvelle activité dédiée aux perspectives internationales en matière de lien entre enseignement des sciences et éducation à la citoyenneté.

Mon travail sur la promotion d’une sensibilité globalisée (cf. Noddings, 2005), en lien avec la pratique de deux langues ou davantage, est résumé dans l’hypothèse dites des ‘tesseracts dans le cerveau’ (cf. mes articles 2010, et le livre Languages in a Global World, à paraître prochainement; della Chiesa et al., in press). Les notions développées dans ces publications font appel à la neuroscience (éducative), à la didactique (des langues), à la (socio)linguistique, à la définition des politiques au niveau international, à la philosophie de l’éthique et surtout à l’expérience et à la réflexion des auteurs – dans plus de 80 pays, sur tous les continents. L’ensemble invite à un voyage autour du monde par le truchement des langues et des cultures. La diversité des auteurs (en termes culturels, disciplinaires, etc.) ainsi que la multiplicité des situations et des points de vue présentés entraîne le lecteur à s’interroger sur les notions de tolérance et d’empathie interculturelle, si ce n’est sur celle d’humanité. Passer d’un chapitre à l’autre du Pérou à la Thaïlande, de la Tanzanie au Canada, de l’Italie au Kazakhstan, etc., en observant et analysant des phénomènes certes différents mais plus similaires qu’il n’y paraît à première vue, et ce en termes historiques, politiques, sociologiques, ethnologiques, et finalement philosophiques, ne peut a priori pas faire de mal (sauf pour les xénophobes patentés, je suppose).

  • Ta spécialisation se trouve dans l’apprentissage des langues étrangères et le multilinguisme. Peux-tu nous dire ce qu’il en est de ce  mythe coriace qui nous prévient qu’une éducation bilingue surmènerait le cerveau de nos bambins? D’où vient ce mythe et a-t-il lieu d’exister?

BdC – Les mythes ne naissent ni ne se perpétuent par hasard, et ils ont toujours une fonction sociale. Celui-ci ne fait pas exception à la règle, bien au contraire. Tout débat autour des langues est un débat autour des cultures, et à ce titre profondément philosophique, et surtout fondamentalement politique. A vrai dire, je suis convaincu que tant que l’on ne perçoit pas la dimension idéologique de tout ce qui touche aux langues, on n’y comprend rien. Jusqu’ici, les questions relatives à l’apprentissage des langues ont presque toujours été posées en termes essentiellement techniques (voir l’appellation ‘linguistique appliquée’ qui malgré son inadéquation, refait régulièrement surface), ce qui permet de masquer les véritables enjeux. Car c’est de valeurs qu’il s’agit ici, de perceptions et représentations culturelles, et au bout du compte de visions du monde, ni plus ni moins (della Chiesa, 2010a, 2010b). Le sujet est éminemment chargé d’idéologie(s), et quiconque veut échapper à cette réalité se condamne au minimum à passer à côté d’une dimension d’importance cruciale. Malheureusement, consciemment ou non, beaucoup cherchent à éviter ce terrain-là, miné il est vrai.

De surcroît, il est souvent (toujours?) plus confortable, pour des ‘décideurs’ de tout poil, de diriger des ignorants condamnés à errer dans les ténèbres; c’est une application de la caverne de Platon, si l’on veut, posée (entre autres) en termes d’identité/altérité. Donc les mythes qui fleurissent autour des langues et de leurs apprentissages (comme ‘X est une langue facile’ ou ‘Y est une langue difficile’, par exemple, ce qui n’a strictement aucun sens; ou pire, le mythe épouvantable du ‘don pour les langues’ que certains possèderaient et d’autres non) servent avant tout un agenda politique. Et lorsqu’ils sont de surcroît renforcés par des ‘neuromythes’ qui se parent des oripeaux de la scientificité (Comprendre le cerveau, OCDE 2007, chapitre 6), ils n’en deviennent que plus puissants. Les neuromythes sont  très à la mode ces temps-ci (exemples: ‘on n’utilise que de 10 ou 20% des capacités de son cerveau’; ‘je suis cerveau droit, elle est cerveau gauche’; ‘on perd des milliers de neurones tous les jours, et les capacités cognitives décroissent en conséquence de façon constante’; ou, beaucoup plus dangereux: ‘pour le développement cérébral, tout se joue avant l’âge de trois ans’). Ces neuromythes, tous plus débiles les uns que les autres mais rendus crédibles à force d’être rabâchés par les mass media[1], servent évidemment de multiples intérêts – mais sans doute pas ceux des enfants ni de leurs éducateurs, qu’ils soient parents ou enseignants.

Au-delà de la provocation, Goethe n’avait pas entièrement tort quand il disait que «qui ne parle aucune langue étrangère ne sait rien de la sienne» (Goethe, 1833). Le multilingue découvre d’abord un ou plusieurs autres modes de pensée, pour progressivement apercevoir où se situe, par-delà les différences culturelles que personne ne songe à nier, l’unité profonde du genre humain (della Chiesa, in press). Il ou elle apprend ainsi à se connaître soi-même (Socrate…), en découvrant la doxa de sa propre culture, véhiculée par une langue spécifique – et, nécessairement, remet tôt ou tard en cause ladite doxa, d’une manière ou d’une autre, plus ou moins entièrement. Si je peux me permettre de détourner Goethe, je dirais que «qui n’a pas vécu au contact d’une culture étrangère ne sait rien de la sienne» (‘au contact’, ici, exclut le tourisme, bien entendu): comme le dit justement mon vieil ami égyptien Henri Boulad, «un poisson ne sait pas ce que c’est que l’eau» (della Chiesa, 2010a).

