Néo-Besoins ou Fétichisme ?

Le mois dernier, Mam’Sauterelle se demandait comment faire pour que sa fille ait un vrai objet transitionnel, un vrai doudou à câliner plutôt que de prendre ses seins comme doudou …

Tout comme Mam’Sauterelle, je suis une maman qui reste au foyer tout en essayant de travailler et pourtant mon bébé d’un an est devenu addict à ses doudous. J’en fus assez étonnée, pensant que seuls les enfants allant en crèche ou chez une nounou pouvaient être atteints de doudouïte aigüe…

Mais en lisant un article de Marie-Pierre Blondel intitulé « Objet transitionnel et autres objets d’addictions« , je fus presque rassurée de ce soudain amour de mon bébé pour sa peluche, car pour le célèbre pédopsychiatre Winicott, ne pas avoir d’objet transitionnel serait presque inquiétant …

 « son absence témoignerait d’un développement émotionnel très perturbé »

J’ai pu souffler un coup. Ouf mon fils n’est pas émotionnellement perturbé, il va très bien. Et j’ai plutôt de la chance car il a choisi une peluche comme nin-nin. Il aurait pu choisir pire, comme un collant en nylon ou pourquoi pas une de mes petites culottes.

D’ailleurs, dans son article, Marie-Pierre Blondel relate le cas d’un petit garçon dont l’objet de réconfort était un biberon de jus de fruits. Ce bébé se consolait en buvant ce breuvage magique.

Cela me rappelle un peu tous les parents m’ayant un jour avoué laisser un biberon de grenadine ou de lait dans le lit de l’enfant, pour passer une bonne nuit. Bébé se réveille, il trouve son biberon à disposition, il se sert et se rendort, sans déranger ses parents. Dans ce cas présent, le biberon peut-il être considéré comme un objet transitionnel de la nuit ? En tout cas, il est surtout accusé de causer des caries sur les incisives des bébés se rendormant tétine sucrée dans la bouche.

Peluche ou biberon, les enfants ont bien souvent un objet transitionnel, qu’on s’en aperçoive ou non. Mais à choisir, il vaudrait peut-être mieux réussir à imposer que ce soit une peluche plutôt que de la nourriture car associer nourriture et réconfort n’est pas une bonne solution pour l’enfant qui deviendra un jour adulte.

En parlant du doudou, Marie-Pierre Blondel ajoute :

« comme le biberon de jus de fruit, il peut alors être proposé, voire imposé, à l’enfant pour faire cesser toutes sortes de malaises sans distinction. Mais, à la différence du biberon de jus de fruit, il n’y a pas là, à proprement parler, création d’un néo-besoin. »

Les doudous ou autres jouets sont des objets fétiches alors que le biberon ou la tétine créent des néo-besoins …

« Dans le cas de l’objet fétiche, l’utilisation que l’enfant en fait lui permettrait, au contraire, de dénier le manque et l’absence, et donc entraverait les processus d’introjection.

 Dans le cas des néo-besoins, la question du manque et de l’absence serait détournée car travestie en un faux besoin sur le modèle des instincts de conservation, permettant une réponse immédiate sur le modèle de la satisfaction. Ils permettraient peut-être, en outre, une fixation orale des processus de mentalisation. »

Donner le sein à son enfant pour le calmer ou le rendormir est donc considérer là aussi comme créant un néo-besoin chez l’enfant.

« En conclusion, et si l’on suit Winnicott, l’objet transitionnel serait un objet d’addiction structurant parce que, créé par l’enfant, il le dégagerait de la mère sans dénier son absence et contribuerait ainsi à l’internalisation de l’objet. »

La conclusion de l’auteur, je ne l’ai pas très bien saisie … Elle parle du potentiel hallucinatoire de nos bébés qui ne peut se développer que si la mère aide à la créativité, à la rêverie de l’enfant… Est-ce qu’en mettant en scène le doudou fétiche de mon bébé, je l’aide à se créer un monde d’hallucinations ?Je n’en sais rien, en tout cas, cela le fait beaucoup rire.

