Bac, obésité et marketing

Lundi, le célèbre Pierre Dukan a fait beaucoup parler de lui avec son interview au Parisien. L’éducation des enfants est un thème cher aux VI, où de nombreux billets cherchent des alternatives aux logiques de notes et de récompense / punition au profit de méthodes plus intelligente… Ce n’est manifestement pas le cas de la proposition de Pierre Dukan qui souhaite que l’indice de masse corporelle soit un critère de notation au bac.

Une nouvelle idée pour combattre l’obésité

En substance, Pierre Dukan annonce qu’il va publier jeudi une lettre ouverte au futur président de la république pour mobiliser celui-ci sur la problématique de l’obésité et lui proposer des idées neuves. Parmi celles présentées dans l’interview, Pierre Dukan propose aux industriels de l’agro-alimentaire d’appliquer sa méthode à la fabrication des produits : un McDo au son d’avoine, le carré frais 0% dans toutes les recettes, des boites de thon pour tout le monde…

L’idée qui fait le plus parler sur la toile, c’est la dernière présentée dans l’interview : « Mettre en place une option « poids d’équilibre » au baccalauréat rapportant des points d’option pour ceux qui arrivent à garder un indice de masse corporel compris entre 18 et 25 ».

Entre mauvaise foi et naïveté

Je trouve Pierre Dukan assez attachant : il suffit de voir sa tête pour le trouver sympa, il a un côté très optimiste et naïf et une maladresse qui excuse presque ses bourdes en communication. Dans son interview, il tape sans vergogne contre les « industriels de l’agro-alimentaire » et les « industries pharmaceutiques » (j’adore les généralités de ce type, comme pour « les médecins » ou « les politiques », comme si tout le monde était à mettre dans le même panier… bref) : « Les lobbies de l’agroalimentaire et de l’industrie pharmaceutique ont aussi un grand intérêt à ce que rien ne bouge. Les premiers engraissent les gens et les seconds leur vendent les médicaments qui soignent les effets néfastes de leur obésité sur la santé. »

Il englobe dans sa théorie du complot l’ANSES et son avis négatif sur son régime, car après tout l’objectif du gouvernement est de « faire tourner le PIB », ignorant lui-même sans doute que les experts de l’ANSES sont tous des scientifiques qui ne montent pas leurs théories sur la base d’une envie d’un patient¹ mais sur l’analyse d’études et de données scientifiques diverses.

L’échec des différents plans de lutte contre l’obésité (PNNS, PNA, Plan Obésité et j’en passe) serait donc dû à… Des conflits d’intérêt ! Là où le bas blesse, c’est que lui-même a un conflit d’intérêt majeur dans cette histoire : il vend des livres sur sa méthode, des produits fabriqués selon ses recettes, mais en revanche aucune étude sérieuse n’existe sur l’efficacité de sa méthode – les seuls ayant réussi à prouver leur efficacité sur ce marché étant Weight Watchers, avec une très belle étude clinique.

[Edit du 4 janvier] : la réaction du ministère ne s’est d’ailleurs pas fait attendre : le porte-parole du ministre de la santé s’est « étonné de la proposition étrange du docteur Dukan qui fait de la discrimination physique sans le savoir ». « Les problèmes de santé des adolescents sont suffisamment graves et préoccupants pour ne pas être pris à la légère. Le bac non plus. C’est un examen des savoirs et des connaissances, pas un examen de santé! ». Tout est dit !

Nouvelles propositions

Ce qu’il y a de bien avec les mauvaises idées, c’est qu’elles en génèrent d’autres qui ne sont pas forcément meilleures mais qui font avancer la réflexion sur ce sujet, qui je l’accorde à Pierre Dukan, est sérieux et majeur. L’éducation nutritionnelle parait être une bonne façon de lutter contre l’obésité, à travers l’apprentissage de la cuisine ou la connaissance des produits alimentaires. Voici quelques idées qui me sont venues en tête à partir de cette proposition :

Intégrer au programme du bac une épreuve de diététique en contrôle continu, avec établissement d’un menu pour la semaine et réalisation de quelques plats en TP de Sciences de la Vie (ce serait plus sympa que de disséquer une blatte…)
Associer Weight Watchers à l’établissement des menus des cantines scolaires pour démocratiser cette méthode dans les écoles²
Lors de la préparation à la naissance (faite par une sage-femme et remboursée par la sécurité sociale), intégrer des cours de diététique familiale pour sensibiliser les futurs mamans à une bonne alimentation de leur enfant

Avez-vous d’autres idées pour améliorer l’éducation alimentaire ? Je suis sure que oui, n’hésitez pas à les partager en commentaire !!!

Et bon courage pour les futurs bacheliers ;)

¹Pour la petite histoire, Pierre Dukan a imaginé sa méthode à la suite d’une demande d’un patient en surpoids accro à la viande, il lui a dit de ne plus manger que ça…. Et le patient a maigri !