Certains contestent que l’apprentissage du ‘vivre-ensemble’ soit un objectif fondamental de l’éducation; d’autres persistent à croire que l’apprentissage des langues et celui du ‘vivre-ensemble’ ne vont pas de pair (des monolingues, souvent…); d’aucuns enfin, et c’est à mon sens plus grave encore, ne sont nullement prêts à sacrifier les chauvinismes de tout poil sur l’autel du ‘respect de l’autre’: j’ai récemment entendu, au cours d’un débat dans un cadre international censément de haut niveau, quelqu’un affirmer sans vergogne que «les gens aiment être chauvins, nationalistes, etc., et qu’on ne voit pas au nom de quoi on devrait chercher à les en dissuader ou détourner»; pendant tout le reste de la conférence, j’avais en tête La Ballade des gens qui sont nés quelque part de Brassens…

Surtout ne pas se laisser impressionner par tous les ‘avertissements’ que l’on peut entendre! Les enfants bilingues ont à leur disposition plus de moyens de s’extérioriser, mais ils n’ont pas plus de problèmes que les autres! Les mythes qui entretiennent la méfiance quant au bilinguisme (en général, pas seulement le bilinguisme précoce) prennent en fait leurs racines dans des attitudes xénophobes, conscientes ou non. D’ailleurs, généralement, plus un individu est xénophobe (voire raciste), moins il est performant en langues. Cependant, ne pas être performant en langues étrangères ne signifie pas pour autant que l’on soit xénophobe ou raciste: [P ->Q] implique [non-Q ->non-P], mais pas [Q  -> P]. Le plus important, c’est qu’en vertu de ce principe logique, il y a de fortes chances pour que les gens dits ‘doués pour les langues’ (le «mythe du don», dénoncé à maintes reprises par Bourdieu), soient dans leur grande majorité de simples xénophiles. Comme souvent, mais plus que d’habitude, je me suis fait avec de telles conceptions, qui viennent renforcer ce que je crois être une vision humaniste du monde, quelques vrais amis et une myriade de vrais ennemis. Je m’y attendais.

  • S’il n’y a aucun « danger » dans l’éducation multilingue, peux-tu nous dire s’il y a des avantages?

Le seul ‘danger’, pour qui le perçoit comme tel, est de voir se développer des capacités critiques inédites chez les enfants, qui sont de futurs adultes… et donc de futurs électeurs. Car, je tiens à le répéter, apprendre une autre langue, c’est forcément se doter d’outils pour se distancier par rapport à la doxa (della Chiesa, in press), et donc, entre autres choses, résister spontanément aux sirènes des discours étroitement chauvins (en particulier nationalistes) qui font florès un peu partout, tant ils sont utiles pour produire des citoyens aveuglément obéissants (un individu cosmopolite fait rarement un bon soldat…) et plus encore, subtilement, pour maintenir en place ce que  Bourdieu (1979), appelle la ‘violence symbolique’: en renforçant une vision du monde qui divise les gens de façon simpliste et manichéenne entre, pour reprendre les termes de Todorov (1989), ‘nous’ (ici, les compatriotes ou de manière générale celles et ceux qui parlent la même langue et baignent dans la même culture) et ‘les autres’ (ici, les étrangers, d’origines et/ou de pratiques linguistiques et culturelles différentes), on crée le sentiment qu’il vaut bien mieux être ‘dedans’ que ‘dehors’, ce qui est bien utile pour maintenir à leur place ceux qui sont socialement dominés, et faire en sorte qu’ils ne s’en trouvent pas trop mal, ou du moins qu’ils considèrent leur condition de dominés comme ‘normale’ et la ressentent comme relativement confortable parce que préférable au rejet dans la géhenne de l’extérieur. Freud l’avait déjà fort bien vu: «La satisfaction narcissique provenant de l’idéal culturel est aussi au nombre de ces puissances qui, au sein de la sphère culturelle, contrecarrent avec succès l’hostilité à la culture. Non seulement les classes privilégiées, jouissant des bienfaits de cette culture, peuvent y avoir part, mais aussi les opprimés, du fait que le bien-fondé à mépriser ceux de l’extérieur les dédommage des préjudices qu’ils subissent dans leur propre sphère» (Freud, 1927/2004, p. 13). Le débat, en France l’an dernier, sur le ‘cas’ des binationaux, participe étroitement de cette problématique et illustre bien les visées qui sont à l’œuvre dans ce cadre. D’autres phénomènes similaires se (re)produisent avec une belle régularité, et encore tout récemment… (cf. Salvan, 2012).

Apprendre une autre langue, c’est, au-delà de l’acquisition d’outils de communication qui présentent des avantages évidents en termes sociaux et économiques (sur le marché du travail, par exemple), aussi et surtout développer spontanément des capacités linguistiques, culturelles, cognitives, et, au-delà, métalinguistiques, métaculturelles et métacognitives. Le système neuronal dévolu au contrôle exécutif permet entre autres à notre cerveau de trier, de hiérarchiser les informations. Le cerveau bilingue, entraîné par la pratique de ses langues à passer constamment d’un réseau neuronal à un autre, fait travailler de façon plus intensive et permanente son ‘contrôle exécutif’: en ce sens, il est plus performant quand il s’agit, par exemple, de classer des informations, d’établir des priorités, ou lorsqu’il est confronté à du multitasking, ce qui est de plus en plus fréquent pour tout un chacun…

Les travaux remarquables d’Ellen Bialystok (1988, 2001) et de son équipe à la York University de Toronto (Canada) ont montré en quoi  les enfants bilingues ‘traitent’ le langage, au niveau cérébral, de manière différente, plus efficace et plus profonde, que leurs camarades monolingues. Bialystok a également établi, récemment, que le bilinguisme, pour peu qu’il soit pratiqué au quotidien ou du moins très régulièrement, possède entre autres vertus le pouvoir de retarder le déclin cognitif, notamment en ce qui concerne les maladies neurodégénératives: les symptômes d’Alzheimer apparaissent ainsi, en moyenne, plusieurs années plus tard chez les individus bilingues que chez les monolingues (Bialystok et al., 2009; voir aussi son interview dans le New York Times du 30 mai 2011).