Ma conclusion à moi est que :

  1. Chouette, mon bébé va bien car il a choisi de lui même un objet transitionnel même si je suis tout le temps avec lui
  2. Oups, j’ai crée un néo-besoin chez lui en lui donnant une tutute… mais je reste sur ma position en disant qu’il vaut mieux une tétine en silicone sans BPA qui peut se retirer vers 3 ans 1/2 comme néo-besoin qu’un pouce qui ne se coupe pas… parce qu’avec ma fille, on galère bien à retirer ce pouce de sa bouche!

Sur mon blog, une autre vision de la relation que mon tout petit entretient avec son doudou.

MissBrownie

17 réflexions sur “Néo-Besoins ou Fétichisme ?

  1. Ma puce n’a jamais eu d’objet transitionnel, pas de tétine, doudou, poupée, nin-nin, rien qui la suive systématiquement et indispensable à l’endormissement. Et elle semble et a toujours semblé avoir un développement émotionnel parfaitement sain, elle est très caline avec ses proches, et aussi particulièrement empathique.
    Elle sait par ailleurs depuis toujours jouer seule pendant des heures en s’inventant des histoires incroyables, peut-être qu’elle s’était aussi inventé un doudou?

    Alors Winicott??? Ce n’est certainement pas ce billet qui m’incitera à le lire et à lui faire confiance.

    • Si on prend tout ce que disent les pédopsy au pied de la lettre, je crois que nous trouverons forcément des comportements déviants ou des problèmes en chacun de nos enfants…

      Il y a certainement des études qui disent tout le contraire.

      Le plus important est de les voir heureux, souriant et plein de vie :)

      • En vous lisant, je me disais que ça serait peut être intéressant de trouver un Guest pour connaître le contenu des théories qui ont « répondu » à Winnicott…il en existe forcément, vu qu’il ne date pas d’hier non plus… Je me demande par exemple que disent les théories de l’attachement sur la question de l’objet transitionnel… A suivre donc…!

  2. La laloutte a pris la tétine à 8 mois, le lendemain de la dernière tétée. Et le doudou a été adopté, la 1ère semaine chez la nounou à 10 mois et demi.

  3. Pour la sucette, je l’ai lâchée à 5 ans et demi, avant l’entrée au CP (et j’ai eu droit à un appareil dentaire plus tard…), pour le doudou… Je dors encore avec une peluche et j’en ai souvent une dans mon sac à main!
    (Et je parie que je ne suis pas la seule adulte à avoir un « doudou » ;-)

  4. Bin moi j’au une cargaison de peluches
    Mais rien à faire, le doudou c’est le nichon. HYPER pratique. Not.

  5. Moi aussi j’ai créé un néo besoin à ma fille en lui donnant une tétine (le doudou c’est une poupée de chiffon qu’elle a choisi toute seule à l’âge de 3 mois) quand je n’en pouvais plus qu’elle passe ses journées à mon sein ! Et je sais qu’elle pourra s’en détacher bientôt, enfin je l’espère. Aldo Naouri conseille de faire en sorte que les enfants se détachent de leurs objets transitionnels entre 2 et 3 ans, cela me parait tôt. Et vous?

    • Mon fils a lâché sa tétine à 3 ans 1/2, par contre à bientôt 8 ans, il aime encore retrouver son doudou le soir dans son lit. Il a des angoisses au moment d’aller dormir et caresser son doudou le rassure.
      Ma fille de 6 ans, dès qu’elle a un coup de fatigue ou de blues, elle attrape son doudou, met son pouce dans la bouche et ça va tout de suite mieux.

      Je n’ai pas eu le courage de leur dire « Stop, les doudous, c’est fini, vous êtes assez grand! »

      Mon frère a choisi un doudou vers 10 ans, après la mort d’un chien qu’il aimait beaucoup et à 21 ans, il l’a toujours dans son lit. Quoique là je ne sais pas s’il l’a emporté en Chine avec lui ou non.

