La réforme des rythmes scolaires pour les nuls

Après deux mois, je pense qu’il est possible de tirer quelques conclusions de cette réforme car oui, je fais partie des chanceux dont la municipalité a décidé de changer les rythmes dès la rentrée 2013. D’ailleurs, le maire de ma ville est tellement impliqué qu’il a décidé d’en changer le nom : on ne parle pas de « rythmes scolaires » mais de « rythmes éducatifs » parce que « l’apprentissage pour les enfants ne se limite pas au temps passé en classe ». Apparemment, ça ne dérange personne qu’un maire change le nom d’une réforme nationale. Mais c’est un détail, je vous le concède.

Je tiens à dire, en préambule, que je ne suis pas contre une réforme de l’éducation nationale en général. Je reconnais volontiers que le travail d’un gouvernement est complexe et que je ne suis pas forcément la mieux placée. Mais j’ai un avis et j’ai décidé de le partager.

Je vous le dis tout de suite, dès le départ, cette réforme ne m’a pas plu. Mais comme il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis, j’ai attendu de voir… Conclusion : soit je suis une imbécile, soit on me considère comme telle et ça ne plaît pas vraiment.

Je lis avec beaucoup d’application les courriers du Maire (oui, il nous écrit, vous êtes jaloux hein ?), les avis des uns et des autres et les explications du gouvernement. Ce sont justement celles-ci qui m’exaspèrent le plus. On dirait « La réforme des rythmes scolaires pour les nuls » !

Premièrement, on nous dit n’importe quoi.

De multiples concertations ont eu lieu depuis 2010, et elles ont toutes conclu à la nécessité de revenir à 4 jours et demi. Lorsqu’une concertation aboutit à une réponse unanime, il faut agir sans tarder.

Je veux bien qu’on me dise que, MALGRE les avis divergents, c’est cette décision qui a été prise mais qu’on ne vienne pas me dire que TOUT LE MONDE a le même avis, c’est impossible. D’ailleurs, il suffit de discuter avec les instits et les parents ou encore de lire la presse et les blogs.

[Il y a eu concertation] La réforme n’a donc pas été précipitée.

Je suis étonnée qu’ils puissent écrire une chose pareille. Peut-être que dans leur ministère, ils en parlaient depuis longtemps mais pour les acteurs essentiels de la réforme, cela s’est fait rapidement. J’aurais préféré qu’ils assument cette accélération plutôt qu’ils nient un fait.

 

Deuxièmement, on nous dépeint une réalité qui n’existe pas.

Le tissu associatif français, dense et de qualité, fournit un vivier remarquable pour encadrer les activités périscolaires. De nombreux agents employés par les associations partenaires de l’éducation nationale ou par les collectivités locales interviennent déjà auprès des écoliers et sont prêts à animer des activités de qualité.

C’est génial… sauf que ce n’est pas la réalité dans les écoles. Vous n’avez qu’à demander autour de vous. Les écoles manquent de personnel, d’ailleurs n’ont-ils pas fait grève cette semaine ceux qui s’occupent de ce nouveau temps périscolaire ?

Pour de nombreuses communes, la réforme est l’occasion de mettre en place de véritables accueils de loisirs périscolaires (là où il n’existait auparavant qu’un système de garderie). Ce nouveau temps périscolaire offert facilite l’accès de tous les enfants aux activités sportives, culturelles, ludiques ou artistiques. Ainsi chaque enfant, quelles que soient son origine sociale ou les ressources de sa famille, peut bénéficier des outils et richesses proposés par cet espace éducatif nouveau pour se former, apprendre et grandir.

Encore une fois, c’est beau… sur le papier. Et c’est tout.  Je vous donne l’exemple dans l’école de ma fille (moyenne section) : ils font des dessins. Voilà. C’est bien le dessin, je ne dis pas le contraire mais il n’y a aucune valeur ajoutée. Pour en avoir parlé autour de moi, cet exemple est loin d’être le seul. C’est bien d’avoir des idéaux mais encore faut-il s’en donner les moyens.

Avec la réforme, 80% des écoliers participeront à des activités périscolaires auxquelles ils n’auraient sans cela jamais eu accès et qui leur permettront de faire de nombreuses découvertes.

Permettez-moi d’en douter sachant que la plupart du temps ces activités ne sont qu’une garderie améliorée et que leur gratuité n’est pas assurée dans toutes les communes.

 

Troisièmement, on joue sur les mots.

Pour les élèves de maternelle, il est important de se lever tous les jours de la semaine à la même heure et d’avoir des journées allégées. C’est ce que permet la réforme.