Les études sur le bilinguisme, dans le domaine des neurosciences, sont susceptibles d’éclairer bien des débats plus ou moins stériles car de facto dépassés (della Chiesa et al., in press), mais, malheureusement pour les lecteurs qui ne maîtrisent pas l’anglais, elles émanent pour l’essentiel de la recherche anglo-saxonne (Cromdal, 1999; Kotz, 2001; Rodriguez-Fornells et al., 2002; Mechelli et al., 2004; Baker, 2006; Ransdell, Barbier & Niit,  2006; Rodriguez-Fornells, De Diego Balaguer & Münte; 2006; Kovelman, Baker, & Petitto, 2008). Ne désespérons pas, cependant: on n’en est encore qu’aux balbutiements de la neuroscience éducative, et de nombreux chantiers nouveaux seront bientôt ouverts de par le monde. La question de savoir comment la pratique de plusieurs langues modifie la circuiterie neuronale (et donc la pensée) attire de plus en plus l’attention de la communauté neuroscientifique, qui revisite désormais la toujours vivace et toujours controversée hypothèse de Sapir-Whorf, parfois appelée ‘relativisme linguistique’ (Whorf, 1956; Gumperz & Levinson, 1996; Neville & Bruer, 2001; Casasanto, 2008; Athanasopoulos et al., 2009; Rolbin & della Chiesa, 2010). C’est d’ailleurs avec ce questionnement qu’Ellen Bialystok a commencé ses recherches sur le bilinguisme, il y a 40 ans. Aujourd’hui, son nom est incontournable dans le domaine.

  • Quelles sont les meilleures techniques pour assurer une éducation multilingue? Qu’est-ce qui fonctionne le mieux et quels sont tes conseils pour encourager les parents qui éduquent leurs enfant en plusieurs langues? Y a-t-il différentes approches selon les âges ?

Si l’on cherche une vérité révélée en termes de techniques d’apprentissage des langues, on risque fort d’être déçu. Car le rôle des techniques, en la matière, ne pèse pas bien lourd au regard de la motivation (sous réserve bien entendu que l’opportunité soit présente), comme diverses expériences ici et là en ont fait la démonstration depuis des décennies (della Chiesa, 2011). Je m’intéresse peu, pour ma part, aux ‘méthodes’ et autres ‘approches’, et d’ailleurs n’y crois pas vraiment (della Chiesa, in press), encore moins lorsqu’elles sont présentées comme des panacées (ce qui est régulièrement le cas des ‘innovations’, dans ce champ comme dans d’autres, depuis au moins 60 ans). Quand par contre l’on commence à se demander pourquoi les Nordiques, par exemple, sont massivement multilingues (en tout cas beaucoup plus que les Francophones ou les Anglophones, et que quelques autres groupes linguistiques…), alors en creusant au-delà des lieux communs on aborde des questions qui méritent réflexion: le livre Languages in a Global World apportera j’espère quelques éléments de réponse en la matière.

Depuis les travaux, révolutionnaires et fondateurs, de mon vieux maître et désormais ami Noam Chomsky (la notion de ‘grammaire générative’, puis celle de ‘grammaire universelle’, dont les premiers jalons remontent à la fin des années 50; Chomsky, 1957), on sait comment et en vertu de quels capacités un enfant acquiert sa (ou ses) langue(s) maternelle(s) – ce que le behaviorisme en vogue à l’époque précédente n’avait tragiquement pas vu, ou pas voulu voir, et en tout état de cause pas compris (pour le lien entre la notion chomskyenne de grammaire universelle et l’acquisition d’une seconde langue, cf. White, 2003). En conséquence, et concrètement, je ne pense pas qu’il y ait de conseils particuliers à donner, l’éducation bilingue au quotidien relevant en grande partie, comme l’éducation monolingue, de la simple immersion: les enfants baignent dans deux langues au lieu d’une, voilà tout (certes, cela fait une énorme différence pour eux au bout du compte, comme je l’ai déjà dit, mais cela n’implique pas a priori de la part des parents un comportement fondamentalement différent). Quelques éléments à partir de là:

1/ Si la langue maternelle de votre conjoint est différente de la vôtre, c’est une chance extraordinaire pour vos enfants, et, sauf cas particulier, il serait fort dommage de ne pas les en faire profiter. Pour faire simple, si ce n’est simpliste, je distinguerais trois périodes dans le développement de l’enfant:

– dès les premiers jours de la vie, voire avant, parlez avec votre enfant dans votre langue maternelle, tandis que votre conjoint lui parle dans la sienne. L’observation de multiples cas de figure montre que pour mettre en place facilement (‘naturellement’) une telle pratique, il est en général une seule condition à remplir: il faut que vous compreniez la langue maternelle de votre conjoint, et lui la vôtre;

– au fur et à mesure que l’enfant grandit, continuez, bien entendu, en renforçant de plus en plus votre apport par d’autres sources (chansons, petites histoires enregistrées, petits films, etc.) dans les deux langues, afin d’accoutumer l’enfant à entendre d’autres voix que les vôtres dans les deux langues;

– au moment de la scolarisation (jardin d’enfants, voire avant), optez pour l’une ou l’autre langue, et pourquoi pas pour un environnement scolaire bilingue si les conditions le permettent. On peut aussi, si l’offre est disponible, scolariser l’enfant dans une troisième langue… Du moment que cela se fait assez tôt, il n’y a pas de contre-indication crédible à ma connaissance (il est tout de même souhaitable que l’un des deux parents au moins soit très à l’aise dans la langue de scolarisation si celle-ci diffère des langues que l’enfant a entendues à la maison, et a commencé à parler). Et c’est là qu’on introduit le vecteur ‘livre’…

2/ Si votre conjoint et vous avez la même langue maternelle, et que vous souhaitiez en dépit de cette situation offrir à votre enfant une éducation bilingue, rien n’est perdu. Vous pouvez toujours introduire une autre langue dans l’environnement de l’enfant, aussitôt que possible, par le biais de vecteurs divers et variés (voir ci-dessus), et ensuite, si les conditions le permettent, opter pour une scolarisation dans ladite langue, ou pour une scolarisation bilingue.

