Comment le sexisme vient aux enfants

fille_garçon

 

C’est le titre d’un court article de  la revue Sciences Humaines que je recopie ici :

À quel âge le jugement des enfants sur l’image des deux sexes commence-t-il à être sensible à celui de la société ?

En dessous de 3 ans, rien ne semble pouvoir être détecté, car les enfants distinguent difficilement entre leur jugement et le regard des autres personnes.

Mais une étude menée par des psychologues à l’université de New York s’est penchée sur le cas des enfants de 4 ans. Deux cent quarante d’entre eux, d’origines culturelles variées, ont été interrogés, ainsi que leurs mères.

La question principale était : « Des garçons et des filles, lesquels penses-tu que les gens trouvent mieux que les autres ? »

Le résultat général révélait que, à cet âge, chacun des deux sexes avait tendance à se voir mieux vu que l’autre.

Mais il apparaissait que des facteurs extérieurs pouvaient influencer le jugement des petits.

D’abord, la télévision : plus le nombre d’heures passées quotidiennement devant le petit écran était grand, plus le jugement était net en faveur du sexe masculin.

Ensuite, la répartition des tâches chez les parents : c’est dans les familles où les mères accomplissaient le plus de tâches ménagères que l’on trouvait le plus de petites filles affirmant que les garçons étaient « mieux vus ».

Les chercheurs en concluent que, plus que par d’autres voies (l’origine ethnique, par exemple), le sexisme parvient aux enfants à travers le spectacle des médias et celui de la subordination domestique

La référence bibliographique citée  est aussi accessible sur le site du British Journal of Developmental Psychology
May Ling Halim, Diane N. Ruble et Catherine S. Tamis-LeMonda, « Four-year-olds’ beliefs about how others regard males and females », British Journal of Developmental Psychology, vol. XXXI, n° 1, mars 2013.

J’avoue que je n’ai pas lu complètement l’article en anglais ;-)

Je me suis contentée d’y copier les courbes , parce qu’un schéma parle souvent mieux qu’un long discours :

genre_hres_tele

 

Sur cette figure , en axe horizontal, on lit le nombre d’heures par jour passées devant la télévision, et en axe vertical la probabilité de répondre « garçon » à la question « Des garçons et des filles, lesquels penses-tu que les gens  trouvent mieux que les autres ? ».

La courbe en trait plein correspond aux réponses des garçons, celle en pointillé aux réponses des filles.

Comme c’est très bien résumé dans l’article de Science Humaines, les moins exposés à la télévision pensent majoritairement que leur genre est le mieux.

Mais plus les enfants regardent la télé, et plus ils sont persuadés que ce qu’il y a de mieux, ce sont les garçons !!

Il y a donc beaucoup à faire pour diffuser des images plus positives des femmes dans les médias.

A ma petite échelle, c’est pour cette raison que chaque mois depuis environ 1 an et demi, j’essaie – parfois accompagnée d’autres blogueuses- de mettre à l’honneur sur mon blog une femme qui  « ouvre des portes », qui par son parcours de vie fait qu’en tant que petite fille ou jeune femme on peut se projeter autrement que dans l’ombre d’un homme.

( D’ailleurs pour mon dernier portrait , j’ai trouvé dans wikipédia le portrait de Marie-Louise Lachapelle, sage-femme en chef  du début du XIXe siècle, et à l’origine de l’organisation de la première maternité de France – à voir ici sur mon blog perso, et la rubrique « modèles féminins 2012 »  , des femmes dont  nous pouvons parler avec fierté à nos enfants)

 

genre_division_des taches

 

Sur cette deuxième figure, l’axe vertical, est le même que dans la figure précédente, mais l’axe horizontal représente la charge de la mère dans la répartition des tâches ménagères entre les parents.

Plus le père participe aux tâches ménagères, et plus les filles ont tendance à trouver que ce sont les filles que les gens préfèrent.

 

Et dans la pratique ??

Chez nous, on regarde assez peu la télé.

Coté tâches ménagères, Mr Phypa passe son samedi à faire les courses, fait la cuisine la plupart du temps, alors que je m’occupe des lessives la plupart du temps, mais cela peut s’inverser selon circonstances et disponibilités. Nous nous relayons aussi beaucoup pour tout ce qui est accompagnement scolaire, ou médical.

Et pourtant, je suis toujours stupéfaite des préjugés de genre que nous débattons quotidiennement avec les enfants.

Pour notre fils, il était inconcevable qu’une fille joue au foot ou qu’un homme fasse du repassage, et bien que je lui aie raconté que lorsque j’étais au collège, filles et garçons jouaient ensemble au foot, que j’étais choisie avant certains garçons quand on tirait les équipes  (oui ma spécialité, c’était les tirs du gauche en lucarne : imparable !!), et que Mr Phypa repasse ses chemises de temps à autre, je ne suis pas sûre que nous l’ayons convaincu.

