Le harcèlement scolaire décrypté par une psychanalyste [Bibli des VI]

Hélène Molière est psychanalyste et exerce à Paris. Dans son dernier livre paru aux éditions JC Lattès, elle a souhaité aborder le sujet du harcèlement scolaire, encore trop présent en France et qui se répète de génération en génération. A travers différents témoignages, elle passe en revue les formes de harcèlement et les solutions possibles pour en sortir.

Le harcèlement touche 10% de la population scolaire, dont 5% est très gravement atteinte. Une fois sur quatre l’élève harcelé se tait. Les proportions sont les mêmes dans tous les pays développés. Il est aussi répandu en Ile-de-France qu’en province, aussi fréquent dans les établissement privilégiés que dans les établissements favorisés.

Nous sommes tous susceptibles d’être touché par le harcèlement scolaire, nos enfants ou ceux de nos proches, et ce livre est un bon moyen de comprendre le fonctionnement du harcèlement. Car il ne s’agit pas seulement d’un bourreau et d’une victime. Hélène Molière nous montre par ses témoignages que les deux enfants souffrent, que le harcelé et le harceleur forment un couple et qu’il faut s’attacher aux origines du conflit. Pourquoi le harcelé se pose-t-il en victime, donne-t-il trop l’impression d’être faible? La plupart des victimes de harcèlement sont des personnes très empathiques qui subissent par humilité. A l’inverse, pourquoi le harceleur s’en prend-il à lui? Que veut-il exprimer exactement en s’en prenant toujours à la même personne? Est-il jaloux?

Manque de confiance, amour-propre blessé, sentiment d’infériorité ou de honte? Toujours est-il que le harceleur se sent mal regardé, mal considéré ou mal compris par son entourage. Il passe alors sa rage sur un autre dont il perçoit d’autant mieux les faiblesses qu’il les porte en lui-même.

Les deux élèves sont en souffrance, les adultes doivent le prendre en considération lors des médiations.

Plus que tout, il est important de reconnaître le harcèlement. Il s’agit de brimades, psychologiques et/ou physiques, qui se répètent sur une longue durée. On a tous connu les petits surnoms moqueurs, les bousculades à la récréation, tant que cela ne devient pas systématique, cela reste « normal ». Certains élèves ont peur de se confier parce que les adultes les renvoient à leurs « enfantillages ». Attention de ne pas passer à côté. Hélène Molière nous offre quelques pistes pour détecter le harcèlement, notamment le cyberharcèlement de plus en plus présent, et définit le rôle primordial des adultes, tant les parents que l’équipe enseignante. C’est un travail à faire conjointement.

Petit bémol personnel, le côté freudien de l’approche psychologique d’Hélène Molière qui voit dans le harcèlement une expression des frustrations primaires:

Cette relation en miroir est une relation narcissique, incontournable, mais intuitivement vécue comme dangereuse, vitale, mais mortelle comme l’illustre le mythe de Narcisse. C’est cette relation qui fait rage entre harceleur et harcelé […]. L’autre risque à tout moment de me dévorer, de m’engloutir, de m’anéantir: « C’est lui ou moi », notre rapport aux autres est à jamais marqué de ce rapport originel, paranoïaque et imaginaire.

Elle semble considérer que l’être humain est intrinsèquement violent et que la frustration de sa naissance et de la séparation du giron de sa mère se répercute dans toute notre vie. Je suis loin de partager le même point de vue et je trouve qu’il colore un peu trop les analyses de ses témoignages.

Le livre reste néanmoins intéressant à aborder et peut constituer une base sur le harcèlement scolaire qui mériterait vraiment de devenir une cause nationale. Pour rappel, le numéro vert Stop harcèlement: 0808 807 010 et le site http://www.agircontreleharcelementalecole.gouv.fr

Harcelé-harceleur, une histoire de souffrance et de silence, par Hélène Molière est disponible en prêt dans la bibliothèque des Vendredis Intellos. Merci aux éditions JC Lattès.

Cleophis

6 réflexions sur “Le harcèlement scolaire décrypté par une psychanalyste [Bibli des VI]

  1. Je me demande ce qu’ils en pensent, quand il s’agit des 3/4 de la classe contre une personne ? Le harcèlement c’est pas que de la « rage », c’est aussi du mépris, des rires moqueurs, des petites boules de papier/gomme. Après, peut-être que mon témoignage est biaisé parce que je l’ai vécu, mais pour moi ce n’est pas le genre de « relation » que j’ai pu avoir avec mes harceleurs, vraiment pas.

  2. Comme Nine, le sujet me touche beaucoup et je reste sur ma fin sur le même point : que peut-on en dire quand c’est une classe ou un collège entier qui se rit d’un enfant en particulier… Quand c’est un groupe donc, et non une simple relation duelle ?

    • D’après elle, il y a un meneur et des suiveurs. Si un élève est brimé par toute une classe, c’est parce que l’un d’entre eux a décelé une brèche et en a profité. Une fois que l’élève est perçu comme victime, il devient le bouc émissaire. Un peu l’idée qu’il vaut mieux que ce soit lui et pas moi.

  3. Existe-t-il des psy qui fonctionnent avec autre chose que Freud dans ce pays? On est le seul pays au monde avec l’Argentine à avoir une telle influence de la psychanalyse, sommes nous bien certains que c’est un réel avantage?

    Sur le fond, il me semble que le groupe porte souvent une haine de tout ce qui est en dehors de lui, chez les adultes comme chez les enfants. Cela doit sans doute avoir des racines profondes chez un animal social comme l’homme. Le souci étant que la personne qui est victime de ce rejet en souffre souvent sans savoir sortir de la situation -car malheureusement, pour être efficace, c’est à la victime de savoir réagir-
    Une éducation plus ouverte peut-elle aider à éliminer cette hostilité du groupe contre les autres? Je n’en suis malheureusement pas certain, vu qu’on retrouve également cet effet chez des groupes de militants pro-bienveillance…

    Brassens est, comme souvent, un excellent descripteur de ce travers humain…
    « Le pluriel ne vaut rien à l’homme et sitôt qu’on
    Est plus de quatre on est une bande de cons.
    Bande à part, sacrebleu ! c’est ma règle et j’y tiens.
    Dans les noms des partants on ne verra pas le mien »

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