²Je ne travaille pas pour WW, mais s’ils ont besoin d’une agence de communication qu’ils n’hésitent pas à me faire signe !

Lune de Sable

10 réflexions sur “Bac, obésité et marketing

  1. Pour WW je ne sais pas (même si perso, je suis le programme) car c’est un système payant, donc, par rapport à l’ecole libre, j’ai des doutes. Mais pourquoi pas après tout… (faire des conférences etc…)
    Par contre, je suis pour remettre des cours de cuisine (et ajouter des notions de diététiques) en niveau collège et/ou lycée. Après, les profs ne sont pour l’instant pas former pour donc ce n’est pas faisable dans l’immédiat.
    Faire réaliser les menus de la semaine, c’est top comme idée, je pense que ça plairait bien aux élèves de participer et d’avoir un « pouvoir » de décision comme ça sur quelque chose qui les touche de près. ^^

  2. Je n’avais pas entendu parler de ces idées (je suis sur une autre planète en ce moment… la planète des malades) et elles me choquent vraiment.
    On dirait que personne n’a encore réellement compris que le poids est aussi une histoire de gènes, que nous ne sommes pas tous égaux face aux calories. D’ailleurs, les calories: foutaises!
    Je peux manger plus de 2000 calories par jour et ne pas faire de sport et ne pas prendre de poids alors que d’autres prennent du poids en ne dépassant pas 1200 calories par jour. Bref…
    Je ne tape pas sur les fast foods, j’aime y manger 1 fois par semaine et je ne prends pas de poids.
    Mes enfants n’ont pas l’alimentation la plus équilibrée qu’il soit.. il y a des graisses hydrogénées qui se baladent dans leur goûter et mon fils a un poids sur la courbe basse.

    Ton idée de donner des cours de cuisine aux mamans est sympa mais on sait bien que les enfants et la nourriture est un sujet sensible… très tôt, ils savent affirmer leurs goûts et un bébé qui mangeaient de tout peut soudainement ne vouloir que des pâtes à tous les repas. D’ailleurs il parait que les pâtes, c’est très bon.
    Les 5 fruits et légumes par jour, c’est surtout pour faire marcher l’agriculture et peut-être aussi lutter contre le cancer.
    Puis on sait bien aussi que tout le monde n’a pas les moyens financiers de bien manger à tous les repas…

    Sinon ma mère avait des cours de cuisine et de couture au lycée et elle aimait ça. Dommage que ça n’existe plus… c’est utile même si ça parait récréatif dans l’enseignement.

    (Désolée pour mon roman)

  3. j’ai été vraiment interpellé par ton article que je trouve franchement bien écrit et documenté. Ton analyse du discours de Dukan est très juste ensuite pour tes propositions, je suis plus réservée sur la participation de WW aux menus des cantines… dans mon souvenir, les cantines primaire-collège-lycée proposaient des menus équilibrés, mais bon c’était il y a… et la cantine de la crèche de mon fils est chouette pour ça aussi. Le problème est ailleurs, comme le souligne MissBrownie : éducation à la dietétique, oui mais que les cours soient mixtes; surtout produits frais accessibles à tous. Parcequ’en France, on sait cuisiner (et manger), on aime ça, enfin il me semble, au vu des innombrables émissions culinaires à la télé… chez nous, toujours un légume pendant les repas, et même si mon fils est dans une période pâtes +++, il nous voit en manger, il mange ceux qu’il aime (et il a des goûts plutôt étranges : chou-fleur, épinards, brocolis, courge, endives, ni haricots verts, ni carottes…). et puis personne n’est égaux devant un bon repas… (je sais de quoi je parle, snif). Moi aussi c’est du roman, d’autant que j’ai aussi mon article VI à rédiger… merci pour ce billet!

  4. Merci pour vos commentaires à toutes les 3, je crois qu’en tant que maman (ou future maman :)) nous sommes particulièrement sensibles à ce sujet… Idéalement, c’est par nous que l’éducation alimentaire et culinaire devrait se faire, et d’ailleurs nombre d’entre nous ont le gout de la cuisine grâce à leur propre mère !
    Le changement de priorité dans la vie des femmes, qui reflète également l’évolution de la société vers un modèle plus individualiste entraîne un besoin d’indépendance financière qui prend le pas sur cette éducation : comment concilier la cuisine de tous les jours avec un boulot prenant qui ne nous laisse finalement que 15 à 30 minutes pour préparer le repas? Comment apprendre aux enfants à faire la cuisine, et donc à commencer à manger, dans ce laps de temps?
    Pas facile d’être des mères parfaites, nous nous tournons donc vers l’école pour prendre en charge cet apprentissage. Ou alors nous tirons sur la corde, ou alors nous « sacrifions » nos carrières pour dédier ce temps-là à l’éducation de nos enfants.
    Mon petit Hadrien arrive d’ici un mois et j’ai tant de questions sur le « comment faire pour » que je serais heureuse d’avoir vos témoignage sur la façon dont vous éduquez vos enfants à la cuisine et à l’alimentation, en pratique chez vous.
    Moi aussi je me mets au roman dans les commentaires, ça doit être le sujet :)

