Dessin de Selcuk Erdem illustrant l’obstination de la maman Turque à couvrir son enfant

La mère turque pourrait détenir la médaille d’or en matière de protection des enfants. Qu’on l’appelle parent-hélicoptère, parent drône ou hyper-parent, c’est bien elle la championne! Il suffit de regarder les résultats: Elle parvient à protéger son enfant relativement bien de la drogue, de l’alcoolisme et même du suicide. Mais comment elle y arrive, donc?
En le couvrant bien, pour commencer!

Voici un extraît de mon premier livre paru en Turc, « Au-delà de la Maternité » (Editions Kaknus, 2002) , un ouvrage qui décortique les différentes philosophies de parentalité:

La belle-mère de Figen s’occupait de son petit-fils nouveau-né. Une semaine à peine après sa naissance, le petit attrapa une grippe. Les jours suivants, il a fallu lui faire avaler des médicaments et rester très vigilant. Malhereusement, peu de temps après, la grippe est revenue! Cette fois, le médecin a remarqué combien le bébé était mal à l’aise, transpirant sous les couches de vêtements et de draps. « Laissez donc ce bébé respirer, débarrassez-le de toute couche superflue! » dit-il aux parents. Figen reporta ces mots à sa belle mère, qui répondit: « C’est fou! Il y a 30 ans, mon médecin m’avait dit exactement la même chose: Que c’était moi qui rendait mon enfant malade à force de trop l’habiller! »

Si la belle-mère de Figen a eu le même coup avant, comment se-fait il qu’elle répète la même erreur?

Un geste inné

La tendance à (trop) couvrir le bébé est dans certaines cultures un geste de soin automatique, qui se fait sans vérifier s’il transpire ou s’il a vraiment froid. Elle existe aussi dans la culture Chinoise et dans certains autres pays. Malheureusement, elle est loin d’être un simple geste de protection au service de la santé de l’enfant…

Pourtant, nombreuses sont les sources expliquant que dès sa naissance, un bébé né à terme est capable de réguler sa température corporelle et de la maintenir à 37° C quelle que soit la température extérieure. Habituer un individu a des températures plus élevées alors qu’il n’en a pas besoin ne le rend pas plus robuste. Nombreux sont les cas de prise de froid allant jusqu’à la pneumonie dues au surchauffement, l’acné chez les bébés dû à la transpiration et le manque d’endurance face au froid chez les adultes qui ont grandi en étant trop protégés du climat. On parle même de l’augmentation du risque de mort subite.

En Turquie, peu importe le temps qu’il fait ou l’âge qu’il a, vous avez l’impression que tout le monde veut couvrir votre enfant! C’est un geste automatique chez presque tous les adultes. Un jour, ma belle-mère à moi a aussi voulu m’empêcher d’entrer dans la chambre de mon fils: Elle ne voulait pas que je découvre qu’elle avait, une fois de plus, mis une seconde couverture malgré ma demande de ne pas le faire! Elle ne supportait pas de le voir dormir avec un drap si léger!

Vouloir trop couvrir ou trop habiller l’enfant n’entrave pas seulement la santé physique mais aussi la relation entre le parent et l’enfant. En tant qu’animatrice des ateliers “Parler pour que les enfants écoutent”, je peux dire qu’un des plus grands sujets de dispute entre la maman turque et son enfant est le dialogue suivant :

– Mets ton pull
– Non, j’ai pas froid
– Tu dois mettre ton pull!
– Mais j’ai pas froid, je te dis!
– Tu ne sens pas que tu as froid, mais tu as froid, passe-moi donc ton bras que je le mette, ce pull!

Dans ces cultures, j’ai l’impression que couvrir l’enfant a un effet symbolique important: L’adulte s’imagine peut-être pouvoir protéger l’enfant contre toute sorte de danger externe: Chauffeurs négligents, kidnappeurs, bombe nucléaire…

Le monde n’est plus ce qu’il est. Heureusement qu’il a son gilet!

Gulus G. Turkmen