Etre « agile » en famille

Il y a deux semaines, j’étais en formation de « Management ». J’y ai découvert de nouvelles méthodes de management, dont les méthodes dites agiles. Ces méthodes sont issues du monde de la programmation informatique, et permettaient initialement de suivre les projets de développement informatique. Elles sont aujourd’hui en train de se répandre dans de nombreux autres secteurs du monde professionnel.

J’ai voulu en savoir plus et après quelques recherches, j’ai découvert cette conférence TED de Bruce Feiler.

Tout d’abord, je ne suis pas certaine que tout le monde connaisse le concept des conférences TED.

L’idée est de proposer des conférences de 15-20 minutes (la durée d’attention moyenne des êtres humains) sur n’importe quelle idée innovante. Le concept date des années 90, et depuis 2000, il existe aussi en France,à Paris ,à Nantes, très bientôt à Dijon et dans d’autres villes encore. Les thèmes et les intervenants sont extrêmement variés : on peut avoir des artistes, des géants du monde des affaires, des anciens présidents (Bill Clinton a fait un conférence TED par exemple). J’ai déjà vu des TED sur le leadership au féminin, sur le handicap dans l’art, sur la motivation au travail, sur les méthodes d’éducation.

Bruce Feiler donc, écrit des livres de développement personnel, en se basant notamment sur sa propre expérience.

Ici il nous parle de son livre « The secrets of happy families », et notamment des méthodes agiles adaptées à la vie de famille.

Je vous laisse regarder la video, prenez 15 minutes pour la voir c’est vraiment intéressant :

Il part du constat super positif que les familles sont aujourd’hui ressentis comme plus fortes qu’auparavant, malgré (grace ?) la révolution qu’elles connaissent depuis 50 ans. Youpi !

Cependant, il constate qu’on est tous absolument débordés par la vie de famille, et qu’on y ressent un véritable chaos. Et que nos enfants ressentent ce chaos !

Et encore pire : Nos enfants sentent que nous ne contrôlons rien. Ellen Galinksy de l’Institut des Familles et du Travail a demandé à 1000 enfants : « Si l’on vous accordait un souhait par rapport à vos parents, quel serait-il ? » Les parents prédisaient que les enfants diraient : passer plus de temps avec eux. Ils avaient tort. Le souhait numéro un des enfants ? Que leur parents soient moins fatigués et moins stressés.

Il propose donc plusieurs « trucs »  pour changer les choses.

Sa méthode s’inspire de la méthode « agile » bien connue dans le monde de l’informatique. Le principe est que chaque équipe soit en autonomie sur des tâches de courte durée (1 mois en général), et que les membres de l’équipe s’auto-organisent, à travers une sorte de planning visuel. Et chaque matin, toute l’équipe se retrouve 5 minutes pour dire ce qu’elle a fait la veille, ce qu’elle fait aujourd’hui et ce qui la bloque. Ça développe la responsabilisation de chacun, et l’esprit de collaboration (un membre peut faire débloquer le truc de l’autre membre). Promis, on n’est pas dans le monde des bisounours, mais bien dans le monde de l’entreprise, avec une méthode qui a fait ses preuves, sur la productivité, la motivation et la qualité des rendus.

Bref, l’idée est d’appliquer ces principes à la famille. Bruce Feiler prend l’exemple d’une famille qu’il a rencontré :

Donc, prenons un problème auquel les familles font face, certains matins fous et voyons comment « Agile » peut aider. La responsabilité est un élément clé, donc les équipes utilisent des radiateurs d’information, ces grands affichages muraux où tout le monde est responsable.Donc, les Starr, en l’adaptant chez eux,ont créé une liste de contrôle matinal sur laquelle chaque enfant doit cocher les tâches effectuées. Donc, le matin où je leur ai rendu visite, Eleanor a descendu les escaliers, s’est versé une tasse de café, s’est assise dans un fauteuil, et elle est restée là,s’adressant aimablement à chacun de ses enfants quand, l’un après l’autre, ils descendaient, vérifiaient la liste, prenaient leur petit-déjeuner, vérifiaient la liste une autre fois, mettaient la vaisselle dans le lave-vaisselle,revérifiaient la liste, nourrissaient les animaux ou s’occupaient de leurs autres tâches, vérifiaient la liste encore une fois, prenaient leurs affaires, et sortaient prendre leur bus. C’était l’une des dynamiques familiales les plus étonnantes que j’aie jamais vues.

Chacun coche ce qui a été fait. Au boulot, on adore ça, ce sentiment de plénitude, quand on dit « Ca, c’est fait ». Ben en famille, avec les enfants, c’est pareil.