  6. Doudou, pas doudou, je ne crois pas que la question soit là, en fait. Sur mes 5 enfants, les uns en ont un d’autres pas… Et s’il est assez visible que ceux que j’ai allaité plus longtemps n’ont pas de doudou visible attitré, cela ne veut pas dire qu’ils n’ont pas d’objet transitionnel… Je veux dire par là : il n’y a pas que ce qu’on peut voir, et que ce qui nous donne sens au premier abord. Je crois que certains enfants (pas les miens, j’espère, mais qu’est-ce que j’en sais, moi pauvre mère ;)) ont pour objet transitionnel des trucs pas très évidents en tant que tels mais pourtant si on y regarde de plus près : pour certains la console ou un jeu addictif, pour d’autres la TV ou une émission, pour certains encore ce sera une activité particulière ou un geste à faire sans quoi la nuit sera mauvaise, caresser son chat, sucer son pouce, lire telle histoire et jamais une autre, regarder telle photo ou placer ses livres de telle ou telle manière avant de se coucher, que sais-je : il n’y a pas que les enfants à faire une fixation sur un objet ou un geste dont ils ne semblent pas réussir à se passer… pour moi, mais je ne suis pas spécialiste, ce sont là tous des objets transitionnels…
    A dire que certains peuvent un jour s’en passer, d’autres pas… les adultes titulaires d’un doudou semblent de plus en plus nombreux (c’est qu’ils osent désormais en parler, je doute qu’ils soient réellement plus nombreux)… La question serait plutôt en pointillé dans ton article miss Brownie (à moins que je ne fasse que décrire mon impression) : quel que soit l’objet transitionnel, est-ce la cause d’un manque trop précoce (trop douloureux pour bien vivre le manque sans objet transitionnel) ou bien simplement celle d’un manque bien géré de la part de son possesseur (après tout, cela lui a permis de moins souffrir) ? L’autre question serait peut-être : s’en passera-t’il un jour? et si non, est-ce important et que pouvons-nous faire ou lui-même pour s’en détacher petit à petit?
    Sans entrer dans les questionnements et luttes entre anti-doudou ou anti-suce et pro-doudou et pro-suce, (même si j’ai mon avis là-dessus :D) je crois que le plus important est là, pas vous? ;)

  7. Merci beaucoup de ta contribution!!! Personnellement, je serai bien en mal d’avoir un point de vue objectif sur la question… je me méfie par nature des avis trop tranchés surtout quand ils sont émis dans ce domaine par excellence relatif de la psychologie… Les VI n’ont que trop montré que les théories vont, viennent, se complètent parfois et s’accordent rarement… et heureusement!!!

    Les doudous n’ont jamais trop marché avec mes affreux, moi non plus je n’en ai jamais eu, mon frère et ma soeur non plus… seule ma dernière soeur s’en ai choisi un… bref, j’aurais du mal à penser que tous ces gens là présentent un terrain émotionnel très perturbé…!

    La question du sein comme objet transitionnel me paraît un peu curieuse…dans la mesure justement où il est à l’opposé de la définition même de l’objet transitionnel (censé pouvoir accompagner la séparation…), je pense donc que la question de la création d’un besoin ou non n’a pas d’objet dans ce sens…

    Après, la question de la dépendance positive ou négative m’interpelle aussi…dans la mesure où on juge de l’impact psychologique d’une dépendance sur la base de ces conséquences physiologiques, en bref: si ce n’est pas mauvais pour la santé, alors la dépendance est psychologiquement structurante.. sinon, alors elle est psychologiquement néfaste… il me semble qu’il y ait une confusion quelque part…

    Enfin, il est clair que ton article témoigne, bien au delà de ces prises de position pour ou contre l’objet transitionnel, d’un souci constant des parents… celui de bien faire, celui de se rassurer quant à la « normalité » de son enfant et de ses choix éducatifs… et ça, quel vaste programme!!!