Il me semble que pour un tout petit, c’est au moins aussi fatigant d’être en grande collectivité (plutôt qu’en classe), or la majorité des enfants passent, depuis la réforme, plus de temps à l’école. Je ne vois pas en quoi c’est plus reposant.

J’aimerais également préciser que même avec la journée de 4 jours, la majorité des enfants se levaient à la même heure toute la semaine soit parce qu’ils allaient de toute façon au centre de loisirs le mercredi, soit parce qu’ils se lèvent à peu près à la même heure tous les jours (d’où les plaintes bien connues des parents le week-end !!!).

 

Et puis, personnellement, je ne suis pas fan du centre de loisirs. C’est une des raisons pour lesquelles je suis contente de travailler de chez moi et de pouvoir récupérer ma fille à la sortie des classes. Sauf qu’avec la réforme, je suis obligée de la laisser aux activités périscolaires parce qu’il m’est impossible de venir à 15h au risque de devoir travailler la nuit à la place. Mon cher maire en profite alors pour se féliciter de la réussite de la réforme puisque nombreux sont les enfants qui restent à ces activités.Comment ose-t-il se servir du fait que les parents travaillent et sont obligés de laisser leurs enfants à ces activités pour vanter la réussite de sa réforme ?!

 

C’est autant la réforme que la façon dont elle est expliquée qui me déplaît. Je n’aime pas qu’on déforme la réalité. D’ailleurs, je me dis que s’ils sont obligés de la déformer ainsi, c’est bien qu’il y a un problème.

Je suis convaincue qu’on doit rénover notre système éducatif mais je pense aussi que les instituteurs et les professeurs doivent être les premiers consultés. Ce sont eux qui voient le plus les élèves.

Les parents peuvent aussi donner un avis sur ce qui se passe après la classe. Je ne peux pas faire de généralités mais je vois bien que la réforme ne réussit pas à ma fille :

– elle est plus fatiguée : c’est également lié au fait qu’il n’y a plus de sieste en moyenne section mais je sais aussi que les activités en groupe la fatigue ;

– elle n’aime pas le centre de loisirs mais elle est maintenant obligée d’y aller (alors que l’année dernière, j’avais la possibilité de ne pas l’y laisser) ;

– elle a du mal à cet emploi du temps qui varie d’un jour à l’autre ;

– elle n’a plus ce jour de pause dans la semaine (le mercredi) qui lui faisait du bien.

En parallèle, il devrait y avoir certains avantages comme la découverte de nouvelles activités sur le temps périscolaire mais, comme je vous le disais, ce n’est pas le cas.

 

J’aimerais donc que le ministère de l’Education nationale cesse de se voiler la face (et de noyer le poisson…) et prenne ses responsabilités. Non, la réforme telle qu’elle est pratiquée actuellement n’est pas une réussite. Il est temps de prendre des décisions pour l’améliorer (ou la réformer, hahaha).

Mais, après tout, je ne suis que parent d’élève, qu’est-ce que j’en sais, hein ?

 

Clem la matriochka

12 réflexions sur “La réforme des rythmes scolaires pour les nuls

  1. Oui, cette réforme est pitoyable.

    Voici mon avis, d’enseignante et maman :

    – non, ils ne nous ont pas du tout concerté, nous, enseignants, qui sommes directement en contact avec les élèves.

    – non, nous ne sommes pas contre une réforme et c’est très bien une matinée d’école en plus (même si nous aurions préféré le samedi, mais bon, pour l’économie, il paraît que ce n’est pas terrible)

    – non, les ateliers promis ne sont pas du tout des ateliers d’activités extraordinaires ; normal, les mairies n’ont plus d’argent !! ce n’est que de la garderie, tout simplement.

    – non, les enfants ne sont pas moins fatigués car ils ont plus de temps en collectivité non dirigée dans le calme (parfois, 30 enfants pour un animateur non qualifié !!)

    – et non, ce n’est pas pour le bien de l’école, des enfants, des enseignants, des parents ; c’est juste pour privatiser encore plus l’école publique (les TAP sont payants dans beaucoup d’écoles)

    – et oui, ce gouvernement (comme beaucoup d’autres hein, de droite, de gauche ou de Navarre !) n’écoute pas ses citoyens et ça, je trouve ça le plus grave.

  2. Merci pour ton article. Cette réforme n’a pas encore été mise en place dans l’école de mon fils donc je ne peux pas en parler. Il y a actuellement très peu d’activités adaptées aux enfants de son âge (voire aucune) dans notre ville donc je suis curieuse de voir ce qui sera proposé aux enfants…pas une simple garderie j’espère. Sinon, travaillant aussi souvent chez moi, je me poserai peut-être la question de le mettre ou non à l’école l’après-midi (enfin, si cela est bien possible en MS de maternelle).