Quant à notre fille, elle vit quasi exclusivement avec ses copines, qui se mélangent peu aux garçons,  et est plus intéressée par les fringues, le maquillage, la coiffure que par tout autre chose. Bon mais elle entre dans l’adolescence, et je suppose qu’en plus de l’influence des « copines » du collège, il y a une part d’opposition plus ou moins normale par rapport à moi. (C’est pas que j’aime pas les fringues, mais il y a mille et une autres choses qui m’intéressent bien plus !!)

Je ressens vraiment toujours plus que pour que chacun se sente le droit d’être qui il veut hors de tout stéréotype de genre, il y a encore vraiment beaucoup, beaucoup à faire.

Phypa

19 réflexions sur “Comment le sexisme vient aux enfants

  1. Très édifiant !
    Pas de TV à la maison, ouf… mais concernant les tâches ménagères, hum… Je vais envoyer cet article à de droit, non mais ! :)

    Effectivement, il y a du boulot, à commencer par toutes les petites phrases du quotidien, et les poncifs calamiteux comme :
    – « tu es bien une fille » en parlant d’un bébé intéressé par un collier/une bague… TOUS les bébés tentent d’attraper les bijoux !
    – « une vraie petite maman » au sujet d’une petite fille qui joue à la poupée / berce son doudou. Jamais entendu « un vrai petit papa » quand un petit garçon fait la même chose.
    – « mais tu es une fille ! Tu va devenir un garçon manqué ! Offrez-lui des poupées ! » Dit à mon aînée et à moi quand on admirait le travail des pelleteuses dans la rue… Ce à quoi j’ai répondu que si elle devenait chef de chantier j’estimerai qu’elle serait une « fille réussie » !
    – « montre pas tes tétés ! », à un bébé de 10 mois…

    Bref, je bondis à chaque fois, et je fais remarquer à quel point ses remarques sont sexistes et infondées dès que je peux, mais ça use : il suffit d’aller au parc ou de tendre l’oreille dans la rue pour entendre des énormités sexistes au sujet des enfants.

    • oh oui… énormément de remarques sont sexistes.
      Dans le bouquin que je suis en train de lire, « le vrai rôle des pères » l’auteur évoque le fait que le père (beaucoup plus que la mère) s’adresse très tôt différemment à ses enfants selon leur sexe. A travers le choix des jeux (plus physiques par ex avec les garçons), ou encore la réponse aux questions posées par les enfants, le père inconsciemment ou non,joue un rôle très net dans le processus de socialisation sexuée…
      L’auteur nous dit que les différences tendent à s’estomper mais sont néanmoins toujours présentes.
      Bref, je me demande si par ce biais-là aussi, l »image que se forgent les enfants sur « l’autre sexe » n’est pas « orientée »

    • Oui y a du boulot ! Et peut-être plus encore parce que notre société sous des airs de liberté est en réalité très normative.

  2. Merci beaucoup de cette contribution bien interpelante, qui a le mérite de rappeler (s’il fallait une raison supplémentaire!) que la télévision véhicule aussi des valeurs, des stéréotypes et cela plus ou moins à notre insu.
    Une question que je me pose néanmoins est: compte tenu du statut à l’heure actuelle effectivement « privilégié » des hommes dans notre société (même si nous oeuvrons pour que cela change!) n’est-ce pas aussi un peu « normal » que les enfants le perçoivent et même n’est-ce pas aussi un des leviers du changement (là je parle pour mon expérience perso, parce que je me souviens de ma colère lorsque j’ai réalisé qu’effectivement, certaines choses auraient peut être été plus facile si j’avais été un garçon)?

    • Je ne sais pas si le jeu social imposé à tous est confortable pour tous les hommes (voir les réflexions que nous échangeons sur la place du père).
      Il y a aussi le culte de l’apparence, de la performance, et les images véhiculées dans tous les médias auxquelles les enfants sont très sensibles… et leurs parents aussi certainement !

      Personnellement j’ai énormément de mal à imaginer ce qu’aurait été ma vie si j’étais née garçon! Elle aurait certainement été différente, plus facile, je ne sais pas.

      Finalement, il est peut-être plus facile pour une femme de devenir ingénieur ou tout autre métier « masculin », que pour un homme de devenir « sage-femme », coiffeur, danseur, ou tout autre métier « féminin ».

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  4. intéressant article et voilà une raison supplémentaire de ne pas regarder la télé. Pour ce qui est de la répartition des tâches domestiques, mmhh : il y a aussi du travail à faire ici. pour me changer les idée, je vais aller découvrir ton blog : j’aime ton idée de présenter une personnalité féminine par jour.

    • Je ne suis pas aussi catégorique sur la télé : il y a aussi des émissions que j’adore.

      Le partage des tâches domestiques et des soins aux enfants est un vrai sujet !

  5. J’ai la chance de n’avoir que des filles ce qui évacue le risque de les élever de manière différente.
    Comme nous n’avons pas de télé, l’affaire est réglée.
    Reste à vraiment partager les tâches ménagères et ce n’est pas aussi facile à faire que de se débarrasser de la boite qui parle.

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