3/ Surtout, pas de panique: s’il est évidemment préférable de familiariser le plus tôt possible un enfant avec deux langues différentes, voire davantage, il n’est jamais trop tard pour ce faire: la remarquable plasticité du cerveau permet à tout un chacun d’acquérir une langue à tout âge… J’ai bien dit à tout âge: bien entendu, on n’apprend pas une langue de la même façon à 60 ans qu’au berceau, mais il est parfaitement possible de le faire (OCDE, 2007) – cela nécessitera certes plus de temps et d’efforts, et les résultats ne seront probablement pas aussi ‘bons’, surtout en termes phonétiques (quiconque est confronté à une langue donnée pour la première fois après la puberté a de fortes chances de conserver un ‘accent étranger’, par exemple); mais quelle importance? Mis à part les espions, peut-être, qui se soucie de passer pour un locuteur natif dans une langue non-maternelle? Où est le problème, du moment que l’on comprend et peut se faire comprendre?

  • Est-il indispensable d’être natif d’une langue qu’on veut apprendre à notre enfant ?

Non, je ne crois pas, même si c’est sans doute préférable quand même (également pour la transmission des contenus culturels ‘qui vont avec’…). Quoi qu’il en soit, il est souvent difficile, et en règle générale assez artificiel, pour un père ou une mère de parler à son ou ses enfants dans une langue autre que sa langue maternelle (toutefois, des contextes particuliers y conduisent, notamment dans certains cadres de mouvements migratoires ou tout simplement lorsque le conjoint ne comprend pas la langue maternelle en question). Tout au plus aurais-je tendance à mettre en garde contre le fait d’user avec ses enfants d’une langue que l’on ne maîtrise pas bien; c’est du simple bon sens, mais parfois on ne peut l’éviter. Cela dit, je ne voudrais décourager personne sur ce terrain-là! Même si l’on ne maîtrise que partiellement une langue non-maternelle, même baragouiner présente l’énorme avantage de montrer par l’exemple à son enfant que l’on s’intéresse aux autres langues (et donc aux autres cultures),  et de lui faire passer implicitement le message selon lequel ‘parler plusieurs langues, c’est bien’, ce qui participe sans aucun doute à la construction d’une solide motivation (intrinsèque), qui à son tour va engendrer non seulement des apprentissages réussis, mais aussi, par là-même, contribuer à développer chez l’enfant une meilleure conscience de soi-même, une perception plus fine de la richesse du monde environnant en termes de diversité, pour aboutir à une conscience de ce qui, par-delà les différences, est commun à toute l’humanité. On verra alors, du moins peut-on l’espérer, fleurir chez son enfant une plus grande tolérance. Or, à moins de considérer la tolérance comme une faiblesse et non comme une vertu, transmettre les moyens de se doter d’un outil pareillement puissant en matière d’ouverture aux autres, ce n’est pas si mal, pour un début. Non?

Pour contacter Bruno della Chiesa :  bruno_della_chiesa@gse.harvard.edu

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[1] Mass media qui, en règle générale, ne connaissent ni ne comprennent rien à la science, et qui, même lorsque tel est le cas, sont structurellement incapables d’en transmettre correctement les messages de toute façon, quand bien même ils le souhaiteraient; cf. Chomsky & Hermann, 1988/2002; Chomsky, 1989/1999; della Chiesa, 1989, 1993, 2010a; Bourdieu, 1995).

27 réflexions sur “Retour sur… Bilinguisme, Multilinguisme et Education [GUEST]

  1. Merci pour cette contribution extrêmement intéressante. La partie sur les liens entre monolinguisme et politique me fait penser à une désormais phrase tristement célèbre d’un homme désormais célèbre lui aussi « La France, tu l’aimes ou tu la quittes »…
    Je me demande pourquoi je n’ai jamais réussi à apprendre une langue étrangère, pourtant je suis quelqu’un d’ouvert aux autres! La faute au système scolaire, à un environnement mono-linguistique où l’anglais baragouiné par mes parents servait à cacher ce qu’ils disaient? Je ne sais.

    • De rien, c’est un plaisir! La citation a laquelle vous faites allusion vient forcément à l’esprit en pareil cas (ainsi qu’un certain nombre d’autres…).
      Je ne sais pas non plus pourquoi vous estimez n’avoir « jamais réussi à apprendre une langue étrangère » tout en étant « quelqu’un d’ouvert aux autres » (ce dont je ne doute absolument pas, bien entendu). Il est certain que vous êtes ici en bonne compagnie, et pur ce que j’en sais chaque cas doit être analysé isolément. Comme je le dis ci-dessus, « ne pas être performant en langues étrangères ne signifie pas pour autant que l’on soit xénophobe » ou quoi que ce soit de ce genre. Ce qui est certain par contre, au-delà des différences individuelles, c’est que la France (au même titre que d’autres puissances coloniales, passées ou présentes, comme l’Angleterre, le Japon, les États-Unis…) ne valorise guère, de par son complexe de supériorité, les langues dites étrangères, notamment dans son système éducatif. Et ce la ne date pas d’hier: ainsi que le soulignait avec son inimitable ironie l’un de nos grands penseurs, voici près de 250 ans, “On disputa un peu sur la multiplicité des langues, et on convint que, sans l’aventure de la tour de Babel, toute la terre aurait parlé français”! (Voltaire, L’Ingénu, 1767)

  2. Merci pour cette contribution.
    Voici ma super-mini-contribution : mes grands-parents, nés dans les années 20 dans la Loire étaient bilingues patois-français, et ont parlé ces 2 langues toute leur vie, malgré les efforts de l’école laïque pour leur faire abandonner le patois (leur langue maternelle).
    L’an dernier nous avons passé des vacances à Amsterdam. Au bout d’une semaine, Jeanne, qui avait 6 ans 1/2, était capable de passer une commande au restaurant en anglais, alors qu’elle n’en avait jamais fait.

