BD qui présente quelques habiletés utiles dans les relations parents profs

Pour un enseignant les vacances sont un temps de repos mais aussi un temps de préparation et de recul ; bref un temps pour progresser. Je profite de mes quelques jours de congé pour me replonger dans « Parler pour que les enfants apprennent, à la maison et à l’école » et redécouvrir la dernière partie sur « le partenariat parents enseignants ».  Cette fameuse collaboration éducative, dont presque tout le monde est convaincu des bienfaits en théorie, c’est quand même un sacré défi dont j’avais déjà tenté de déméler la complexité il y a presque un an.

Comme toujours, nos inséparables Adele Faber et Elaine Mazlish nous apportent des billes.  Elles nous rappellent, en relatant une dispute « romancée » entre  enseignants et mères d’élèves que toutes les critiques que parents et enseignants ont  tendance à  échanger sont autant de « baffes » verbales qui blessent, découragent et surtout nous empêchent de trouver de vraies solutions à nos problèmes. J’ai le souvenir d’avoir pris des remarques  du style « mon fils ne veut plus venir à l’école à cause de vous » ou encore « j’aurai préféré que ma fille soit chez l’autre maîtresse ». Très agréable.  Quand mon fils était en petite section, sa maîtresse, pourtant de bonne volonté, nous a dit que Grand Doux « n’était pas intéressé par le travail scolaire » ; comme je connais mon fils et que j’ai un peu l’habitude, j’ai su que ce n’était pas vrai, mais une telle phrase pourrait peut-être faire des dégâts dans des familles moins « expertes ».  D’autant plus, si nous creusons un peu, nos besoins sont les mêmes : respect, écoute, et volonté de faire au mieux pour l’enfant… Raison de plus pour faire se creuser un peu la tête pour parvenir à s’entendre.

Comme toujours, les auteurs nous proposent des habiletés très concrètes, que certains reconnaîtrons comme des déclinaisons de celles proposées dans « Ecouter pour que les enfants parlent ». On y fait le plein de bon sens et de situations concrètes. Ces habiletés sont présentées en deux parties, une destinée aux profs et l’autre aux parents , mais au fond, elles se ressemblent beaucoup. NB : La traduction est de moi, et je vous prie d’excuser les imprécisions éventuelles.

Ce que les parents attendent des professeurs :

« Commencer la réunion par quelque chose de positif » : A garder en tête, (même si, dans la vraie vie, cette petite Inès, eh bien, elle nous casse vraiment les pieds)

« Ne pas parler des défauts de l’enfant mais préciser ce qui doit être amélioré» : les parents ont tendance à coller des étiquettes à leur enfants, pas forcément flatteuses, n’en rajoutons pas mais donnons du concret.

« Décrire précisément ce qui a marché en classe » : pour moi, un point hyper important, le truc où je me sens à l’aise… Comme je n’ai pas de poste à moi, j’ai relativement peu de rendez-vous avec les parents. Néanmoins, j’essaie toujours de glisser quelque chose de positif lorsque les parents me demandent des nouvelles à l’accueil du matin ou le soir. Parfois il faut se creuser un peu la tête, et rester sincère pour ne pas tomber non plus dans la démagogie.  On se sent  toujours « bon parent » lorsqu’un prof nous fait des compliments sur notre enfant, et ça doit être encore plus sympa lorsqu’on on habite un quartier populaire où on se sent parfois stigmatisé.  De préférence, Faber et Mazlish conseillent de  s’arranger pour que le gamin entende : carton plein pour l’estime de soi du parent et de l’enfant. Et renforcement de la motivation de tout le monde. Dans une de mes classes, nous avions repéré un petit gars de 4 ans, nommons le Arthur, comme ayant une compréhension et un comportement un peu limite. Un soir sa mère vient me trouver en me demandant comment ça se passe pour son fils qu’elle trouve « un peu lent ». Je lui décris, devant l’enfant, un garçonnet qui aime m’aider à ranger et qui travaille avec courage dès lors qu’il a compris la consigne, compréhension qu’il ne faut pas hésiter à vérifier. Je lui montre un exercice qu’il a très bien réussi. La semaine suivante le comportement d’Arthur et surtout son travail n’étaient plus les mêmes. En pratique, les choses sont un peu plus compliquées, et ce n’est pas dit qu’Arthur n’aura pas besoin dans un mois d’une piqure de rappel. Mais pourquoi ne pas tenter l’expérience ? On aura au moins proposé une autre image, plus positive, de l’enfant…

