La fin de l’année scolaire arrive et je suis toujours aussi perplexe devant l’application de la réforme des rythmes scolaires. Après avoir exprimé mon mécontentement ici, j’ai décidé d’écrire directement au ministre de l’Education nationale et pour faire avancer la discussion, je vous propose de lire ma lettre (à laquelle j’ai ajouté des références plus précises pour respecter notre format de billet) et de réagir en commentaire si le cœur vous en dit.
Monsieur le Ministre,
L’aînée de mes enfants est en moyenne section de maternelle dans une école publique du XVème arrondissement de Paris. J’ai donc connu, en tant que parent d’élève, une année sans la réforme et une année avec. Je vous le dis d’emblée : je ne fais pas partie des 92% des parents d’enfants scolarisés (interrogés en mai dernier par le CSA) [1] qui considèrent que l’année s’est bien déroulée. Cela dit, si on m’avait posé cette fameuse question :
« De manière générale, diriez-vous que l’année scolaire en cours s’est très bien, plutôt bien, plutôt mal ou très mal déroulée ? »
j’aurais peut-être répondu positivement : ma fille a, il est vrai, appris plein de choses, elle a bien grandi et je sais que l’école est en partie responsable de ça. Répondre positivement à la question posée ne signifie pas forcément qu’on approuve la réforme dans son ensemble.
J’ai de nombreuses interrogations quant à son organisation et son but. Ma fille n’a pas aimé ces nouvelles activités périscolaires, cela ne suffit pas pour critiquer ce nouveau système, bien entendu, mais cela me donne des raisons de m’intéresser de plus près à ce qui s’y passe.
Pour le moment, c’est simple : il ne se passe rien. Dans l’école de ma fille, les enfants sont mal encadrés (ils n’ont pas de véritable référent car les animateurs changent très souvent) et les activités proposées (dessin la plupart du temps) ne répondent pas, il me semble, à votre objectif de faire bénéficier chaque enfant
« des outils et richesses proposés par cet espace éducatif nouveau pour se former, apprendre et grandir ». [2]
Certes, dans certaines familles, les enfants passent plus de temps à regarder la télévision qu’à dessiner, rester à ces activités périscolaires peut leur être utile mais, vous en conviendrez dans ce cas, non seulement la réforme ne prend pas en compte la diversité des familles mais elle n’a pas, dans la pratique, l’ambition que vous lui donnez. Or, je suis tout à fait d’accord pour intégrer à l’école des activités plus ludiques, plus artistiques mais il faut alors leur donner toute leur importance. Pour le moment, ils ressemblent à de la garderie.
Vous me répondrez peut-être que ma commune est responsable de cet état de fait mais je me permettrai d’objecter qu’il aurait justement fallu penser aux communes avant de lancer cette réforme. J’ai de nombreux échos qui montrent que le problème est le même partout, certaines communes n’ayant pas les moyens financiers de mettre en œuvre votre réforme.
Pourtant, je voudrais que vous le sachiez, monsieur le Ministre, je ne suis pas de ceux qui critiquent l’Education nationale par principe ni de ceux que les réformes effraient. Je voudrais croire que vous savez ce que vous faites en allant jusqu’au bout de votre réforme. Mais après tous ces mois, je n’y arrive plus. Si je suis d’accord avec l’idée que les enfants travaillent mieux le matin, je ne pense pas qu’augmenter leur temps passé en collectivité (autre que la classe) soit enrichissante pour eux, en particulier pour les enfants de maternelle.
En vous écrivant, j’ai deux objectifs. Tout d’abord, je souhaite vous montrer que, malgré les sondages positifs et les articles de presse évoquant un changement d’opinion des Français favorable à votre réforme, la réalité du terrain est autre. J’écris à la première personne du singulier mais je sais que mon avis est partagé par beaucoup. Dans l’école de ma fille, les parents se rencontrent régulièrement pour faire avancer les choses et demander des changements.
Mon autre objectif est d’obtenir des réponses à mes questions basées sur mon expérience et ce qui est publié sur votre site [3] :
- Vous parlez d’une meilleure répartition des temps d’apprentissage, inspirée par des spécialistes :
« La réforme des rythmes scolaires conduit à mieux répartir les heures de classe sur la semaine, à alléger la journée de classe et à programmer les séquences d’enseignement à des moments où la faculté de concentration des élèves est la plus grande. » [4]
Mais qu’en est-il de l’augmentation du temps passé en collectivité pendant lequel l’encadrement est moindre et pas toujours fait par des professionnels ? Un enfant restant à tous les temps périscolaires (cantine, ARE, goûter, centre de loisirs) y passe donc 26 heures, contre 24 heures dans la classe avec son instituteur. Croyez-vous vraiment que ces temps-là soient plus reposants ?
- Vous déclarez que :
« les élèves peuvent accéder à des activités sportives, culturelles, artistiques qui contribuent à développer leur curiosité intellectuelle et à renforcer le plaisir d’apprendre et d’être à l’école » [5]
mais vous oubliez de préciser que cela dépend des communes, même si vous versez des aides à toutes. Comment justifiez-vous cette inégalité sur le territoire ?
