Parents bienveillants, enfants éveillés, les 10 clés de l’Education Efficace, Laurence Dudek, éditions FIRST

Laurence Dudek a souhaité écrire ce livre comme un condensé de ses ateliers. Son livre est donc divisé en dix chapitres comme autant de clés sur ce qu’elle appelle l’éducation efficace, avec pour chaque clé une partie théorique et une partie questions/réponses. Je vais les présenter ici rapidement.

  1. Tout ce que nous faisons, nous avons appris à le faire

Les enfants apprennent par deux vecteurs principaux, la modélisation (ou imitation) et l’expérimentation. Un terrain émotionnel favorable à l’apprentissage (sans peur ni pression) est nécessaire pour que l’enfant puisse prendre modèle, expérimenter sereinement et ainsi apprendre de ses erreurs.

 

  1. L’intelligence émotionnelle conditionne notre développement

Accueillir et accepter les émotions – et en particulier la peur, la colère et la tristesse – est essentiel pour l’éducation des enfants. Lorsque les émotions sont bloquées, réprimées, qu’on s’empêche de les exprimer, « elles occupent tout l’espace interne et provoquent des états d’encombrement qui invalident les compétences ». L’imitation étant un des vecteurs d’apprentissage des enfants, les adultes doivent eux aussi travailler à l’acceptation de leurs émotions.

  1. L’adulte n’a pas réponse à tout

Cette clé permet de sortir d’une logique âgiste où l’adulte est tout puissant, omnipotent et omniscient. D’une part, l’adulte n’a pas réponse à tout car l’enfant peut trouver lui-même ses propres réponses si on le laisse avoir accès à sa créativité. D’autre part, admettre que l’on ne sait pas ou que l’on s’est trompé « donne à l’enfant la permission de faire des erreurs ».

  1. Toute demande est l’expression d’un besoin

Toute demande, toute « crise » ou tout « caprice » est l’expression d’un besoin, qu’il soit physiologique (dormir, manger…) ou psychologique (accomplissement de soi, estime, appartenance…).  « Plus l’enfant est petit, plus ce sont les parents – les adultes en général – qui doivent décoder les signes que révèlent ses besoins ». En répondant correctement au besoin exprimé, le parent aide l’enfant à l’identifier, et à apprendre à y répondre par soi-même.

  1. Les enfants croient tout ce qu’on leur dit

Cette clé-là, je l’ai éprouvée quand, au lycée, j’ai accompagné une classe de ma maman professeure des écoles à une sortie au zoo. Je leur ai dit, pour rire, « Regardez, dans le trou là, des crocodiles ! » (Il n’y a aucun crocodile dans ce zoo). En reparlant de leur sortie, certain-e-s ont dit qu’iels avaient bien aimé… les crocodiles.

En bref, il est facile de manipuler des enfants, ou du moins de marquer leur inconscient car « tout ce qui est perçu (consciemment ou pas) devient une réalité au niveau inconscient ». Une de ces réalités peut être les étiquettes (« tu es lent », « Louise est toujours agitée », « il n’écoute jamais ») qui tendent à enfermer les enfants dans un rôle.

  1. Il n’y a que l’intention qui compte

Plutôt que de coller une étiquette et un jugement définitifs lorsqu’un enfant fait une bêtise, Laurence Dudek nous invite à voir l’intention derrière l’action, ou au moins à ne pas s’imaginer systématiquement que l’enfant a une intention néfaste. Elle donne l’exemple d’un enfant laissé seul dans la voiture, qui, en attendant que sa maman revienne des courses, dessine sur les sièges avec un stylo. Avec un regard d’adulte, on peut se dire qu’il se venge du fait d’avoir été laissé seul. Mais l’intention de l’enfant est plutôt de patienter en attendant le retour de sa mère et de lui faire une surprise quand elle reviendra.

