Après une introduction sur l’injonction au genre, une première partie sur la place des jouets dans la construction de la féminité et de la virilité, une seconde partie sur la norme hétérosexuelle, voilà la troisième partie consacrée aux alternatives et luttes.

contre les jouets sexistes

Alternatives concrètes pour les parents : (c’est moi qui ajoute cet intertitre)

Comment permettre aux enfants de sortir des normes aliénantes et de se développer en tant que personne ? Cette partie tente de proposer des propositions concrètes.

  • Privilégier les jouets sans scénario trop clairement défini, qui laissent de la place à l’invention. « Pour constituer un support de créativité idéal, le jouet doit être suffisamment neutre et riche »
  • sortir du consumérisme, acheter des jouets d’occasion dans les brocantes et profiter du réseau des ludothèques… (j’avoue être sceptique par rapport à ces propositions. Si j’en comprends l’intérêt écologique ou anticapitaliste, il me semble que selon le choix du jouet, ça peut être tout aussi sexiste)
  • encourager la circulation des jouets entre les sexes. Les jeux de construction ou d’initiation aux siences gagneraient à être investis par les filles, les jeux liés à la mode, au déguisement, au maquillage devraient être autorisés aux garçons.  « Quant aux jeux de pouponnage, ils sont communs à tous les jeunes enfants, qui ont besoin de transposer leur vécu dans leur relation avec leur poupée. Garçons et filles devraient pouvoir jouer librement aux parents. »
  • Valider ou suggérer des scénarios familiaux moins normés (autant je suis entièrement pour laisser les enfants jouer comme ils le souhaitent, autant j’ai du mal avec l’idée de « valider » un scénario de jeu)
  • les encourager, filles comme garçons, à participer à la vie quotidienne (dans la mesure de leurs capacités) plutôt que de leur offrir certains jeux d’imitations (par exemple faire participer les enfants au ménage plutôt que leur offrir un aspirateur en plastique)
  • encourager les jeux fondés sur la perception, les jeux manuels (bricolage, sculpture…), autour du son (musique, chant…), les jeux qui utilisent l’environnement (cerf-volant…). Mais aussi la pratique du sport. Le livre insiste sur l’intérêt pour les petites filles de pratiquer les arts martiaux afin de « désapprendre la passivité et renverser le mythe de la fragilité » et pour les petits garçons de pratiquer la danse pour « appréhender leur corps comme un moyen d’expression ». Il fait l’éloge des jeux du cirque qui permettent à la fois une alternative à la compétition, une exploration des possibilités corporelles (équilibre en particulier) et la possibilité de créer des émotions chez le spectateur. La pratique du théâtre pour prendre confiance en soi, encourager la coopération et la créativité, se familiariser avec la communication verbale et non verbale.
  • Eduquer contre la violence : « nous considérons que les jouets guerriers, parce qu’ils banalisent la guerre et l’assassinat, doivent être écartés des objets offerts aux enfants. Ils représentent un encouragement à l’agressivité, une légitimation des conflits réels et conditionnent à ne pas prendre en compte les souffrances produites par ces armes. Il faut d’ailleurs éduquer contre la violence au sens large, en refusant la violence éducative. Il ne faut cependant pas faire de la violence un tabou et parler avec les enfants de la violence et de l’injustice.
  • Parler de sexisme aux enfants pour leur offrir des « outils de compréhension » et « lui faire comprendre que, s’il le souhaite, il peut oeuvrer pour modifier la société dans laquelle il vit »

Pour une socialisation alternative des jeunes enfants par le jeu :

Le livre souligne l’importance du jeu pour l’enfant. Le jeu doit être principalement mené par la dynamique des enfants, sans qu’ils soient contraints par des règles ou par la valorisation/stigmatisation de certains comportements, les enfants étant très sensibles aux réactions des parents. Quelques pistes pour permettre une liberté de choix de la part des enfants :

  • demander l’avis des enfants sur leurs propres pratiques et éviter les évaluations. Par exemple au lieu de juger un dessin (même positivement avec « oh c’est beau »), demander à l’enfant s’il en est content.
  • ne pas noyer les enfants sous une trop grande quantité de jouet. Pas toujours évident… Mon homme et moi avons pris la décision de n’acheter, pour le moment, aucun jouet au magicien. Mais rien qu’avec les cadeaux, il en a une quantité impressionnante ! Mais on fait attention à ne pas lui en proposer trop à la fois (sur les conseils d’une puericultrice de la PMI qui nous a dit : jamais plus de un ou deux jouets à disposition sur le tapis d’éveil).
  • privilégier les jeux de construction qui sont « un excellent moyen d’appréhender le monde qui les entoure » et dont les scénarios varient à l’infini.
  • être vigilant à l’utilisation sexiste du langage. Ca peut passer par éviter l’emploi systématique du masculin pluriel seul qui invisibilise les filles (on peut très bien dire « les copains-copines » par exemple) ou, pour les éducateurs-trices, en évoquant uniquement les mamans avec des phrases comme « maman t’a bien coiffé ce matin ». J’ai d’ailleurs vu avec plaisir le changement chez ma mère, instit, qui ne dit plus « l’heure des mamans » mais « l’heure des parents » à 16h20. 
  • Etre attentif aux choix de l’enfant et montrer de l’empathie
  • Eviter le distingo rose ou bleu en proposant un panel de couleurs plus large
  • Réfléchir à l’aménagement de l’espace (crèches, classes, mais aussi chambre d’enfant), au choix des jeux à disposition, afin d’offrir un maximum de possibilités
  • L’intervention de l’adulte dans l’organisation des jeux est intéressante si la formulation des règles n’est pas restrictive mais va dans le sens de l’élargissement des possibles
  • Promouvoir des modèles d’hommes et de femmes qui présentent des qualités intéressantes à développer

Si on veut que les mentalités évoluent, il est indispensable que les adultes aient réfléchi à ce problématiques. Il faudrait donc y réfléchir lors de la formation des professionnel-le-s de la petite enfance, réfléchir à ce que le fait que ces métiers soient très féminins implique dans la construction identitaire des enfants et y encourager la mixité.

Un chapitre est également consacré aux livres pour enfants non sexistes, c’est trop long pour que je l’aborde ici, mais j’essayerai d’en reparler.

La campagne contre les jouets sexistes :

En 2001, l’association Mix-cité lance une campagne d’action sur le sexisme dans les catalogues de jouet au moment de Noël. Plusieurs actions ont lieu dont la distribution d’un « contre-catalogue ». D’autres associations se sont jointes au mouvement, comme le Collectif contre le publi-sexisme ou les panthères roses, groupe d’activiste « goiunes, trans et pédé, féministe et progressiste », ce qui a permis d’interroger le modèle du couple exclusivement hétérosexuel donné dans les jouets.

Un des catalogues est disponible ici, mettant en scène les injonctions transmises par les jouets ainsi que leur correspondant dans le monde adulte, puis proposant quelques alternatives. Ils sont distribués près des magasins de jouets et des grandes surfaces. D’autres animations ont été proposées (expositions, chorales, etc). Des actions ont également eu lieu dans les magasins (échanges de jouets entre les rayons rose et bleu, autocollants « pour les garçons aussi » ou « pour les filles aussi » collés sur les boites, etc, occupation festives de magasins…). Des débats ont également été organisés.

Cette action s’inscrit dans la durée puisqu’elle a lieu tous les ans. Ces actions donnent lieu à un accueil globalement positif.

« Le public sensible à ce questionnement et à cet argumentaire semble s’accroitre »

Et voilà, on finit ce compte-rendu sur une bonne nouvelle, même si la route est encore longue !

Lila