    • Bien sûr on ne parle pas que des langues « reconnues ». Si on compte les patois je suis quadrilingue ^^
      Et n’oublions pas le langage des sourds! Surtout!

      • Si vous souhaitez une réflexion sur les langues de signes, je travaille depuis plusieurs années à Cambridge MA avec une spécialiste d’ASL (American Sign Language) qui, j’en suis sûr, se fera un plaisir de vous concocter un billet en tant que ‘guest’. Il faudra certes le traduire (elle n’écrit pas en français), mais le jeu en vaut la chandelle: que l’on soit personnellement confronté ou non à la langue des signes et à ses utilisateurs, on a énormément à apprendre à et de ce sujet…

    • Merci à vous!
      Je crains cependant que le cas de vos grands-parents ne soit de plus en plus rare, et pas seulement en France. Certaines langues sont effectivement menacées d’extinction, au même titre que certaines espèces animales: il existe une forme d’écologie des langues, où un darwinisme sauvage s’applique. Quant à la distinction entre ‘langue’ d’une part et ‘patois’ ou ‘dialecte’ de l’autre (distinction qui en linguistique ne signifie rien), c’est à nouveau une question purement politique. Le linguiste Uriel Weinreich (1926-1967, grand spécialiste du yiddish), a résumé le débat dans une formule-choc parfaitement exacte: « A language is a dialect with an army and a navy »;;;

  3. Je suis néerlandaise et a peu près trilingue ayant étudié et travaillé dix ans en anglais dans l’astronomie aux Pays-Bas et deux ans en français dans le climatologie en France.
    Aux Pays-Bas il est obligatoire depuis 1986 d’apprendre l’anglais depuis l’âge de 10 ans. Donc tout les hollandais sont au moins bilingue (ils apprennent aussi le français et l’allemand plus tard). Si le bilinguisme est si répandue, pourquoi il y a beaucoup de xénophobie là bas?

    • Pardonnez-moi (mommy brain), j’ai oublié de remercier pour ce billet très intéressant. Et je veux aussi rajouter que je suis mariée avec un guinéen qui parle cinq langues et nous avons une petite fille de deux mois qui sera au moins trilingue.

      • Vous n’avez pas à me remercier, c’est moi qui vous remercie pour vos questions et votre témoignage.
        Étant donné ce que vous dites, je serais fort étonné de votre fille développe des sentiments xénophobes ou racistes en grandissant, même si nos sociétés continueront malheureusement longtemps à secréter ces poisons-là. En fait, je suis prêt à parier qu’elle fera partie, le moment venu, des humanistes qui, ayant développé une conscience globale aiguë, s’opposent,aux fauteurs de haine xénophobe, à commencer par ces politiques qui entretiennent leurs fonds de commerce sur l’ignorance.

    • Vous posez là une question très importante – et difficile. En effet, lorsque le bi- ou le multilinguisme sont très répandus, comment expliquer l’émergence, voire le développement d’une xénophobie massive? Ce qui vous dites des Pays-Bas est incontestable, et s’applique également ailleurs, par exemple aux pays nordiques. Il me faudrait un papier au moins aussi long pour (commencer à) apporter un début de réponse complet, aussi me contenterai-je pour le moment de trois points dont j’espère qu’ils seront un peu éclairants:
      1/ Si comme je le dis ci-dessus la pratique des plusieurs langues me semble être un bon rempart contre diverses formes de xénophobie, ce n’est pas un vaccin 100% efficace pour autant.
      2/ En effet, de nombreux facteurs (économiques, sociaux, politiques…) entrent en jeu dans la formation des sentiments xénophobes, et le multilinguisme n’est pas une panacée pour se prémunir de la contagion.
      3/ Surtout, même si la pratique de plusieurs langues et l’immersion dans différentes cultures a un effet positif dans la sens de la xénophilie, cela ne signifie pas que ladite xénophilie s’applique tous azimuts. Pour m’appuyer sur votre exemple: certes, aux Pays-Bas la plupart des gens s’expriment bien en anglais, et souvent également en français ou en allemand, mais la xénophobie rampante est-elle d’abord (ou essentiellement) dirigée vers les Anglophones, les Francophones ou les Germanophones? Je ne pense pas… On peut déjà établir une « hiérarchie des préférences » entre ces trois langues (et donc entre les cultures que ces langues véhiculent), alors si l’on parle de langues et de cultures non-européennes…

  4. Merci pour cet article qui apporte bien des réponses à mes interrogations! Je suis française, expatriée en Espagne et mariée à un espagnol :-) Nos filles sont bercées par trois langues au quotidien et même si pour l’instant l’aînée ne s’exprime qu’en espagnol, je sais que bientôt elle saura me répondre en français, qu’elle comprend parfaitement. Je parle toujours en français à mes filles même si j’ai tendance à l’éviter « en société » pour fuir les regards par forcément intéressés… Quand la TV est allumée, il peut s’agir de dessins animés, des informations ou de séries en français ou en espagnol. Leur Papa leur parle uniquement en espagnol et la troisième langue, une langue locale (valencien, proche du catalan) leur est parlée par leur grand-mère et à l’école pour la plus grande. Par mon travail je suis amenée à m’exprimer en français, anglais et espagnol bien que j’ai durant plusieurs années voyagé en Grèce et à Chypre. Le monde des langues me passionne et je rêverais d’en apprendre encore bien d’autres… Allemand, arabe ou italien, il n’y a que le temps qui me manque!

    • La règle numéro 1: bien séparer les langues! Et, comme Bruno le dit si bien; si toi et ton partenaire comprenez bien les langues des uns et des autres c’est un gros atout. Mon mari ne comprends pas le flamand et ça bloque l’apprentissage de ma fille. On est passé à l’anglais pour la peine.