- Votre décret du 8 mai 2014 autorise :
« à titre expérimental, des adaptations sur l’organisation de la semaine scolaire (…) [les communes à ] alléger la semaine en réduisant le nombre d’heures d’école par semaine et en répartissant ces heures sur les vacances scolaires. » [6]
Ne croyez-pas que cela va créer, là encore, des inégalités ? Si vous êtes aussi sûrs de votre réforme, pourquoi donner autant de possibilités d’organisation que de communes (ou presque) ?
- Lorsque vous expliquez les bénéfices de cette réforme, vous évoquez principalement l’organisation sur cinq matinées :
« Prenant cinq fois par semaine le chemin de l’école et non plus seulement quatre, disposant tous d’une matinée supplémentaire, travaillant aux moments de la journée où leur attention est la plus soutenue, les élèves se verront ainsi faciliter l’accès à la maîtrise de la lecture, de l’écriture et du calcul. » [7]
Je veux bien le croire, je suis même plutôt d’accord personnellement, mais que faites-vous alors des inconvénients causés par la mauvaise organisation des temps périscolaires et leur intérêt plus que limité pour le moment ? Ne croyez-vous pas que les avantages des cinq matinées vont être amoindris par les inconvénients du reste des changements ?
Clem la matriochka
[1] – Résumé du sondage sur le site du ministère de l’Education nationale :
http://www.education.gouv.fr/cid79923/-sondage-les-francais-et-les-rythmes-scolaires.html
– Résultats complets du sondage :
http://www.csa.eu/multimedia/data/sondages/data2014/opi20140530-csa-ministere-de-l-education-nationale-les-francais-et-les-rythmes-scolaires-a-l-ecole.pdf
[2] http://nouveaux-rythmes.education.gouv.fr/quels-sont-les-benefices-pour-les-eleves-des-activites-apres-la-classe.html
[3] http://www.education.gouv.fr/pid29074/rythmes-scolaires.html
[4] http://www.education.gouv.fr/cid79816/nouveaux-rythmes-scolaires.html
[5] http://www.education.gouv.fr/cid79816/nouveaux-horaires-a-l-ecole-pour-tous-les-eleves-a-la-rentree-2014.html
[6] http://www.education.gouv.fr/cid79197/publication-du-decret-complementaire-sur-l-organisation-des-rythmes-scolaires.html
[7] http://www.education.gouv.fr/cid80264/les-benefices-pedagogiques-de-la-nouvelle-organisation-du-temps-scolaire.html
Bonjour,
VOilà juste un petit mot pour concernant notre responsabilité à nous parent, car nous en avons quant aux choix que nous faisons pour nos enfants. De mon coté, j’ai choisi de m’arranger pour rentrer tot (meme si mon salaire baisse) pour eviter à mon enfant de 3 ans d’avoir des journées folles (avec ou sans la reforme, le but est qu’il vive le moins de collectivités possible). D’autre part, jusqu’à 6 ans nous avons des aides pour la caf pour nous aider à garder nos enfants. Je ne suis pas riche (smic et mi-temps et seule à elever mon enfant), mais pourtant, j’ai une etudiante qui va chercher mon enfant pour lui evider le peri scolaire, lorsque je ne peux pas y aller. C’est un choix educatif, et politique.
Oui, je suis pour la reforme … c’est juste que ça a été mis en place un peu rapidement.
Audrey, ce choix nous pouvions déjà le faire quand la réforme n’était pas en place…. Je travaille à temps complet, et je me suis arrangée avec mon mari pour que nos enfants arrivent à l’école à 8h30, et en repartent à 16h30 (pour l’instant pas de réforme chez moi). Pour coller à mon choix éducatif, je les ai également inscrit à l’école privée, plus en phase avec ce que j’attend. Mais ceci est un autre débat.
En ce qui concerne la réforme, je trouve que l’éducation nationale prône certaines idées et ne se donne pas les moyens de la mettre en place, ou plutôt laisse les communes se dépatouiller, et du coup la réforme n’apporte pas forcément les bienfaits espérés. Pour ma part, je suis d’accord avec les points soulevés par Clem.
61 ans, 3 enfants, plein de neveux et nièces; pas encore de petits-enfants, mais des petits-neveux et nièces.
Je le dis haut et fort : quel que soit le gouvernement, de quelle que couleur politique qu’il soit, je n’ai quasiment jamais vu de réformes scolaires (croyez-moi, j’en ai vues) élaborée avec soin et réflexion. Cette dernière réforme, dite des rythmes scolaires, n’est pas une exception.
Que serait donc une réforme scolaire bien pensée ?
– Celle qui n’oublie jamais que l’école est d’abord là pour instruire et pousser les enfants à aimer la connaissance.
– Celle qui sait – et intègre – que les enfants, s’ils doivent tous bénéficier de chances égales, ne sont pas tous pareils. Qu’ils ont donc besoin, d’une attention, d’un rythme, DIFFERENT.
– Celle qui tient compte du fait que les écoles sont toutes différentes : grandes, petites, urbaines, villageoises, appartenant à une commune « riche » ou moins riche, etc.
– Celle que l’on ne cherche pas à concocter vite, vite, pour la présenter à l’esbroufe, mais que l’on élabore avec soin.
– Celle qui ne se fonde pas sur des postulats tirés de théories plus ou moins vérifiées, mais qui découle d’une étude patiente et sans parti pris de la situation et des besoins.
On peut rêver.
Pardon de ce billet d’humeur. Mais cela fait du bien.
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