Eduquer, c’est former en élevant, en instruisant, en enseignant : un vaste programme dont on ne compte pas le nombre des acteurs.
Parents, professeurs, grands-parents, tout adulte est susceptible d’enseigner quelque chose à notre enfant, de lui transmettre un élément qui comptera pour le restant de sa vie.

Les premiers enseignants de l’enfant sont sans nul doute les parents. Nous le savons, les enfants apprennent beaucoup de nous, ne serait-ce qu’en observant. Puis il y a ce que nous souhaitons transmettre. Et enfin, ce que l’enfant demande qu’on lui enseigne. Annadesmouettes évoque la période de l’abstraction chez l’enfant, ce moment où il se nourrit du réel pour ouvrir les portes en grand de l’imaginaire. Et pour ouvrir ces portes-là, il a besoin de ses parents : il faut d’abord donner de la matière à son enfant, en lui ouvrant les portes du monde réel, celui qu’il voit, pour qu’il le dépasse. Un travail fait par les parents qui démarre dès la naissance – on lui montre son monde, le monde dans lequel il est né – et que l’on commence à mon sens à faire plus consciemment dès lors que l’enfant pose les questions : »C’est quoi ça? » et le très énervant constructif « pourquoi ? », accompagné de ces autres trilliards de questions. Une « éducation » dont je n’avais jusque là pas du tout conscience… avant de lire cet article très intéressant. Qu’y a-t-il de plus passionnant à observer que l’immense capacité des enfants à inventer un monde ? C’est un art qui me fascine… et que l’on a fort peu l’occasion d’exercer adulte. Car voilà l’importance de cela : sa portée pour sa vie d’adulte. Nietzsche disait : »Nous avons l’art pour ne point mourir de la vérité ». Cette phrase à elle seule souligne l’importance de l’imaginaire dans la vie de l’être humain.

Gardons aussi à l’esprit que nous ne pouvons pas tout donner à nos enfants. D’ailleurs, peut-on dire « nos » enfants. ClemLaMatriochka nous transmet un texte sublimissime qui me parle ô combien sur l’humilité que l’on doit avoir en tant que parent. Les enfants nous sont confiés uniquement le temps de leur apprentissage de la vie, mais en aucun cas nous les possédons. Je trouve ça juste superbe de pouvoir faire grandir son enfant sans rapport de force, sans lui donner une image de parent tout-puissant, voire tout-sachant. Déjà, nous ne sommes pas les seuls éducateurs de cette vie, loin de là. Nous sommes juste des tuteurs pour qu’ils poussent droit, tout droit vers leurs rêves.

D’ailleurs, cette humilité est tout à fait saine pour les parents que nous sommes. Nous les accompagnons juste, sans devoir tout leur apprendre. L’enfant apprend seul, instinctivement, nous lui confirmons juste qu’il est dans le vrai. Hier soir, je regardais Infrarouge avec le génial Frédéric Leboyer. Il disait quelque chose de très beau, qui a fait écho en moi : il parlait du nourrisson à peine né qu’il plongeait dans un petit bain pour que l’entrée dans la vie soit plus douce… Et l’enfant, se repoussant avec ses pieds touchant le baquet commençait alors la vie en jouant, comme un premier pas dans cette vie qui n’est en fait pas une histoire bien sérieuse. Il est important de donner la possibilité à l’enfant d’être enfant, de leur amener de la joie, de la dérision, de l’humour, de la légèreté… et la plus douce des musiques qu’est la voix de leur maman ou leur papa qui chante (même faux, si si). C’est de ce bonheur des comptines dont nous fait par Conseils éducatifs à travers un livre passionnant. Une activité déjà qui ravit parent et enfant. Depuis nourrisson, je chante des chansons à ma Zouzou. Depuis que je l’avais dans mon ventre même. Je n’ai pas l’âme d’une cantatrice, c’est sûr, mais chanter ça me permet de lui dire des choses quand je n’ai pas les mots, d’entrer en contact avec elle. La première fois où je lui ai chanté une chanson après sa naissance, sa mine émerveillée – non par la justesse des notes – m’a poussée à recommencer encore et encore. Aujourd’hui, nous nous accordons toujours ces moments doux, de franche rigolade parfois, des moments de partage où l’on utilise d’autres mots pour dire « je t’aime, je suis bien avec toi ». Et puis si anodines, les comptines sont véritablement une mine incroyable d’apprentissage. Les sons, les gestes, mais bien plus encore : une histoire qui se transmet entre les générations, dans les familles, de mère en fille, de père en fils, puis de fils en père, celui que l’on devient quand on grandit. La vie même est musique : in utero, le rythme du coeur de la mère berce la vie du bébé. A nous, une fois l’enfant naît de continuer la partition de sa vie.