      Sache qu’une amie à moi a toujours parlé anglais à ses fils, alors qu’ils vivaient en France. Ses fils ne lui ont jamais répondu en anglais jusqu’au jour où, lorsque l’ainé avait 5 ans et qu’ils sont partis aux US, il lui a sorti « On est en amérique, maintenant, maman, on doit parler l’anglais! » et il s’est mis à parler anglais courament, sans aucun souci.

      Donc même s’ils ne parlent pas, ils assimilent, sois-en sûre!

      Bon courage!

    • Merci à vous. Aucun doute quant au fait que vos filles « bercées par trois langues au quotidien » s’exprimeront à l’avenir dans les trois langues en question… et dans d’autres aussi, probablement. Quelle chance pour elles! Par ailleurs, vous savez sans doute qu’il est parfaitement normal qu’un enfant qui grandit dans un milieu bilingue (ou plus) ne s’exprime à certaines périodes de sa croissance que dans l’une seule de ces langues – nul besoin d’aller chercher les neurosciences pour comprendre le pourquoi de ce phénomène! Je ne sais pas quel âge a votre fille aînée, mais qu’elle s’exprime dans votre langue uniquement et non dans celle de son père est on ne peut plus naturel… et très sain. Longtemps, on a attribué par erreur ces phénomènes à des « problèmes » qui affecteraient spécifiquement les enfants bilingues, alors que tous les enfants passent par les mêmes étapes. La seule différence, de ce point de vue, entre un enfant monolingue et un enfant bilingue, c’est que l’enfant bilingue peut se permettre le « luxe » d’exprimer certains sentiments en cessant pendant un temps de parler une langue donnée, tout en restant capable d’exprimer ses besoins fondamentaux ce que l’enfant monolingue ne peut se permettre.
      Et bien d’accord avec vous (et avec toutes celles et ceux que « le monde des langues (…) passionne[nt]: pour « en apprendre encore bien d’autres »… »il n’y a que le temps qui manque! »

  5. Merci pour ce billet si complet ! L’approche politique du bi/multiliguisme est tout à fait intéressant. Vos explications sur la découverte de plusieurs langues, quel que soit l’âge et malgré le contexte monolingue familial sont très encourageantes.

    • Mais de rien! Et oui, je trouve aussi que bien des découvertes en matière de neurosciences (pas seulement en ce qui concerne les langues) sont de bonnes nouvelles pour nous tous! :)

  6. Merci pour cette participation ô combien passionnante.J’ai envie de dire « Amen ! ». Elle soulève des questions bien plus profondes que la simple éducation parentale si ce n’est l’ambition de l’éducation nationale. Ambition qui n’est autre que de maintenir les gens dans une relative ignorance. Je retiens « il est souvent (toujours?) plus confortable, pour des ‘décideurs’, de diriger des ignorants condamnés à errer dans les ténèbres ». C’est tout à fait ça à mon sens.
    Et une autre phrase fait écho en moi « qui ne parle aucune langue étrangère ne sait rien de la sienne » : c’est dans la connaissance des autres que réside la connaissance de soi. Et c’est ainsi que né le changement. Les autres nous enrichissent et voir leur monde à eux poussent inévitablement à l’évolution de notre propre monde… d’où le désir des dirigeants de ne pas apporter cette richesse qui serait préjudiciable au maintien d’un peuple calme et qui a peur du changement.
    J’aurais aimé que la question du choix du non bilinguisme dans l’éducation de certaines personnes issues de l’immigration soit abordée : je suis fille d’espagnole immigrée. Arrivée en France, elle a dû s’intégrer et laisser sa langue maternelle. Tant et si bien qu’elle ne maîtrise aucune des deux complètement. Comme si l’apprentissage avait été court-circuité. Et elle a fait le choix délibéré de ne pas nous parler espagnol.
    Aujourd’hui, ma soeur est polyglotte alors que j’éprouve véritablement de la honte à parler espagnol ou tout autre langue étrangère. Alors que j’ai un intérêt sincère pour toutes les autres cultures de part le monde.
    Je serais ravie que vous apportiez un éclairage sur cette question :)
    Merci encore pour cet apport précieux aux VI !!

    • Je comprends tout à fait ton point de vue, qui souligne à mon sens un élément essentiel de l’apprentissage des langues: l’ancrage affectif…
      Ma mère était elle-même de langue maternelle italienne et a fait le choix de ne pas nous la transmettre… ce parce que son histoire d’immigration était trop douloureuse pour qu’elle puisse le faire…!! Je respecte même si je regrette…!!

    • C’est moi qui vous remercie! Pour commencer, il est vraisemblable en effet que le débat autour des langues tel qu’il est ici posé « soulève des questions bien plus profondes que la simple éducation parentale si ce n’est l’ambition de l’éducation nationale ». Une telle position m’a valu, depuis des années, plus d’ennuis que je ne peux le raconter… et ce n’est pas fini. Un véritable tabou, alors qu’il est de bon ton de se gargariser d’une « volonté d’élever le niveau » (lequel? où? pour qui?), sans même parler des incantations creuses autour de la « méritocratie » ou de « l’égalité des chances », dont on sait bien à quelles points elles sont fallacieuses. Je suis en effet convaincu que l’ambition « de maintenir les gens dans une relative ignorance » est une réalité en bien des secteurs de la planète, et ce en dépit de la volonté de maintenir une « compétitivité » qui dépend en partie du niveau de formation des populations concernées (mais « on » a trouvé les moyens de résoudre cette équation!). Comment en serait-il autrement, d’ailleurs? Vous voyez beaucoup de pouvoirs se maintenir en place en ayant à diriger des population qui à 80%ou plus se mettraient à penser par eux-mêmes en étant de surcroît armés (d’arguments) pour ce faire?
      Inutile de dire, par ailleurs, que je me réjouis que vous voyiez aussi clairement ce que Goethe voulait dire avec son provocant aphorisme…
      Je dois quitter le cyberespace pour quelques heures, mais je reviens dès que possible pour vous répondre sur « la question du choix du non bilinguisme dans l’éducation de certaines personnes issues de l’immigration » (et réagir aussi à ce que dit mme déjantée à ce sujet). Un autre sujet passionnant… et ô combien explosif!