  5. chez nous, c’est principalement mon compagnon qui fabrique les repas pendant que je fais faire le bain à notre fils. parfois c’est l’inverse. je sais que maintenant Joachim aime bien voir ce qui cuit, sentir les ingrédients, parfois participer à la cuisine (verser les pâtes, touiller la pâte du gâteau) et goûter ce qu’il ne connaît pas… est-ce que j’ai répondu à ta question? ;)

    • C’est exactement comme ça que j’imagine la chose pour nous en tout cas :)) ! Quel plaisir de mettre son doigt dans la pâte du gateau, de chiper un petit bout de pomme sur la tarte… Ces souvenirs me donnent envie d’en faire pour mes enfants. Vivement qu’ils soient là :)))

  6. Merci de ta contribution… j’ai été comme tout le monde estomaquée par la « proposition » Dukan.. et même si je me plais à croire qu’il s’agit d’avantage d’un coup de pub que d’une réelle revendication… je suis effrayée par ce qu’elles impliquent quant à la vision de ce que doit être une politique de santé publique…
    La vraie question que je me pose est: jusqu’où peut-on aller pour s’assurer que les comportements désirables soient adoptés? (voire que les résultats escomptés soient obtenus…).
    A partir de quand estime-t-on que le poids (et même la santé) d’un individu sont plus importants que sa dignité?
    Ce genre de proposition me fait penser à ces arrêtés municipaux ayant déclaré la mendicité interdite…une solution de facilité qui sert de cache misère pudique et refuse de s’intéresser au fond du problème…
    La question de l’éducation à l’équilibre alimentaire est selon moi une toute autre question…Néanmoins, je ne sais pas réellement si cette thématique aurait les moyens de devenir un savoir scolaire: la diversité des régimes alimentaires préconisés par les médecins montre notamment que ces savoirs ne sont pas réellement stabilisés, par ailleurs, l’équilibre alimentaire est indissociable d’une très forte variabilité inter-personnelles… il y aurait peut être la possibilité de « récupérer » quelques enseignements issus des BTS diététique mais dans ce cas, est-ce que quelques savoirs décontextualisés du reste pourront réellement être bénéfiques et opérationnalisables concrètement pour les jeunes générations?
    Enfin, une potentielle éducation à la diététique pour tous nous fait nous poser la question de ce que doit être le « bagage » minimum pour le citoyen… et à ce titre là, combien d’autres enseignements pourraient être revendiqués comme légitimes (par exemple: des éléments de droit, ou de psychologie,etc..) ??

    • C’est tellement vrai !!! L’école ne pourra jamais remplacer tout ce qu’une famille apporte dans ces domaines : issue d’une famille de 4 enfants, j’ai appris très tôt le partage, l’empathie, une certaine forme de justice… Et la cuisine, qui sont les bases d’une vie compatible avec les autres et en bonne santé.

      Trouver un nouvel équilibre familial, qui soit compatible avec les attentes modernes des femmes et des hommes, est peut-être le défi du XXIème siècle…

  7. Pingback: Le rôle des parents : accompagner les enfants sur le chemin vers l’autonomie {mini-débrief} « Les Vendredis Intellos

  8. Etant aussi un peu beaucoup déconnectée de l’actualité, j’ai pris connaissance des news de Mr Dukan dans ton article. Et je ne sais pas pourquoi on continue à donner autant d’importance à ce monsieur alors que son régime a été qualifié de pratique à risque par l’ANSES.
    Il existe en France des diététicien, spécialistes de la nutrition qui n’inventent pas de régimes ou lancent de nouvelles modes alimentaires à but lucratif… voire très lucratif. Ces diététiciens travaillent avec leurs patients sur l’équilibre alimentaire (et surtout l’adaptent en fonction de la pathologie de chacun).
    Pour évité tout risque d’obésité avec nos enfants il suffit de leur enseigner très tôt les bases d’une alimentation équilibrée, peu chère mais très diversifiée. Et quand ces principes d’alimentation ne sont pas transmis au sein de la famille il ne faut pas hésiter à se faire aider par un professionnel, le diététicien. A oui mais j’oublie, les consultation ne sont pas remboursées. C’est plutôt par ici que l’on devrait travailler. Rendons aux diététiciens ce qui revient aux diététiciens et ne surchargeons pas l’école d’un enseignement supplémentaire.

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