  8. Vaste question. Mon fils a un doudou, mais il reste à la maison, comme la tchoupette. A la crèche, point de tchoupette, juste une peluche qui lui plait. Il a du mal à lacher sa tchoup’, tout autant qu’il n’est pas encore propre, à deux ans et demi. Je fais le parallèle parce qu’il y a des essais des deux côtés, mais que il n’est pas encore prêt à grandir. D’ailleurs il me l’a dit récemment.
    Sinon, il dort aussi avec un biberon… d’eau…
    Il va grandir, et je le laisse aller à son rythme.
    merci de ton témoignage. Tu n’es pas la seule à t’interroger sur cette question, et je suis d’accord avec la conclusion de Mme Déjantée…

  9. Oui mme D. a bien cerné la question qui sous-tend ce sujet : le besoin de bien faire. En règle générale, le parent doit-il pousser l’enfant à grandir ou le laisser aller à son rythme ? Je serais d’avis de suivre l’enfant, donc s’il a besoin d’un doudou ou autre, que ça le rassure, que cela peut faire en sorte qu’il soit un adulte rassuré : why not ? Perso, à 30 ans, j’aimerais bien avoir un doudou qui me rassure encore. J’en ai jamais eu, et cela m’éviterait de me sentir seule.
    Quant à ma Zouzou, elle a réellement un doudou depuis le début de la crèche. Cela a été très difficile. Dès qu’elle a une contrariété, elle en a besoin, elle demande « son doudou ». Cela la calme.Pour la tétine, elle n’en a jamais eu, du moins elle préférait ses doigts. Ce qui est encore le cas aujourd’hui :/ Parfois elle prend une mèche de cheveux qu’elle caresse en suçant ses doigts. Je trouve ça bien qu’elle ait des solutions en dehors de moi pour se rassurer, s’apaiser. Même si elle demande des câlins et qu’elle en a à volonté.
    Je ne sais pas quoi penser sur cette question de doudou. Vraiment. On entend tout et son contraire… Un guest est une excellente idée pour éclairer les zones d’ombres et comprendre les enjeux qui se jouent et les conséquences sur la vie affective adulte.
    Vaste sujet. Merci Miss Brownie !!

  10. Pingback: Les psy et nous [mini-debrief] « Les Vendredis Intellos

  11. En fait, moi j’aimerais avoir des précisions sur la phrase « son absence témoignerait d’un développement émotionnel très perturbé », est-ce qu’elle est tiré d’un ouvrage de Winnicott, ou est-ce que c’est l’interprétation qu’en fait Marie-Pierre Blondel ?

    Je n’ai pas lu beaucoup d’ouvrages de Winnicott, et en particulier je n’ai pas lu celui qui était dédié aux objets transitionnels, mais il me semblait de ce que j’avais lu qu’il était bcp plus nuancé que ça et qu’il reconnaissait que tous les enfants n’ont pas de doudous. Et puis comme ça a été dit, il y a l’objet, et puis il y a le phénomène psychique (Winnicott parlait d' »espace transitionnel ») et finalement on fait une fixette sur le doudou, mais ce qui est important c’est ce qui se passe psychiquement à ce stade du développement, avec ou sans support « visible ».

    • Je suis entièrement d’accord avec toi… j’aimerai beaucoup trouver un Guest, pour éclairer les questions que tu poses et aussi la façon dont le concept « objet transitionnel » a évolué au fil des théories plus récentes que celle de Winnicott… mais dans le domaine psy, c’est un vrai casse tête de trouver!!! Si tu as des contacts dans ce milieu, contacte moi, j’aurais du boulot pour eux!!!

  12. Bonsoir,

    Mon fils à un nin-nin et il ne peut pas s’en séparer… Il a 3 ans et je ne sais pas vers quel âge il s’en séparera…

    Votre avis… ?

    • Mes enfants se sont détachés petit à petit de leurs doudous vers 5 ans, mais même à bientôt 8 ans, mon aîné est encore heureux de le retrouver dans son lit au moment du coucher

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