Les héros de la littérature jeunesse, par leurs créateurs

Le week-end dernier avait lieu le salon du livre jeunesse à Montreuil. Cette année, le thème du salon était les héros et les héroïnes dans la littérature jeunesse. Une exposition leur était donc consacrée, que je présente sur mon blog.

Ici, je voulais donner la parole, avec l’aide d’un article de télérama (la version papier est plus complète), à ceux qui créent et font exister ces héros. Il m’a semblé intéressant d’en parler ici car cela participe et donne un point de vue différent à une réflexion plus large : quels héros/modèles proposons-nous à nos enfants ?

On constate que dans la littérature jeunesse, les super héros se font discrets, surtout dans les livres destinés aux plus jeunes. Même quand ils portent une cape, un masque, et ont des super pouvoirs, comme Samsam, leur vie reste proche de la vie quotidienne des enfants.

Fini les super-héros, place aux héros comme nous ? L’exposition donnait une large place à des héros qui vivent une vie proche de celles de nos enfants : Ariol, Boris…

Olivier Tallec (illustrateur de Rita et Machin, auteur de Pas de pitié pour les baskets, mon coeur en miette ou le slip de bain) :

Je pense que l’héroïsme de mes personnages se situe dans leur quotidien. Peut être quelque chose sur les changements d’échelle ? L’héroïsme c’est faire quelque chose d’énorme, de démesuré, et justement pour les enfants l’environnement quotidien est toujours hors mesures, hors proportions, immense, trop grand, etc. Le petit événement du quotidien devient un geste héroïque, une aventure à lui-seul.

Marie Desplechin (auteur de verte, du journal d’Aurore, etc) :

Mes héros sont des personnages du quotidien. (…) Je les saisis au moment où leur vie va basculer, au moment où ils vont devenir ce qu’ils sont.

En un mot, plus que des qualités héroïques intrinsèques, les auteurs mettent en avant un moment où tout bascule, des êtres faillibles, faibles parfois, mais qui font preuve de volonté, de courage, qui se surpassent, même au quotidien.

Jean-Philippe Arrou-Vignod (auteur de Rita et Machin, enquête au collège…) :

Qu’importe qu’il ait tous les pouvoirs ! Où serait son mérite ? Le héros, pour m’intéresser, doit se surpasser, se montrer capable de surmonter ses handicaps. En un mot me ressembler, mais en plus courageux, plus déterminé que moi, susceptible d’accomplir des prouesses qui me sont inaccessibles. Harry Potter a des pouvoirs extraordinaires, mais il est orphelin. Sa force principale vient de lui, combattant acharné malgré sa faiblesse d’enfant.(…) Et pourquoi le Petit Poucet nous fascine-t-il tant ? Parce qu’il est le plus faible des sept frères, mais ne s’en laisse pas conter pour autant. Il est malin, il réagit, il accomplit ce que les autres ne font pas, et c’est pourquoi je l’admire. A travers lui, je me grandis.

François Place (auteur des derniers géants, illustrateur du formidable Tobie Lolness) :

« Etre héros, c’est un moment dans une vie, ce n’est jamais une identité en soi. On ne naît pas héros. On peut parfois mourir en héros, mais cela n’est pas un état permanent. Pour moi, le héros a toujours vocation à retourner dans l’anonymat, à revêtir les habits de la banalité. Prenez Bilbo le Hobbit. C’est quelqu’un de pantouflard, d’invisible, qui vit sous terre. Le jour où on frappe à sa porte, il répond à l’appel et part vivre malgré lui des aventures qui vont le révéler à lui-même.

Et selon ces auteurs, à quoi servent les héros ?

Claude Ponti (auteur de la série Tromboline et Foulbazar, créateur de Blaise le poussin masqué, etc) :

Pour moi, un héros, c’est une combinaison. Une combinaison de l’animal et de l’homme. Mais aussi une combinaison au sens vestimentaire du terme, comme une combinaison de plongée, ou une combinaison spatiale. L’enfant se met dedans, quand il veut et autant qu’il veut. On touche à la question de la panoplie. Les enfants sont eux-mêmes des héros dotés de ­superpouvoirs. Ils ont une puissance régénératrice. Les meilleurs héros sont ceux qui redonnent conscience de leur force naturelle aux enfants. (…) Il faut toujours rester dans l’optique qu’un enfant est une personne qui grandit, qui apprend, qui essaie, qui se développe, qui peut rater. Un héros doit toujours fuir la perfection, et montrer à l’enfant qu’il a droit à l’erreur.

Marie Desplechin :

Les enfants d’aujourd’hui ont évidemment besoin de héros. Les ados en particulier, qui sont en train d’advenir. En ce sens, l’adolescence est la période la plus héroïque de la vie. Les héros les rassurent en leur permettant de se réfugier dans un monde imaginaire où les problèmes se résolvent, où les personnages avancent et finissent par s’en sortir. C’est pour cette raison que les jeunes aiment le cocon des séries. Et qu’ils relisent.

François Place :

Un héros est là pour montrer qu’on a tous une vie plus grande qui nous attend quelque part.

Jean-Philippe Arrou-Vignod nous montre aussi l’intérêt des antihéros :

La littérature jeunesse est débarrassée de ses missions d’édification morale, ses personnages sont devenus plus ambigus, complexes, voire négatifs, comme le fameux Artemis Fowl d’Eoin Colfer, qui met son intelligence hors du commun au service du crime. Leur complexité va jusqu’au métissage : hybrides, moitié hommes, moitié garous ou vampires, leur animalité est mise en avant. Les héros expriment ainsi ce que nous voudrions être, mais aussi ce que nous craignons de devenir. Ils nous aident à surmonter nos pulsions et sont plus indispensables que jamais.

Pour conclure cet article, un petit mot de Gilles Bachelet sur ses héros si particulier (son chat qui ressemble curieusement à un éléphant, Madame le lapin blanc, etc) :

Parler d’héroïsme à propos d’un chant-éléphant ou d’un champignon empereur a pour moi quelque chose d’étrange. J’ai toujours demandé à mes « héros » d’être, avant tout, drôles, absurdes, singuliers. Rien de plus. A bien y réfléchir, c’est peut-être cela leur forme particulière d’héroïsme. Un héroïsme du sourire. Ne pas être sentencieux, moralisateur, bien pensant. Essayer de donner du plaisir en résistant à la tentation de vouloir délivrer un message.

Et la superbe représentation d’une héroïne par une de mes illustratrices préférées (auteur de les heureux parents que j’avais présenté il y a quelques temps) :

héroïne emmanuelle houdart

Et vous, quels sont les héros de vos enfants ? Lesquels appréciez-vous ? Le mien est encore un peu jeune pour avoir son héros attitré !

N’hésitez pas à venir faire un tour sur mon blog pour une vision plus personnelle du salon du livre jeunesse de Montreuil et de l’exposition l’étoffe des héros.

Lila et le magicien

3 réflexions sur “Les héros de la littérature jeunesse, par leurs créateurs

  1. Merci beaucoup Lila de cette belle contribution! C’est beau de lire le patchwork des avis de ces auteurs sur leur regard sur leurs fils et filles de papier…
    Quand j’étais enfant, j’aimais les héros qui semblait pouvoir vivre la vie d’adulte, prendre des décisions d’adultes, être entendus comme des adultes alors qu’ils étaient encore enfant (et du coup, j’aimais bien le Club des 5 pour cette raison ;))…

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