Bruce nous parle aussi des réunions familiales, hebdomadaires, là aussi inspirées d’Agile. Lors de ces réunions, on se dit :

  • ce qui a marché,
  • ce qui n’a pas marché,
  • ce qu’on souhaite améliorer.

Et ensuite, on choisit deux points à améliorer, collégialement. Puis tout le monde réfléchit à une solution pour que ça s’améliore, avec incitations et sanctions. Oui, les enfants proposent les sanctions qui vont s’appliquer à eux (et aux parents, mais en théorie, les parents ne renversent pas leur bol de lait TOUS les matins, punaise, j’en peux plus, je vous assure. Hein quoi ? Ça sent le vécu ? Ah pardon. Reprenons.).

Au final, Bruce propose trois grands axes pour appliquer Agile à la maison.

   1. Toujours s’adapter

Soyez flexibles, soyez ouverts d’esprit, laissez les meilleures idées gagner.

Être parent, c’est s’adapter en permanence à une situation qui change. Agile permet de penser l’adaptation en continu, avec les principaux intéressés. Bruce donne quelques exemples.

Sur les repas de famille notamment. Ah c’est SU-PER important les repas de famille hein ? Moi, ça me rend dingue, je répète en continu « Mange donc un peu » « Arrête de chanter » « Pu$£%ù mais t’as en-co-re renversé ton verre je rêve !! ».

Prenons quelques exemples. Prenons le plus grand défi de tous : le dîner en famille. Tout le monde sait qu’avoir un dîner de famille avec ses enfants est une bonne chose pour eux. Mais, pour beaucoup d’entre nous, ça ne marche pas dans nos vies. J’ai rencontré un chef très connu à la Nouvelle Orléans qui a dit : « Pas de problème, je vais décaler l’heure du dîner en famille. Je ne suis pas à la maison, je ne peux pas être là pour le dîner de famille ? On aura un petit-déjeuner en famille. On va tous se rencontrer pour un snack à l’heure de dormir. On rendra les repas du dimanche plus importants. » Et la vérité, c’est que des études récentes disent la même chose. Il s’avère qu’il n’y a que 10 minutes de temps productif dans un repas en famille. Le reste est pris par les « ne mets pas les coudes sur la table » et «passe le ketchup ». Vous pouvez prendre ces 10 minutes et les déplacer à n’importe quel moment de la journée et obtenir le même résultat. Donc décalage du dîner en famille : c’est ça, l’adaptabilité.

   2. Responsabilisez vos enfants

J’en parlais plus haut, en demandant aux enfants de participer à leur propre éducation, de réfléchir aux solutions pour améliorer les choses, de proposer leurs propres punitions en cas de débordement et de dépassement de la règle familiale.

Au final, rien de laxiste là-dedans. C’est en réalité une voie pour leur apprendre l’autonomie.

Ce que je veux dire, c’est que nous devons laisser nos enfants réussir à leur façon et oui, parfois, échouer à leur façon. Je parlais au banquier de Warren Buffet et il me grondait parce que je ne laisse pas mes enfants se tromper avec leur argent de poche. Et j’ai dit, « Mais si elles terminent dans le fossé ? ». Il m’a répondu, « Il vaut mieux terminer dans le fossé avec 6 $ d’argent de poche qu’avec 60.000 dollars de salaire annuel ou 6 millions de dollars d’héritage. ». Donc, le fond du problème c’est de rendre vos enfants plus forts.

 

   3. Racontez votre histoire

L’adaptabilité c’est très bien, mais nous avons besoin de fondations solides.

Je vous avoue, cette partie est ma préférée, car j’ai l’impression que c’est un peu occulté dans les théories d’éducation non violente que j’ai pu lire.

Il ne faut pas uniquement stimuler les progrès, il faut aussi maintenir les acquis.

Jim Collins, l’auteur de « Good to Great », m’a dit que les organisations humaines couronnées de succès, quelles qu’elles soient, ont deux choses en commun : elles maintiennent les acquis, elles stimulent le progrès. Donc « Agile », c’est génial pour stimuler le progrès, mais on me dit régulièrement qu’il faut maintenir les acquis.