      • Coucou me revoilou, comme promis.
        La « question du choix du non bilinguisme dans l’éducation de certaines personnes issues de l’immigration » est, pour des raisons évidentes, peut-être encore plus directement politique que toute autre dans ce cadre. Cela relève même, dans une large mesure, de la « politique politicienne »… Pour autant que je sache, cela fait assez peu débat en France (où je présume qu’une large majorité considère que le français comme de unique langue de scolarisation va de soi), mais c’est loin d’être le cas partout. Il y a quelques années, certains états américains ont même organisé des référendums sur le sujet: doit-on ou non continuer à offrir (et donc à financer…) une éducation bilingue anglais-espagnol à l’école ‘publique’? Un congressman a fait activement campagne pour le ‘non », qui l’a emporté dans le Colorado, en Californie… et même dans le Massachusetts, c’est dire! L’une des difficultés est qu’en général cette question est traitée comme si elle ne concernait que les enfants de migrants, ce qui « colore » le débat, si j’ose dire. Car en fait, à y bien réfléchir, il n’y a aucune raison d’aborder la question uniquement sous cet angle: pourquoi des enfants dont la langue maternelle est également la langue dominante (et donc la langue de scolarisation) dans un contexte donné ne bénéficieraient-ils pas également d’une scolarisation bilingue? Le Canada a eu le mérite de poser la question en ces termes, et y a répondu, notamment par les programmes dits « d’immersion ». Je me permets ce soir, pour faire court, de vous renvoyer au livre « Languages in a Global World » à paraître dans quelques semaines: plusieurs chapitres abordent très directement ce sujet. et certains y sont même partiellement ou entièrement consacrés (les chapitres 5, 11, 12, 16, 17, 19, 20 et 21). Le chapitre 12, qui traite de l’Espagne, et singulièrement de la Catalogne, pourrait vous intéresser tout particulièrement. Quant au chapitre 20, il prône ni plus ni moins une éducation bilingue allemand-turc en Allemagne, non seulement à l’usage des jeunes Turcophones, mais également à l’usage des jeunes Germanophones. Si vous ne connaissez pas bien la situation en Allemagne, juste pour vous faire une idée: imaginez quelqu’un qui recommanderait une éducation bilingue français-arabe en France, non seulement pour les jeunes Maghrébins, mais aussi pour les jeunes Français dits ‘de souche’… Bref, je m’attends à quelques retours enflammés, si ce n’est ‘de flammes’… Dans le livre cité ci-dessus, chacun des auteurs qui abordent le sujet considère au minimum que nul ne devrait être amené (et encore moins contraint), pour s’intégrer quelque part, à abandonner sa langue maternelle. Reste encore tout le débat autour des cultures « qui vont avec » les langues…
        Je connais un peu, mais de façon indirecte, la situation que vous décrivez comme celle de votre mère immigrée d’Espagne, ainsi que celle que mmedéjantée décrit comme celle de sa propre mère, de langue maternelle italienne: c’est en effet assez proche celle que mes grands-parents italiens ont vécu il y a un siècle environ… Je pense qu’ils n’ont jamais complètement maîtrisé le français, ce qui ne les a pas empêché de s’interdire de parler italien à leurs enfants (et d’interdire à leurs enfants de leur parler en italien, même si c’était la langue que mes grands-parents utilisaient entre eux). Résultat: dans la génération de mon père et de mes oncles et tantes, tout le monde comprend mais personne ne parle bien l’italien, et dans la génération suivante (la mienne, donc), nous ne sommes que quelques-uns à comprendre la langue, pour des raisons diverses, mais personne à ma connaissance ne la parle correctement. Mes grands-parents ont, comme la mère de mmedéjantée, « fait le choix de ne pas (…) transmettre » leur langue maternelle. mais l’explication qui nous en a été donnée, à nous troisième génération, est différente de celle que mmedéjantée mentionne: il n’a jamais été fait mention « d’une immigration (…) trop douloureuse » mais d’un choix politique: on voulait que les enfants soient des « Français », on voulait être même « plus français que les Français » (retourner en Italie n’a à ma connaissance jamais été envisagé); Cela dit, je me suis toujours demandé quelle était la part de légende là-dedans. Et le commentaire de mmedéjantée me ramène à cette interrogation. Quoi qu’il en soit, tout comme elle « je respecte même si je regrette ».
        Ce que par contre je ne comprends pas bien, c’est pourquoi vous, Kiki the mum, dites éprouver « de la honte à parler espagnol ou tout autre langue étrangère »: si je puis me permettre une question, est-ce votre maîtrise que vous jugez imparfaite qui en est la cause?

  7. Merci pour cet article.

    J’adhère complètement au fait que le rapport à la langue est très politique.
    Souvenons-nous que nos amis alsaciens et lorrains ont eu de nombreuses années interdiction de parler français, et les enfants du début du XXe siècle obligation de le parler à l’école.

    Quant au niveau minimum de français que l’on veut imposer aux candidats à la naturalisation, c’est encore oublier noter histoire, et tous les apports que nous avons eus de personnes venues s’installer, travailler, contribuer à notre société, sans jamais bien apprendre le français.

    • Comme tu dis parfaitement… voici un point de vue ouvert à la différence, sensible à la richesse de la diversité, promouvant l’amitié entre les peuples et les cultures… et qui me fait plaisir à voir partagé sur les Vendredis Intellos!!!

