Être mère et travailler : une équation à multiples inconnues

Travailler, une liberté précieuse que les femmes ont pu acquérir au prix d’une lutte acharnée pour leur indépendance. Le droit de vote a été proclamé en 1944 (18 ans après les anglaises… 10 ans après les turques…), puis le droit de travailler sans demander l’autorisation à leur mari en… 1965. Ahurissant. C’est simple : les bras m’en tombent.
Depuis, on a de cesse de faire notre nid dans le monde du travail, tant bien que mal… et certains diront plus mal que bien. Car désormais, comme on a voulu travailler, on a aussi le droit de tout assumer.

Ce sujet que je traite pour les Vendredis Intellos me tient particulièrement à cœur. Je viens de créer mon auto-entreprise. Alors que je n’ai pas de mode de garde pour toute la semaine (et est-ce que j’en veux un d’ailleurs ?). Et que j’ai participé à une étude passionnante sur le mumprenariat rondement menée par deux… femmes bien sûr, Aude d’Andria et Katia Richomme-Huet (si vous êtes une mumpreneuse et que vous souhaitez participer à l’étude, écrivez à aude.dandria@cegetel.net). Le fait de créer mon entreprise est une conséquence de plusieurs facteurs : l’envie, le tempérament d’entreprendre, mais aussi une réponse à un mode de garde partiel. Rester sur le bord de la route d’un point de vue professionnel, je sais que cela risquait d’être dommageable pour moi. A 30 ans, il me reste combien pour faire mes preuves ? Moi je dirais 10 ans, pas plus. Pourtant cela n’a pas été simple de prendre cette décision…

Car être mère et travailler semble parfois incompatible. D’un point de vue physique : travailler à 100 % la première année de l’enfant est tout bonnement épuisant. Surtout si l’on habite une grande ville et que l’on passe du temps dans les transports. On se retrouve obligée à être parfaite partout : au travail, sinon on est cataloguée ; vis-à-vis de l’enfant, sinon on est jugée… déjà qu’il ne nous voit pas de la journée ; parfois avec son homme, qui ne comprend pas toujours que l’on veuille travailler. On se retrouve obligée à développer un sens de l’organisation exacerbé. Une incompatibilité parfois aussi d’un point de vue psychologique : dur de se dire qu’on va retravailler et que c’est la bonne décision pour nous ET pour le bébé. Entre envie de travailler, besoins financiers, épanouissement de la femme, bien-être du tout-petit,  équilibre familial, voire même du couple, on l’a toute compris : des milliers de questions trottent dans nos têtes de mamans.

Il y a d’ailleurs fort peu d’études qui portent sur les méfaits ou les bienfaits de la reprise du travail dans la première année de vie de l’enfant. Elle a relayé l’une d’entre elles menée aux États-Unis en 2010 et qui va déculpabiliser les mamans : « Après avoir suivi le développement et les caractéristiques familiales de plus de 1.000 enfants âgés de 0 à 7 ans, les chercheurs en ont conclu que les inconvénients de reprendre le travail pendant la première année de vie d’un enfant sont compensés par un certain nombre d’avantages. D’où un effet neutre sur le bien-être de l’enfant. Ainsi une mère qui travaille est en général plus épanouie et aurait tendance à montrer un peu plus de « sensibilité maternelle » qu’une mère au foyer ». Cette étude nous rappelle ainsi que ce n’est pas forcément le temps passé avec l’enfant qui fait la qualité de la relation. Mieux vaut une femme heureuse de travailler que triste de rester à la maison.

Mais encore faut-il avoir vraiment le choix de ne pas reprendre ou de reprendre : dans le premier cas, il faut avoir les moyens de rester à la maison avec, si c’est le premier enfant,un complément de libre choix d’activité (CLCA) que donne la CAF de 379,79 € pour un congé parental, jusqu’aux 6 mois de l’enfant. Avec donc 180 € de PAJE. Soit un total de revenu de 560 €. Y’a pire… mais y’a mieux. Si tu n’a pas mis 3 000 € de côté pour vivre avec un SMIC par mois, tu es (collée) serrée niveau budget. A moins que le papa gagne bien sa vie.
Dans le deuxième cas, il faut… avoir un mode de garde. Soit une nounou, qui coûte un bras et deux yeux (800 € environ pour un temps plein en crèche avec une aide allant de 169 à 448 €), soit la crèche. Mais ça, la crèche, si t’as une place, t’as de la chance. Pourtant, ce mode de garde reste voulu par les parents, notamment pour des questions financières (je le rappelle, les coûts de crèche sont « proportionnels au revenu familial et au nombre d’heures de garde par mois »)… que l’on peut comprendre, même si personnellement je suis contente d’avoir mise ma Zouzou chez une nounou à 3 mois et non en crèche, moins adapté à mon sens à des petits bouts. 

J’ai réussi à trouver une étude sur l’effet de l’obtention d’une place en crèche sur le retour à l’emploi des mères et leur perception sur le développement de l’enfant. Qui est sans équivoque : une place en crèche représente une possibilité importante de reprise de travail.

Car, qu’on ne se leurre pas : les effets d’un arrêt du travail pendant une longue période a des répercussions certaines sur la carrière des mères : « Les évaluations existantes suggèrent que les ruptures de carrière de longue durée (deux ans ou plus) retardent et ralentissent très significativement l’évolution des rémunérations des femmes tout au long de leurs carrières. » Alors que les femmes qui ont vécu au foyer sont d’excellentes gestionnaires. Et ont une réelle plus-value d’un point de vue professionnel par rapport aux nullipares. Eh oui, mettre au monde un enfant rajuste sa vision du monde professionnel et donne beaucoup de confiance personnelle.

On est clair : il faut plus de places en crèche. Ou augmenter les allocations quand on reste au foyer. Augmenter les places en crèche même si cela est très coûteux – une place coûterait 17 000 € par an dans une ville comme Grenoble – mais permet à la femme d’avoir la même liberté que l’homme de travailler et de s’épanouir personnellement. Ce qui est profitable à l’enfant au final. Maman heureuse = maman disponible pour bébé = bébé heureux.  Augmenter les allocations pour les mères au foyer : pour que cela soit reconnu comme un travail et ne pas rendre la femme dépendante des revenus du mari. On élève la France de demain, juste… Donc si on nous donne pas les moyens… (Ouh, je parle pas de l’éducation nationale… parce que sinon ça va m’énerver, petit parent pauvre des budgets de l’Etat…)

Le must : développer des temps partiels dans des secteurs plus intellectuels. Mais ça, cela reste de l’utopie malheureusement…

Chrystelle – Kiki the mum

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