Notre enfant, ce miroir de notre Ombre

Il y a quelques semaines seulement, une émission proposée par une chaîne de télévision française est venue alimenter le débat sur la dépression post-partum et sur les conséquences (tragiques) qu’elle peut engendrer. Je n’ai pas eu l’occasion de visionner ce programme mais en revanche j’ai lu un grand nombre de billets (et de commentaires) publiés suite à sa diffusion. C’est pour cette raison que j’ai eu envie de revenir aujourd’hui sur cet ouvrage qui m’a tellement fasciné de Laura Gutman, « La maternidad y el encuentro con la propia sombra » (La maternité et la rencontre avec l’Ombre) dont j’ai déjà eu l’occasion de parler ICI.

Sur mon blog, j’ai fait allusion à ce « sac » que j’avais bien du mal à porter et que j’ai récemment entrepris de vider (tout un programme!). Encore une fois, c’est en lisant quelques pages de ce livre que j’ai voulu en savoir davantage sur ce poids qui se révèle en partie grâce à l’expérience de la Maternité.

« L’ombre est le grand sac que nous traînons derrière nous » [Robert Bly]

Selon Robert Bly, nous passons les vingt premières années de notre vie à remplir notre sac en y gardant nos émotions refoulées, nos sentiments inavoués ou tout ce que nous ne considérons pas conforme à l’image que nous nous efforçons de construire. Ce grand sac renfermerait alors toutes ces parties sombres de nous-mêmes que nous aimerions pouvoir garder secrètes.

Dans mon précédent billet sur cet ouvrage, j’avais abordé le sujet du lien fusionnel qui unit une mère à son enfant, ce lien même qui implique un dédoublement des émotions de la mère étant donné que ses émotions se manifestent autant dans son corps que dans celui de son enfant.

« Ce qui est le plus incroyable, c’est que le Bébé ressente personnellement tout ce que ressent sa mère, surtout ce qu’elle ne parvient pas à reconnaître, ce qui ne réside pas dans sa conscience, ce qu’elle a relégué dans l’Ombre ».

Le titre même de l’ouvrage invite à s’interroger sur le lien que fait l’auteur entre la maternité et « l’Ombre ».

Qu’est-ce que « l’Ombre »?

Ce terme, utilisé par Carl Gustav Jung (Médecin, Psychiatre, Psychologue et essayiste suisse 1875 – 1961), intègre davantage de notions que « l’inconscient » de S. Freud. Il fait allusion à ces zones cachées de notre psyché mais aussi aux faces inconnues de notre monde spirituel (rien que ça!).

Dans mon précédent billet sur cet ouvrage de Laura Gutman, j’avais abordé le sujet du lien fusionnel qui unit une mère à son enfant, ce lien même qui implique un dédoublement des émotions de la mère étant donné que ses émotions se manifestent autant dans son corps que dans celui de son enfant.

« Ce qui est le plus incroyable, c’est que le Bébé ressente personnellement tout ce que ressent sa mère, surtout ce qu’elle ne parvient pas à reconnaître, ce qui ne réside pas dans sa conscience, ce qu’elle a relégué dans l’Ombre ».

Selon Laura Gutman, la naissance d’un enfant entraîne nécessairement la rencontre avec notre ombre. En effet, l’auteur insiste sur le fait que les manifestations « gênantes » auxquelles l’enfant nous confronte au quotidien (pleurs, plaintes, maladies, etc…) sont essentiellement provoquées par l’Ombre de sa mère, par tout ce qu’elle ne considère pas conforme à l’image qu’elle a d’elle-même.

« L’ombre est une partie de la psyché formée de la part individuelle refoulée, mise à l’abandon par l’éducation, et qui rassemble des complexes psychiques souvent perçus par la conscience comme négatifs, à l’origine du caractère et des humeurs ». [Source]

Ces manifestations auraient alors pour but de conduire la mère à comprendre l’origine de ces émotions afin de les surmonter.

