Croire son enfant

Bonjour,

Ma réflexion a commencé un beau matin, alors que nous nous rendions à l’école. Petit Bonhomme était dans son siège auto et moi à conduire en partance de chez nous (un lotissement bien classique).

La pluie de ces derniers jours avait enfin cessée et quelques rayons de soleil éclairaient le ciel. Un joli vendredi matin.

crocodile

Et puis, tout d’un coup Petit Bonhomme me sort « ho un crocodile !! ». Ma première réflexion (dans ma tête) a été de me dire « n’importe quoi » … Car oui, un crocodile en plein lotissement, sur la route, c’est … improbable. Je lui demande donc où il voit ce fameux crocodile et je suis son regard des yeux.

 

 

nuages

Et résultat ampoule !! Il avait tout à fait raison : un magnifique nuage en forme de gueule (mi-ouverte), yeux et dos de crocodile flottait dans les airs face à nous. Je suis désolée, je n’ai pas pu faire de photos, j’étais en voiture sans endroit adapté pour m’arrêter.

Nous avons pris le temps, une fois arrivés à l’école, de retrouver le crocodile qui avait malheureusement eu le temps de bouger et ne ressemblait plus qu’à un nuage de plus.

 

Cette chasse au crocodile de bon matin m’a fait réfléchir. Pourquoi ma première réaction a donc été de penser qu’il mentait (ou affabulait) ?

 

Pourquoi n’avons-nous pas le réflexe de croire (en) nos enfants ?

Il est d’ailleurs admis que :

« l’enfant ignore le mensonge avant l’âge de 6 à 7 ans environ ; c’est d’ailleurs ce qu’on appelait autrefois l’âge de la raison, c’est la période préopératoire de Piaget.
Jusqu’à cet âge il altère souvent mais inconsciemment la réalité ;
Sa structure psychique est différente de celle de l’adolescent et correspond à ce qu’on appelle  » la pensée de type magique «  »

Extrait de ce site.

Le mensonge dans notre quotidien

Le mensonge (action de mentir, de déguiser, d’altérer la vérité) est courant dans nos quotidiens. En tant qu’adulte, raconter une histoire en ajoutant un peu de piment, en comblant les trous qu’on ne connait pas ou encore en réduisant une partie ennuyeuse nous arrive. De même qu’inventer un « petit mensonge » pour se dégager d’une proposition qu’on se sent mal de refuser. Répondre « J’ai une réunion » plutôt que « Non merci, cela ne m’intéresse pas ». On imagine que son interlocuteur en sera moins blessé.

pere NoelAu même titre que dès leur plus jeune âge, on « balance » souvent à nos enfants des phrases toutes faites :

 » Mange ta soupe si tu veux grandir », Le mythe du Père-Noël ou encore la petite souris, « Non pas ce truc rose, c’est pour les filles », …

Je n’ai pas liste établie mais je pense que vous pourriez m’en trouver pleins !

 

« On peut illustrer cette dimension relationnelle par un cas bien connu : celui de la croyance en saint Nicolas ou au père Noël […]
En réalité, l’enfant sent bien avant de savoir que le parent adore qu’il y croit, ce qui permet souvent aux parents de prendre beaucoup de plaisir à la mise en scène de la surprise. Progressivement, l’enfant se montre moins dupe mais « joue le jeu » le terme revient ici encore pour ne pas décevoir le parent qui multiplie les versions mensongères. Dans une certaine mesure, le mensonge en retour de l’enfant, qui fait semblant d’y croire, témoigne de son désir de préserver un lien avec le parent ainsi dupé. Le mensonge, c’est l’affirmation secrète d’un désir à la fois d’autonomie et de préservation du lien. » p.12/13 – extrait de Yapaka.

Bref, le mensonge (ou autre petit nom qu’on peut lui donner) EST notre quotidien. Alors comment demander à l’enfant d’être toujours honnête ?

 

Dans notre famille ils nous arrivent de faire des « blagues », cacher un objet ou faire une action et quand Petit Bonhomme se demande « qui » à fait, de désigner le chat ou l’autre adulte. Cela se fini toujours en mode rigolade et surtout en « mais non c’était moi, c’était une blague ». La notion de mensonge peut faire partie du jeu, mais je trouve nécessaire de finir sur une note d’explication et de vérité.