Les autres enseignants pour l’enfant sont… les enseignants. L’éducation nationale permet à l’enfant d’acquérir les mêmes connaissances que son voisin, quelle que soit son origine sociale, les moyens de ses parents, la culture familiale. Tous égaux devant la vie… Bon, ça c’est de la théorie. Même si pour le bien de l’enfant, parents et enseignants devraient parler presque d’une même voix (quoique, cela est sans doute très discutable), il en est fort peu souvent le cas. Car oui, nous, parents, nous avons une somme incroyable d’exigences envers la personne qui s’occupe toute la journée de la chair de notre chair et qui est donc en charge de lui transmettre un savoir aussi multiple que varié. Flolasouricette nous parle justement de ces conflits parents-enseignants. Elle nous montre le ressenti de l’enseignant lorsqu’il y a conflit (oui bon, elle prend un peu la défense, enfin, elle remet aussi les pendules à l’heure). Et pour résoudre la situation, elle pose une question somme toute assez simple mais qui n’a nul autre pareil : « Comment l’enfant vit-il la situation ». Mieux : elle invite à la réflexion en nous disant que finalement, l’enfant peut aussi résoudre les conflits seul (quand il a l’âge bien sûr) sans qu’il y ait ingérence de la part des parents. Je suis assez d’accord dans une commune mesure, puisque c’est important que l’enfant ait un sens critique même sur ce que font les adultes : je pense aussi qu’il est bon de donner les clefs à son enfant pour résoudre ses problèmes avec sa maîtresse plutôt que d’aller taper sur les doigts de la prof direct. Et à mon sens, remettre sans cesse en question l’autorité du l’enseignant n’est guère bon, sauf quand cela est vraiment justifié bien sûr. Un art à manier avec des pincettes.

Car parfois l’école, plutôt que d’être un lieu de savoir, devient source… d’angoisse. Et là, l’écoute est nécessaire avec parfois intervention auprès de l’enseignant. Derrière ces émotions qui peuvent vraiment miner la scolarité de l’enfant, il y a parfois les prémices d’un échec scolaire. Phypa nous parle de cette peur de se tromper qui peut véritablement scléroser l’élève… et les parents. Si l’enseignement apporté par l’école peut faire un individu, il peut aussi le défaire. Évaluations à répétition, mauvaises notes, notations subjectives, l’élève qui subit les quolibets de son professeur perd confiance en lui… et il peut vite croire que le problème vient de lui. Et là est aussi le travail du parent : accompagner son enfant dans son travail d’élève, dans sa vie en société. La confrontation de l’enfant à la société à travers l’école est un moment, à mon sens, sensible. L’école est comme le dit Phypa normalisatrice il me semble : mettre tous les enfants dans le même panier, les conditionner à la compétition. Il est donc facile de se sentir rabaissé, nul, quand on est pas comme les autres. A nous de leur donner les clefs pour avancer en étant critique, ou du moins en relativisant : l’enfant n’est pas ses résultats, il est bien plus. Ses résultats reflètent son travail, mais en aucun ce qu’il est. Phypa met d’ailleurs le doigt sur un point essentiel que l’on oublie sans doute de dire à nos enfants : Rome ne s’est pas faite en un jour. Sans erreur, nul réussite. Je me souviens tout à fait de cela quand j’étais jeune : j’adorais l’école, mais je me sentais plus que nulle quand j’avais une mauvaise note par rapport aux autres. Je regardais la moyenne de la classe et si j’avais le malheur d’être en-dessous, je me sentais en-dessous justement de la moyenne des élèves, à l’écart. Et mes parents faisaient de même, confirmant mon sentiment de nullité.
L’école était, est, et sera à mon avis toujours normalisatrice et source de stress pour l’enfant. Se confronter à l’autre ne se fait pas sans violence : sorti du cocon familial, sûr, chaleureux et connu, on peut légitimement se sentir démuni. Ainsi, non encadré par des parents ou des enseignants bienveillants, cela peut se révéler difficile. Et plus que des individus et leur différences, il s’agit de manières différentes de vivre la vie qui s’affrontent, qui dépasse même le simple domaine de l’élève. Voilà qui fait à mon sens que l’école est plus que l’enseignement de connaissances.

Kiki the mum