En découvrant ces mots, je ne peux que me souvenir de ces moments de détresse dans lesquels il m’est arrivé de me trouver alors que je vivais les premiers mois de ma maternité. Je m’étais rêvée, imaginée, idéalisée en mère exemplaire et, comme tant d’autres avant moi, je m’étais lamentablement retrouvée piégée par la réalité. Ce Bébé qui ne faisait que pleurer (et moi avec), cette avalanche de doutes et d’interrogations… Peut-être que si j’avais pris le temps d’écouter ces symptômes plutôt que de chercher à les faire taire, nos débuts en auraient été moins chaotiques?

Laura Gutman pense que les manifestations du bébé sont le reflet de l’ombre de sa mère. Ainsi, le Bébé serait une véritable chance pour la mère qui aurait alors l’opportunité de visualiser ses parties les plus secrètes afin de se connaître davantage elle-même, de délier tant de noeuds qu’elle pourrait avoir gardé de son passé.

« Utiliser les manifestations du Bébé comme le reflet de propre ombre est une possibilité parmi tant d’autres de croissance spirituelle de la mère ».

Il faudrait alors cesser de chercher à faire taire ces symptômes exprimés par le Bébé et par sa mère mais plutôt chercher à comprendre leur origine.

Ainsi, Laura Gutman évoque le lien qui existe entre la dépression post-partum (DPP) et la rencontre d’une mère avec son ombre. Il est très fréquent que le diagnostic de la DPP se fasse lors d’une consultation pédiatrique. La mère se plaindrait des troubles du sommeil ou de l’alimentation de son bébé et le spécialiste aurait alors une réponse toute prête: l’état émotionnel de la mère se répercute sur son enfant. Cependant, au lieu de chercher à éliminer toute trace de symptôme, Laura Gutman recommande d’éviter de faire un amalgame…

Que pourrais-je alors traduire de ces réactions cutanées que j’ai vécu la première année de notre fille (une poussée d’eczéma localisée essentiellement sur les mains) et qu’elle a du supporter elle aussi sur une grande partie de son corps? Sans cela, aurais-je vraiment su écouter ces autres symptômes que je n’avais pas su décrypter jusqu’alors?

En devenant mère, j’ai pris conscience de tout ce que j’avais gardé durant trop longtemps dans mon sac. Tout ce que je n’avais pas su ou voulu voir s’était révélé de façon brutale et je n’avais pas d’autre choix que de faire la lumière sur toutes ces zones d’ombres du passé.

Toutes ces difficultés qui me semblaient insurmontables m’ont parfois fait m’interroger sur la possibilité de vivre une DPP alors qu’en réalité il suffisait d’être plus à l’écoute de tous ces messages que tentaient de me transmettre mon corps (ou son reflet dans le comportement de notre enfant).

En devenant mère, j’ai appris à mieux me connaître et j’ai découvert de nouveaux côtés de ma personnalité que j’ignorais auparavant. Comme la plupart des choses qui nous entourent, il n’y a pas forcément que du positif mais si j’en crois ce que dit C G Jung, « La reconnaissance de l’existence de notre côté sombre permet de relativiser le bon et le mauvais qui se trouvent en nous et de transformer ces deux entités en deux moitiés d’un tout paradoxal ».

Une mère ordinaire

3 réflexions sur “Notre enfant, ce miroir de notre Ombre

  1. Merci beaucoup de ta contribution!!! C’est vrai que devenir parent ravive tellement de choses et nous renvoie tellement à notre histoire….!!!
    Ceci étant, il y a toujours quelque chose en moi qui se méfie lorsque ces constats, par ailleurs tout à fait justes, ne sont appliqués qu’aux mères… Freud a déjà fait beaucoup de tort en nous chargeant encore et encore pour que mon esprit soit prudent sur ce point!! Je file chez toi pour savoir plus précisément de quoi il est question!!

  2. Pingback: De l’importance des interactions entre parents et enfants #Mini débrief « Les Vendredis Intellos

  3. Bonjour ! J’aimerai savoir si une traduction en français existe du livre de Laura GUTMAN ? J’aimerai le recommander à des amies qui ne lisent ni l’espagnol ni l’anglais… merci !

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