  3. Merci pour cet article qui ne fait que conforter mes impressions sur cette réforme (nous c’est l’an prochain). Comme tu l’as dit, il est important de réformer le système mais sûrement pas de cette manière… Et je suis déjà inquiète quant à la sécurité des enfants pendant ces activités (en sachant le ratio d’encadrement prévu). Bref, je pourrais en parler pendant des heures, les classes surchargées, le manque de moyens financiers… C’est un sujet qui me touche particulièrement. Avec Père Formant nous venons de réorganiser nos horaires de travail pour l’année prochaine. Cela pourrait nous permettre de ne pas faire participer ma fille à ces « TAP », si nous estimons qu’elle est trop fatiguée, en insécurité…. Et je sais que c’est un luxe que le monde du travail offre très rarement.

  4. Ce qui m’agace le plus en ce moment c’est d’entendre « tout le monde était pour ! » MAIS NON BORDEL ! C’est faux, les médias ont au printemps décider de ne relayer que les messages positifs HORS les « anti » étaient déjà fort nombreux, au moins inquiets voir complètement contre. Et ce n’est que depuis septembre que les médias ont changés de sens et ont décidé de relayer désormais que les témoignages négatifs. Bref, encore une fois un truc bâclé, quel était l’urgence de mettre en place cette réforme ? Sérieusement ? Ne pouvait-on juste pas attendre un an, le temps de s’organiser ? C’est pitoyable et se sont les enfants qui trinquent. Censée nivelé l’accès à la culture et aux arts, tu parles, la réforme créé encore plus d’inégalité sociale en fonction des villes/villages et même à l’intérieur de grosses villes les écoles ne sont pas toutes logées à la même enseigne.
    Ce qu’il faut revoir c’est : la valorisation des professeurs des écoles, ils font un des métiers les plus importants pour l’AVENIR de notre pays, tout comme les policiers, ils doivent être soutenus, équipés, valorisés et RESPECTES. D’autres parts, les élèves ont un niveau déplorables en arrivant en 6e, c’est peut-être le fondement même des programmes qu’il faut revoir et les méthodes d’apprentissage.
    AU BOULOT.

  5. Voilà qui est fort bien dit. Les enfants passent plus de temps à l’école (parce que pour eux, les activités sont du temps d’école) et n’ont plus le temps de souffler. Ils sont fatigués (et énervés). Et l’école le mercredi matin n’est pas du tout équivalente à l’école le samedi matin.
    Et moi aussi, ça m’énerve d’entendre dire que TOUT le monde est d’accord avec cette réforme.

    • J’ajoute que dans ma petite commune, la mairie a réussi à mettre en place des TAP qui tiennent la route, en petits groupes de 8 élèves, entre midi et deux. Et que malgré tout, les enfants sont épuisés.

  6. Et bien, nous aussi, nous sommes aussi à 4,5 jours avec une fin des « cours » à 15h45. Nous sommes plutôt contents de l’organisation.
    Petite remarque tout de même : les activités proposées sont légèrement plus chères que la garderie.

  7. Merci beaucoup de ta contribution, et de ton coup de gueule!! Comme on dit parfois: la dictature c’est ferme là, la démocratie c’est cause toujours… Pour être honnête j’ai le sentiment qu’il n’existe aucune concertation mise en place depuis des décennies ayant jamais conduit les gouvernements à faire autrement que ce qu’ils avaient prévu de faire dès le début… mais certains pourront dire que je fais du mauvais esprit…
    Sinon pour avoir discuté avec une responsable d’un centre de loisirs lyonnais, le tissu associatif/ le vivier pour le périscolaire: il existe! Mais le problème est d’y mettre le prix… La personne m’a dit que la mairie leur avait proposé 8 euros de tarif horaire (payé 50 min donc dans les 6-7 euros), pour un encadrement à plus de 20 enfants AVEC un projet éducatif… mais QUI va donc accepter de faire ça??? Un chiffrage avait été réalisé sur la base d’une rémunération décente, d’un taux d’encadrement décent et donc d’un projet éducatif réalisable… la somme totale n’était pas du tout aberrante au regard des dépenses d’une grande ville comme Lyon… sauf que… tout est une question de priorité!
    Donc à mon humble avis, le problème, ce ne sont pas tant les rythmes, ni le vivier associatif, ni la concertation… mais d’abord la façon dont on envisage la jeunesse et l’investissement financier en matière d’éducation… (et qu’on ne vienne pas me dire que l’éducation est déjà un poste de dépenses colossal… sans jamais se poser la question de sa bonne gestion…)

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