Donc, comment fait-on ? Collins nous a appris à faire une chose qui se fait dans les affaires, c’est à dire définir sa mission et identifier ses valeurs essentielles.Donc, il nous a accompagnés dans le processus d’élaboration d’une charte familiale.Nous avons fait l’équivalent familial d’une journée au vert.Nous avons fait une soirée pyjama.J’ai fait du popcorn. A vrai dire, je l’ai brûlé, donc j’en ai fait deux fois.Ma femme a acheté un tableau de conférence.Et nous avons eu une grande conversation, comme « Qu’est-ce qui est important pour nous ?Quelles sont les valeurs qui comptent pour nous ? »Et finalement, nous avons 10 déclarations.« Nous sommes des voyageurs, pas des touristes. »« Nous n’aimons pas les problèmes, nous aimons les solutions. »A nouveau, la recherche montre que les parents devraient passer moins de temps à s’inquiéter de ce qu’ils font faux et plus de temps à se concentrer sur ce qu’ils font juste,moins s’inquiéter des jours mauvais et préparer les bonnes journées.Cette charte familiale est un moyen génial d’identifierce que vous faites bien.

C’est pas merveilleux, cette idée de se concentrer sur nos atouts ?? Hein ?! Moi, je suis enthousiaste (et je veux m’acheter un tableau blanc, comme je l’ai déjà expliqué ici, sur mon blog !).

Bruce explique que les acquis sont à trouver dans l’histoire familiale.

Des chercheurs, à Emory, ont fait passer à des enfantsun simple test de « Que savez-vous ? »« Savez-vous où vos grands-parents sont nés ? »« Savez-vous où vos parents sont allés au lycée ? »« Connaissez-vous quelqu’un dans votre famillequi a connu une situation difficile, une maladie, et qui l’a surmontée ? » . Les enfants qui ont eu les meilleurs scores à ce questionnaireavaient la meilleure estime de soi et un plus grand sentiment de pouvoir contrôler leurs vies.Le test « Savez-vous » a été le meilleur indicede la santé émotionnelle des enfants et de leur bonheur.L’auteur de l’étude m’a confié que les enfants qui ont le sentiment de faire partie d’une histoire plus grandeont plus de confiance en eux.

 

Quel optimisme et quel enthousiasme dans cette conférence ! Moi, ça m’a complètement emportée ! Et vous ?

Quel est le secret d’une famille heureuse ? Essayer !

 

La Tellectuelle

22 réflexions sur “Etre « agile » en famille

  1. Super article, je regarderais la vidéo ce soir.
    Je connais l’agilité dans le monde de l’entreprise. J’essaye d’ailleurs de faire un peu migrer les pratiques au sein de notre entreprise et c’est un peu compliqué.
    Avant d’arriver dans le domaine de l’informatique, l’agilité vient de l’industrie classique (je pense au Kanban et au Lean qui sont nés chez Toyota, il y a des dizaines d’années).
    C’est naturellement que pendant mon congé parental, j’ai commencé à mettre en place quelques pratiques agiles à la maison, mais mes enfants sont encore bien petits donc il n’est pas encore question de mettre en place cela pour les « corvées » ménagères.
    Par contre, j’utilise le principe de Timebox qu’on trouve en Scrum qui a pour objectif initial de limiter le temps passé en réunion ou sur une tâche. J’essaierais de poster un billet sur mon blog pour expliquer comment je l’ai utilisé avec mes enfants.

    De mon expérience, je peux dire qu’il est beaucoup plus simple pour des enfants d’accepter des méthodes agiles que pour des adultes déjà conditionnés par le management classique. Il est beaucoup plus simple pour des enfants d’accepter des méthodes agiles que des méthodes basées sur l’autorité classique.

  2. Sans connaitre l’agilité, je pratique un peu. Ça ressemble plus ou moins à la méthode sans perdant de Gordon, ou à la résolution de conflits de Faber & Maslish je trouve. J’aime beaucoup l’idée que l’avis et le ressenti de chacun sont pris en compte, et que les règles et décisions soient prisent tous ensemble, et qu’on en laisse une tracé écrite sur laquelle on peut revenir. Réfléchir ensemble à ce qui convient à tout le monde, c’est une des clés du bonheur familial, non ?

    • Comme toi, j’ai eu l’impression en le lisant que ça rejoignait parfaitement les théories régulièrement présentées ici.
      Ca a l’air simple, mais dans la réalité, coconstruire l’éducation, c’est vraiment pas inné dans notre culture !

  3. J’ai pris plaisir à lire ton article, mais à vrai dire, je n’ai pas grande envie d’appliquer au sein de la famille les principes des différents modes de management appliqués en entreprise.
    En revanche on est super gourmands, et le repas partagé ne nous pose pas vraiment de problèmes :))

    • Alors évite de pratiquer la communication épanouie/non violente, car elle est aussi utilisée en entreprise (j’ai eu une formation dessus) ! ;-) (désolée, je te taquine)

      Personnellement, je prends tous les conseils et idées, de quelque domaine que ce soit pour l’appliquer dans tous les autres domaines possibles (l’autre jour, j’ai résolu un système d’équation à 2 inconnues pour adapter un patron de tricot, alors adapter l’agilité à la famille, même po peur !)