 

Écouter nos enfants et décoder leur interprétation de la vérité

Le même matin, en déposant Petit Bonhomme dans sa classe (rituel du matin &co), j’ai assisté à une scène qui fait toujours mal au cœur. Un des petits copains de la classe s’accrochait désespérément à sa maman en pleurant et en répétant « J’ai peur moi, je veux partir avec toi » et cela a bien duré 5 bonnes minutes (je suis ensuite moi partie). Et bien pendant ces 5 minutes personne (ni la maman ni l’Atsem) ne lui ont demandés d’exprimer sa peur. Il n’y a eu que du déni : « Mais non, tout le monde est gentil ici, … ».

Bref du déni de son sentiment primitif qui cachait peut-être une situation vécue qui l’avait perturbée ? Ou bien tout simplement la vue d’un comportement qu’il n’avait pas compris ?

chute Escalier Et dans le quotidien nombreux sont les parents à répondre aux pleurs de leur enfant qui vient de chuter par un « Mais non ca fait pas mal », plutôt que par « Oui tu dois avoir mal d’être tombé sur ton genou, veux-tu qu’on regarde ? « .

Alors que pour avoir essayé, cela fonctionne quasi à chaque fois avec Petit Bonhomme et permet de désamorcer une situation de malaise.

Au même titre en tant qu’adulte vous imaginer la scène où de nuit vous vous exploser le petit doigt de pied dans un coin de mur / meuble (au choix). Si quelqu’un vient vous dire « Mais non ça fait pas mal » … votre premier réflexe ne sera-t-il pas une plus grande colère (et l’envie de lui faire manger le coin du mur en question) ? Alors qu’un « mince ça doit faire mal » sincère permet de souffler et accepter la compassion de l’autre.

Bref un (petit) mensonge de nos enfants doit nous amener à une discussion et réflexion avec lui pas contre lui (pas de jugement hâtif) en partant de base du principe que la plupart du temps, il y a une vérité derrière !

Le mensonge est alors un signe d’autonomie et non un indicateur de danger. p.16 – extrait de Yapaka.
Lorsqu’il ment à l’adulte, à ses « supérieurs », il sait aussi s’adapter à ce qu’il perçoit de leur réalité. Parfois, le mensonge assure sa survie dans un environnement maltraitant et tyrannique. Le mensonge aura ainsi une certaine valeur adaptative. p.16- extrait de Yapaka.
 Ma conclusion
Croire son enfant et se mettre à sa hauteur pour l’écouter dans son monde n’est pas évident ! Nous pensons parfois trop vite en tant qu’adultes, trop pragmatique pour croire qu’un crocodile peut se glisser dans le paysage.
L’article de Naître et Grandir évoque le sujet de façon très positive :
Rappelez-vous qu’apprendre à un enfant à dire la vérité ne se fait pas du jour au lendemain : ça vient avec le temps. Soyez donc patient. Réagissez dans la foulée quand votre enfant ment, et transformez chaque situation en une occasion de lui apprendre, de manière calme et constructive, à dire la vérité.

 

Merci pour votre lecture et vos visites :).

Marie – Les aventures de petite bête

12 réflexions sur “Croire son enfant

  1. Mon fils a 5 ans et il ment effrontément depuis qu’il sait parler. Il me raconte que le maîtresse le tape, il dit à l’école qu’il a un petit frère, il ramène des dessins qu’il n’a pas fait en disant que c’est lui qui les a fait, etc… sans arrêt.
    Je sais qu’il le fait pour susciter de l’intérêt…
    Mais dire que le mensonge n’existe pas chez les enfants de moins de 6 ans… pour le coup c’est faux.

    • Ali, je ne peux que rejoindre la réponse de Laetitia, ton fils « ne ment pas effrontément », il essaye de t’expliquer quelque chose avec ses propres mots.

      Il essaye peut être de dire que la maitresse lui fait peur en le punissant ou en élevant la voix, ou que sais-je ? Elle est surement impressionnante à côté d’un petit garçon de 5 ans qui respecte son autorité.

