Le mouvement spontané

La semaine dernière, je vous présentais la pratique du soin à l’institut Emmi Pikler en Hongrie, ou comment le temps où l’adulte et l’enfant se rencontrent forcement est un moment privilégié de l’interaction, de la sécurisation de la personne bébé, mais aussi de la socialisation.

Aujourd’hui je mets l’accent sur un autre aspect du travail de cette pédiatre : l’activité spontanée. Elle propose de laisser l’enfant vivre ses expériences corporelles par lui même, dans un espace sécurisé, au fur et à mesure leur apparition au cours de son développement psycho-moteur. (citations tirées du site internet PIKLER-LOCZY FRANCE)

« Le processus de développement du bébé (…) est programmé, se déroule spontanément et dans un ordre donné. »  d’où « l’importance de respecter toutes les manifestations spontanées du bébé, l’ordre et le rythme de leur apparition. (…) il importe de ne pas le contrarier en faisant intrusion, en exposant par exemple le bébé à des postures qu’il n’a pas encore découvertes et qu’il n’est pas encore prêt à adopter, en lui enlevant la joie de découvrir par lui-même et la confiance en ses propres capacités. »

Car l’enfant prend plaisir à la découverte de ses limites et de ses capacités corporelles. L’enfant est CAPABLE, le potentiel est en lui, c’est à lui seul qu’appartient la volonté et la nécessité de les mettre en oeuvre au moment où elles se développent. Comme disait un médecin de ma connaissance « les gamins, faut leur foutre la paix! »

Je vois souvent des contributions sur l’apprentissage de la diversification alimentaire par exemple, de la marche, de la propreté… des choses élémentaires qui angoissent les parents que nous sommes. Certain(e)s apportent des exemples de solutions où l’enfant est aux commandes, parce que ces comportements font partis de son développement… Voilà qu’Emmi Pikler et son équipe de nurse l’on bien compris…

« La liberté motrice consiste à laisser libre cours à tous les mouvements spontanés de l’enfant sans lui enseigner quelque mouvement que ce soit. »

Mais alors, qu’en est-il de la place de l’adulte? si présent au moment des soins, doit-il être indifférent à l’enfant qui joue?

« chaque enfant a besoin de partager sa joie avec un adulte qui lui est cher, lorsqu’il fait une acquisition nouvelle. Les adultes sont attentifs aux progrès des enfants et y participent en organisant un environnement approprié aux besoins de développement de chaque âge et en recherchant les conditions de cette activité autonome de l’enfant.
L’attitude de l’adulte favorisant cette liberté motrice s’inscrit dans une attitude générale qui consiste à respecter l’enfant, à le considérer comme une personne capable d’initiative et de décision pour ce qui le concerne lui seul : son corps. »

L’adulte est bienveillant, attentif au bien-être de l’enfant, en l’encourageant, en le respectant. Ça me rappelle… « aide-moi à faire seul »… Maria Montessori.

Emmi Pikler parle aussi de découverte à « taton »… et là me vient à l’esprit le tâtonnement expérimental » de Freinet. Mais aussi Brüner et son interaction de tutelle.

je ne peux m’empêcher de remarquer que tous ces praticiens de l’enfance (je mets de côté Brüner, dont je n’ai pas lu de biographie) sont « contemporains », dans des pays différents. Je sais que Freinet s’inspirait des travaux d’autres pédagogues à travers l’Europe. Mais Pikler, dans sa Hongrie communiste, avait-elle accès aux connaissances acquises par ses paires?

Je m’étonne encore de la petite reconnaissance de ces découvertes pédagogiques, contemporaines, par un vieux monde arc-bouté sur ses vieux principes éducatifs autoritaires et répressifs. Quand deux laboratoires publient acquis en même temps des découvertes similaires, on applaudit des mains et des pieds, on décerne des prix Nobel, on se bat pour savoir qui a fait la découverte en premier. Pas en éducation. Ces découvertes restent confidentielles. De quoi avons-nous peur?

Heureusement, les Vendredis Intellos sont là!

Muuuum

9 réflexions sur “Le mouvement spontané

  1. Ecoutons les enfants, regardons-les grandir, faisons-leur confiance : ils sont à même d’évoluer seuls… sous les yeux bienveillants de leurs parents ! Merci pour cette jolie contribution !

    • merci de ton commentaire. dis comme tu le dis, ça paraît d’une simplicité… pourtant, le fait est que ça fonctionne pour les choses « physiologiques », mais pour ce qui est culturel (les « soins ») l’interaction est nécessaire pour l’enfant! et là ça se corse…

  2. Très intéressant. Je rejoins complètement ta conclusion : plus d’un siècle d’avancées pédagogiques de taille avec une reconnaissance quasi absente et une utilisation roche de l’état nul. Pourquoi ??

  3. Bon c’est bon c’est bon, vous m’avez eues toutes!!!! Je m’en vais chercher un Guest pour nous expliquer d’une part la relative uniformité des mouvements de l’éducation nouvelle et d’autre part le pourquoi du comment de leur difficile diffusion dans nos systèmes éducatifs…!!!
    Et un grand merci à Muuuum pour sa contribution!!! Je vous tiens au courant!!!

    • Je n’avais aucune prétention à t’obliger à trouver de quoi répondre à ma question! Elle est réelle, et c’est grâce à tout ce que j’ai lu et compris via les VI, que cette question a surgi! Et je pensais même que tu serais à même de nous offrir quelques éléments de réponse ou de lecture qui nous mettraient sur la voie… un guest c’est la classe! J’attends des nouvelles.

      • Ne t’en fais pas… en fait je cherchais surtout un prétexte pour relancer une ex-collègue de mon labo pour contribuer… ;) Je ne sais pas si elle sera partante mais si ça n’est pas le cas, je jetterai un oeil à mes bouquins pour retrouver des éléments à vous donner pour expliquer le contexte d’émergence des pédagogies nouvelles.. Quant à leur difficile diffusion, j’ai souvent rappelé à quel point l’école était pour les gouvernements tout autant un outil de pouvoir qu’un moyen d’instruire… je pense que nombre des explications peuvent prendre leur source dans cette réalité…

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