    • Merci pour vos commentaires et votre soutien!
      L’exemple de l’Alsace-Moselle que vous prenez est en effet très riche d’enseignements, d’autant qu’il fonctionne dans les deux sens. Les déplacements de frontières, que ce soit en 1871 ou en 1919/1920, ont après les guerres fait des dégâts supplémentaires considérables… et les situations comparables sont innombrables à la surface de la planète.
      Bien d’accord avec vous sur la seconde question que vous soulevez, et que vous mettez également fort judicieusement en lien avec l’Histoire (je n’en ai que trop peu parlé ci-dessus, parce que sinon j’aurais réécrit tout le bouquin sur ce site!): d’une extrême complexité, cela mériterait autre chose que les positions amnésiques et racoleuses que l’on entend à ce sujet. Orwell (qui, soit dit en passant, a fait avec le Newspeak dans son « 1984 » une utilisation fabuleuse, même si extrême, de l’hypothèse de Sapir-Whorf), a écrit dans ce même roman, me semble-t-il: « qui contrôle le présent contrôle le passé »…
      Et puisque vous faites allusion à la Première Guerre Mondiale, permettez-moi de détourner Clemenceau: le destin des individus et des peuples n’est-il pas chose trop sérieuse pour être confiée à des politiques?…

  8. Merci pour cette contribution très intéressante.

    Il me semble que langue et identité sont profondément liée. Quand je parle d’identité c’est le « moi », « qui je suis » que j’aborde. Ta langue, ton accent te définit aux yeux des autres.
    Mon grand-père est né en Lorraine en 1913, ses parents pour se comprendre devaient parler français, l’un avait pour langue maternelle un patois lorrain, l’autre l’alsacien. Avec la première guerre mondiale ils sont partis sur Paris où mon grand-père a vécu ses premières années. En 1919, retour dans les Vosges où il est scolarisé. Il n’est plus lorrain, son accent le prouve, il est « parigo ». Quelques années plus tard, retour à Paris. Il est le petit provincial à l’accent vosgien… Il fera de nombreux aller-retour entre la Lorraine et Paris jusqu’à ses 14 ans, il a du changé d’écoles au moins 6 fois. Pour lui, « il était de nul part ». Il n’était pas parisien, il n’était pas lorrain, il n’était pas vosgien. Sans doute avait-il au moins le sentiment d’être français mais dans ces années là l’appartenance régionale était encore très forte. D’ailleurs elle l’est encore dans certaines régions de France. Je pense par exemple à la Bretagne avec la création des écoles Diwan, ou encore à l’Alsace où j’habite. Pour anecdote, mon voisin, alsacien de souche, qui parle alsacien depuis son enfance m’a dit que pour être une « vraie alsacienne » il ne me restait plus qu’à savoir parler alsacien. Mais quel est mon identité ? J’ai vécu un an à l’étranger, dans plusieurs région de France, j’ai voyagé. Je ne suis pas vraiment bilingue (d’ailleurs je soulèverai un autre petit point à ce propos, vous pourrez peut-être me donner quelques pistes), je baragouine plutôt l’anglais, comprends quelques mots d’allemand. Suis-je française ? Depuis cette année en Ecosse entre autre je me sens plutôt européenne. Peut-être que cela peut sembler étrange à certaine personne. Je pense que s’exiler, aller vivre en dehors de sa région, son pays peut entraîner deux choses : soit une ouverture aux autres, au pays d’accueil, et l’apprentissage de la langue en est parti intégrante, soit au contraire un repli sur soit, sur ce que l’on connait, un rejet de l’autre. Après cette année à l’étranger, je pense que certain se sont sentis européen ou habitant du monde, d’autres au contraire ce sont senti français plus que jamais il ne s’était senti ainsi auparavant.

    Le deuxième point que je souhaitais aborder dans l’apprentissage des langues est celui des enfants et adultes dyslexiques. L’anglais langue pleine d’irrégularités semblent l’une des langues étrangères les plus difficile à apprendre pour un dyslexique. Y aurait-il des études à ce sujet ? Et des chercheurs/ professeurs travaillent-ils sur ce sujet : apprentissage des langues étrangères chez les dyslexique, sachant que les dyslexiques représente tout de même 10% de la population mondiale ?

    Merci pour vos réponses!

  9. Bonsoir, j’arrive après la « bataille », j’espère que vous pourrez me lire quand même.

    Merci beaucoup pour vos réponses et tous ces éclairages. Je suis particulièrement intéressée parce que je vis en France et suis mariée à un français d’origine russe (ses arrière-grands-parents ont émigré au moment de la Révolution de 1917), sa langue maternelle est le russe, la mienne le français mais j’ai appris le russe. Nous parlons donc russe à nos enfants, moi aussi, même si je ne le parle pas parfaitement (loin de là). Il est vrai qu’en présence de Français (mes parents notamment), j’ai dû mal à le faire, je suis gênée parfois de parler à mes enfants une langue qui n’est ni la langue majoritaire de notre pays de résidence, ni ma langue maternelle. Pourtant, c’est cette langue qui me vient naturellement pour parler aux petits (il me faudra bien sûr progresser si je veux la leur parler quand ils seront plus grands). Bref, je ne sais pas pourquoi je vous fais tout ce roman, peut-être pour être rassurée… Le terme « superficiel » que vous employez à ce sujet m’a d’autant plus gênée que même si le russe n’est pas ma langue maternelle, je ne trouve pas superficiel de le leur parler puisque c’est pour perpétuer la langue maternelle de mon mari.
    Vous voyez ce que je veux dire ?

    Je n’avais jamais vraiment réalisé le côté politique de tout ça. Merci beaucoup pour cet éclairage. Il est particulièrement intéressant de voir comme les problématiques sont différentes selon les pays. J’ai l’impression que la France est quand même assez « remarquable » dans sa peur des autres langues. Vous évoquiez d’autres pays coloniaux, est-ce aussi fort chez eux ?
    Pensez-vous que les choses bougent en France ?

    Encore merci pour votre participation à nos VI !

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