  1. Aucune violence n’est éducative

Cette clé est assez simple et se penche sur les violences physiques mais aussi les violences psychologiques. Les systèmes de punition/récompense, de menace/promesse et de compétition sont notamment abordés.

  1. Ni comparaison ni compétition

La comparaison empêche de progresser : plutôt que de se focaliser sur les savoir-être ou savoir-faire à imiter, l’enfant va retenir inconsciemment qu’il n’est pas capable (alors que sa sœur/son cousin, oui). La compétition, elle, isole les enfants et les empêche de profiter de la force collective. La notation à l’école combine à la fois la comparaison et la compétition et n’est pas efficace pour favoriser les apprentissages des enfants.

  1. Un amour inconditionnel et une tendresse à toute épreuve

L’amour, la tendresse sont des besoins fondamentaux qui, lorsqu’ils sont comblés, permettent à l’enfant de se développer de manière optimale et harmonieuse. Aimer son enfant de manière inconditionnelle, c’est l’aimer et lui donner des preuves d’amour même quand il a des comportements jugés indésirables. Cette clé me fait penser à l’album Mon amour d’Astrid Desbordes et Pauline Martin, dont la conclusion est « je t’aime chaque jour et pour toujours ». (pour celleux qui n’aurait pas lu cet album, je le recommande vivement !)

  1. Il n’est jamais trop tard pour être efficace

Si vous n’avez pas été bienveillant-e dès la naissance de votre enfant, il n’est pas trop tard pour s’y mettre. Au lieu de culpabiliser sur ce que l’on a manqué, Laurence Dudek nous invite à tirer une leçon de ces erreurs. Ainsi, tout parent peut devenir efficace à tout moment, et tout enfant peut donc devenir plus éveillé, quel que soit son âge.

Comme on peut le voir par le résumé des clés, ce livre est vraiment complet et aborde de nombreux aspects de la parentalité efficace/bienveillante/positive (quel que soit le nom qu’on choisisse du lui donner).

Ce que j’ai apprécié particulièrement, c’est le choix de présenter chaque clé par une partie théorique puis une partie pratique. Cela permet une lecture efficace (c’est le cas de le dire) du livre. Les cas pratiques comprennent en outre des questions posées par des enseignant-e-s (sur l’utilité des punitions ou des systèmes de « ceintures de couleur par exemple), ce qui est, selon moi, pertinent pour la méthode présentée.

En revanche, je ne trouve pas le propos du livre franchement révolutionnaire.

Un public déjà convaincu aura déjà lu les ouvrages de « référence » comme ceux d’Isabelle Filliozat, de Catherine Guéguen…

A contrario, quelqu’un qui veut découvrir la parentalité bienveillante, changer (probablement de façon progressive) ses réflexes en matière d’éducation, risque de se braquer face au vocabulaire technique, au jargon psychologique et de programmation neurolinguistique, aux prises de position radicales et au ton un peu sec.

Par ailleurs, je ne pense pas que ce soit le propos de Laurence Dudek, mais je n’adhère pas à l’idée qu’il faille suivre une « méthode » pour éduquer. Cela sous-entend que la méthode fonctionne à 100% si on suit tous les préceptes (ce dont je doute, tellement de facteurs entrant en jeu : âge, histoire familiale, bonne ou mauvaise humeur du jour…). Cela sous-entend aussi qu’il y a un résultat final à atteindre. Je n’attends rien de mes enfants. Mon souhait est qu’ils soient heureux à long terme, mais pas que moi j’ai réussi leur éducation. J’ai du mal à croire à une méthode universelle, qui s’adapterait à « la diversité des configurations sociales, familiales, culturelles, etc. » (p.9). Pour ma part, je pense que les crises (sans parler des ratés, et même de l’inefficacité !) sont inévitables, et qu’elles font partie de la vie.

Ce livre est à présent disponible dans la Bibliothèque volante des Vendredis intellos , et peut être emprunté par les adhérent-e-s à l’association qui souhaitent le consulter.

Madameld