      Pour le petit frère, pareil il aimerait peut-être et se projeté dans son idée, ou bien s’approprie l’histoire d’un copain qui vient d’avoir un petit frère ?

      Ses « mensonges » à tes yeux sont forcement la pour t’interpeler. Peut-être qu’à l’école quelque chose le perturbe …

      Nier ses sentiments et ses propos ne fera que renforcer sa façon déformée de rapporter SA réalité je pense.

      • J’ai questionné la maîtresse parce que je commençais à m’inquiéter vraiment et elle m’a dit que tout se passait très bien avec lui, qu’il était très sage et jamais puni (alors que lui me dit qu’il est puni tous les jours)… je sais qu’il dit ça parce qu’il n’aime pas aller à l’école, qu’il voudrait rester avec moi. Il invente des histoires en permanence, c’est pas sur un cas en particulier. Il raconte aussi que ma mère le tape, son père…
        Je ne nie pas ses sentiments (je ne pense pas le faire en tous cas) mais je ne peux pas cautionner ses mensonges.
        Je sais aussi que le jour où il me dira la vérité, je ne pourrais pas le croire, et ça, ça m’embête vraiment.

  2. Ali, c’est exactement comme le crocodile…on aurait pu dire que ce petit bonhomme mentait…Pourquoi ne pas chercher la vérité dans les dire de votre fils, chercher sa vérité dans ce qu’il cherche à vous dire?

  3. J’aime bien cette histoire de crocodile :) Et quand bien même il n’y aurait pas eu de nuage en forme de crocodile, je trouve ça plutôt rigolo qu’un enfant imagine un animal sur la route. Je suis d’ailleurs la première à faire des blagues à mes enfants à base de « oh regarde, un dinosaure ! ». Ca les fait rire puisqu’ils savent très bien que c’est impossible, et ça les pousse justement à faire des farces à leur tour. Je trouve ça chouette de développer leur côté fantasque et leur imagination. Par contre je choisis toujours des choses impossibles, pour qu’il n’y ait pas de confusion et éviter les déceptions !
    Bref, tout ça pour dire qu’à mon sens il y a une différence entre le « mensonge » pour rire et le mensonge qui cache certainement un mal-être ou un besoin d’attention.

    Et pour reprendre l’idée de cet article, je suis aussi convaincue qu’il faut croire nos enfants et surtout les écouter. L’exemple des petites blessures me parle beaucoup, ça me fait toujours de la peine de voir des parents ignorer complètement les plaintes de leur enfant. A contrario je sens souvent les regards étonnés sur moi quand je prends le temps d’écouter les miens…

  4. Mon fils n’a que deux ans et demi, mais j’ai vite compris que quand il dit ou fait remarquer quelque chose qui pourrait paraître au premier abord absurde ou farfelue, il suffit de regarder avec plus d’attention ce qu’il montre pour comprendre sa logique, et remarquer qu’en effet, tel objet a une forme qui ressemble à un autre, ou alors il confond deux mots qui se ressemblent.

    Je suis souvent émerveillée d’ailleurs d’observer ainsi les cheminements de sa pensée, tellement libre dans ses découvertes et ses observations. Et en tout cas, prendre au sérieux ce qu’il me dit sérieusement me paraît l’expression la plus élémentaire du respect auquel il a droit.

  5. Merci beaucoup de ta contribution!!! C’est un sujet très intéressant et je pense qu’il serait bon de le creuser encore tant il soucie parfois les parents confrontés au « mensonge » de leur enfant… Mentons nous dès lors que notre vision des choses diffère de celui de l’autre? Mentons nous lorsque nous racontons une anecdote « de notre point de vue » (qui n’est pas forcément celui de tous les protagonistes…)? Oublions nous que l’enfant ne voit pas le monde comme nous (je pense à Gopnik qui parle « d’une autre espèce d’etre humain » pour désigner les enfants)?
    Sinon ton anecdote avec le crocodile m’a fait rire, nous hébergeons nous meme un splendide crocodile dans notre montée d’escalier (un endroit où le platre est brisé en forme de… crocodile!) ;)

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