« Ne pas abandonner la partie face aux difficultés mais développer un plan » : en pédagogie, je trouve qu’il est important de partir de l’idée que rien n’est jamais perdu. Lorsque j’étais ado, les profs m’ont dit que, déjà faiblarde en maths ce n’était pas la peine que je passe trop de temps sur la géométrie car « je ne voyais pas dans l’espace » (je n’ai jamais compris d’où ils sortaient ce jugement). Lorsque j’ai passé le concours pour être instit, je me suis rendu compte que non seulement je réussissais les exercices de géométrie, mais qu’en plus j’adorais cela. Quel gâchis ! Soyons un peu pit-bull et raisonnons plutôt ainsi : Bon, Chloé a des difficultés à reconnaître les formes géométriques, OK, le triangle ne passe pas, mais elle a plutôt bien réussi dans tel exercice. Quelles activités, quels jeux pourraient l’aider ? Que peut-on mettre en place ENSEMBLE, à l’école et à la maison ? Et une fois le programme arrêté, dégageons du temps pour le suivre (qui n’a pas connu le pompeux  Plan Personnalisé de Réussite Educative, échouant joli papier qui dort dans un classeur, il vaudrait dix post à lui tout seul, ce dispositif là)…

Ce que les professeurs attendent des parents :  Nous trouvons des habiletés parallèles, puisque finalement les besoins des uns et des autres se rejoignent.

« Commencer l’entrevue en disant quelque chose de positif » : un « Camille a beaucoup apprécié la sortie au musée que vous avez organisé le mois dernier, depuis, elle nous réclame des documentaires sur la peinture » disposera mieux le prof que « Vous grondez trop souvent Camille, elle a peur de venir à l’école ». Le prof de 2013 est déjà suffisamment énervé comme ça, inutile de le chatouiller…

« Au lieu de m’attaquer, décrivez les besoins de votre enfant » (je trouve qu’on peut rajouter, « et les vôtres »). Remplacer « vous avez tort de blâmer Cathy parce qu’elle ne fait pas assez d’efforts » » par « Cathy se décourage facilement, en particulier pour la lecture. Il semble qu’elle réussit mieux lorsque quelqu’un est là pour se rendre compte de ses efforts »

« Au lieu de dissimuler les informations, partager avec moi ce qui concerne votre enfant ». Informer l’enseignant des difficultés familiales qui sont susceptibles de perturber votre enfant, il n’a pas à juger. Il est même possible qu’il voit dans votre confiance un indicateur de votre « bonne » volonté. En même temps, je dirai qu’il est inutile d’en dire trop car l’enseignant n’est ni psychologue ni conseiller conjugal (si, si ;)) et conseillerai de se borner à ce qui a un lien direct avec la scolarité.

« Ne me dites pas ce que je dois faire, mais décrivez ce qui fonctionne à la maison ». L’enseignant en a souvent ras le bol d’être pris pour un incapable, mais il est prêt à accepter  que, en tant que parents vous avez des compétences et vous pouvez lui « donner des billes » pour l’enfant.

«Au lieu de refuser de coopérer, aidez-moi à bâtir un plan ».  Par exemple si l’enseignant vous propose d’inscrire votre fille à la bibliothèque, de limiter les heures passées sur la console de jeux, c’est qu’il pense que votre action est indispensable et qu’il a besoin de votre coopération. Ne prétextez pas un manque de temps, il y va de la réussite de votre enfant. Peut-être faut-il revoir vos priorités.  « Et au lieu d’oublier ce plan sitôt l’entrevue terminé, suivez le sérieusement » (ça se passe de commentaire) .

Ces habiletés facilitent les relations « parents-enseignants », j’en suis convaincue.  on pourrait aborder ces questions dans les écoles, avec les parents d’élèves, et en formation d’enseignants (certains sont « naturellement »  doués pour ce genre de truc,  par exemple à la « Super-maîtresse » dont a hérité Grand Doux, mais pour les autres, dont je fais partie, ce n’est vraiment pas une évidence de départ). Dans la même veine, il faudrait aussi sérieusement réfléchir à comment se passent les concertations et les conseils d’école, qui faute de véritable dialogue, ne sont parfois qu’une perte de temps et une source d’énervement et de rancœurs…

Pour autant je ne crois pas que ces conseils soient LA solution miracle contre toute la violence.  Je connais plusieurs collègues qui ont été menacés de mort par des parents d’élèves et si, peut-être, de telles habiletés auraient pu désamorcer les bombes, dans ces cas extrêmes, ce n’est pas si sûr.  Je crois que dans ces situations, il faut aussi que tout le monde, enseignants, hiérarchie et parents d’élèves se mobilisent pour dire stop, et malheureusement, c’est loin d’être le cas.

Pour ceux qui ne connaissent pas, les bouquins de Faber et Mazlish mêlent (et c’est parfois un peu surprenant) passages romancés, chapitre de questions réponses et bandes dessinées. Je conclurai en traduisant la fin du chapitre « romancé »  introductif qui relate  un « clash » et sa résolution  entre profs et parents d’élèves rencontrés par hasard dans un restaurant « C’était parents contre enseignants. Nous contre eux. Mais quand nous nous sommes quittés, nous étions tous dans le même bateau, dans la même équipe, liés par notre engagement commun en faveur des progrès de nos enfants et de notre détermination à n’en abandonner aucun ». En d’autre termes, au lieu de voir sans cesse ce qui nous sépare cherchons aussi ce qui nous réunit et les choses seront plus faciles.

Flo la souricette (qui a aussi son blog là)