  4. Merci beaucoup de ta contribution!!! J’ajouterai un bon paquet de lâcher prise dans toute cette méthode (parce qu’en entreprise, c’est peut être pas l’idéal mais en famille ça me semble plus que vital) et ce sera parfait pour nous!!
    Hâte de lire la suite de tes expérimentations!

  5. Pour le lait/l’eau renversée :
    – les laisser éponger (même ma 20 mois le fait quasi seule… et sans que je le demande !)
    – passer aux tasses/mug avec couvercles (ceux qui sauvent les claviers des ordis en entreprise)

    Sinon, merci pour cette conférence, que j’avais visionnée sans traduction… et j’étais passée à côté de certains détails…

  6. Pingback: Sois agile ! De la gestion de projet à la gestion de famille… | Ne crie pas !

  7. Pingback: Quel sorte de guide sont les parents ? [mini-débriefing] | Les Vendredis Intellos

  8. Pingback: Enfants | Pearltrees

  9. Je découvre tardivement ton article et je t’en remercie, c’est passionnant. Je regarderai aussi la vidéo ce soir, avec mon conjoint. Mais c’est super motivant et positif de considérer ainsi notre job de parent. Et je suis sûre que mon fils aimerait apprendre quelques petites choses supplémentaires sur son histoire (il n’a que 4 ans mais il a une bonne mémoire et il est curieux).
    Et merci pour l’info sur le renversage de lait, on y a droit tous les matins aussi -_-

    • Et merci de commencer en période de rentrée, j’avais complètement oublié cet article, et je trouve salutaire de me le remémorer après 3 semaines de rentrée , en pleine période de chaos organisationnel ;-)

  10. Bonjour,

    Merci pour l’article et le lien de la video.
    Je trouve intéressant l’application d’outils qui viennent du monde du travail à la maison.
    Je pense reprendre certaines idées et l’adapter car quelques points me gêne cependant : les punitions et le pourquoi.

    Les punitions :
    Je suis contre, c’est contre productif. Un enfant (adulte ?) qui pique une crise à plus besoin d’amour pour l’aider à passer la crise, mais ce point concerne plus l’éducation non violente que l’adaptation de méthode du travail à la maison. (Voir Isabelle Filliozat https://www.youtube.com/watch?v=CNSylSf02WU)

    Le pourquoi :
    Je parle ici de l’intégration des besoins et objectifs que la famille se fixe (et non le fait d’adopter cet outil pour la famille)
    En méthode waterfall (cycle en V) le besoin vient du haut. En méthode agile, le besoin est exprimé par des users story par le product owner qui indique sa valeur et l’équipe, lors de la séance de sprint planning est libre de la refuser s’il elle la trouve non claire ou trop grosse (il revient alors de la découpée).
    Dans la video et dans l’article ci dessus, je ne retrouve pas cette notion de direction et ce sens me manque.
    L’auteur parle de
    – ce qui a marché,
    – ce qui n’a pas marché,
    – ce qu’on souhaite améliorer.
    Cela ressemble à une mix de stand up meeting et de revue de sprint.

    Je pense que je vais donc adopter les réunions et définir avec ma famille les objectifs de ces dernières. Personnellement j’aimerais bien qu’elles reprennent les idées de :
    – sprint planning : se fixer les objectifs et s’engager
    – daily : échanger sur le fait/ a faire/ difficulter pour tout simplement échanger avec les enfants (mais peut être pas de manière quotidienne)
    – sprint retrospective : faire un bilan de ce qui a fonctionné / ce qu’on a aimé / des suggestions d’améliorations

    Lors du sprint planning, il y a une étape qui consiste à estimer la taille de chaque user story. J’aime bien cette idée ce qui permet d’éviter de se sentir complètement dépassé. Je ne sais pas si c’est transposable à la famille
    En agile, toutes les taches sont aussi indiquées pour avoir une vision au plus près de ce qui se passe, j’ai aussi du mal à voir comment cela peut se transposer dans la famille (faire les compte de la nounou, lister les lessives, débarasser la table,…).

    Bref n’ayant pas toutes les solutions peut être que je vais tout simplement commencer par échanger avec ma famille et on verra comment mettre en musique tout ça.

    NB : J’ai posé mes idées en rédigeant. Tout n’est pas clair, mais cela m’a permis d’avancer
    NBB : Je viens juste d’avoir la formation Agile donc tout est encore très fais et nécessitera d’être mis à l’épreuve du temps.

    En tout cas, merci du post.
    Bises

    Clément

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