Au jour le jour, je ne cherche pas à rendre le monde meilleur. “Juste” à encourager plus d’harmonie dans notre foyer.
Pour autant, je me rends compte que, ce faisant, je contribue à un monde meilleur.
Car, comme le disent Sura Hart et Victoria Kindle Hodson dans Parents respectueux, enfants respectueux :

Ainsi, en influençant sur la manière dont mes enfants perçoivent la notion de respect, j’ai une influence indirecte sur leurs relations avec les autres, et par ricochet, sur beaucoup, beaucoup de monde. C’est bien ce que l’on entend par la notion de “semer des graines.”

C’est enthousiasmant et inquiétant à la fois… Comment faire pour semer de “bonnes” graines ?

Pour cela, et bien que, focalisée sur les questions d’éducation et de relation aux enfants, ce ne soit pas ma première lecture, je pense qu’il n’y a rien de plus inspirant que les mots de Marshall Rosenberg dans Les mots sont des fenêtres :

“Lorsque nous avons à l’esprit des jugements qualifiant les autres de mauvais, cupides, irresponsables, menteurs, tricheurs, pollueurs, intéressés, ou leur reprochant de ne pas se conduire comme nous le voudrions, rares seront ceux qui s’intéresseront à nos besoins. Si nous avons l’âme écologiste et que nous abordons un patron d’usine en lui reprochant de détruire la planète et en affirmant qu’il n’a aucun droit de traiter la Terre comme il le fait, nous limitons sérieusement nos chances d’obtenir ce que nous voulons. Seul un être exceptionnel serait en mesure de rester centré sur nos besoins en nous entendant lui adresser de tels reproches. Il arrive bien entendu que, par ces jugements, nous parvenions à intimider les autres pour les contraindre à satisfaire nos besoins. S’ils éprouvent suffisamment de crainte, de culpabilité ou de honte pour modifier leur conduite, nous pouvons finir par penser qu’il est possible de « convertir » les autres en leur exposant leurs défauts. 

À terme, pourtant, nous comprenons que, à chaque fois que nos besoins sont satisfaits de cette manière, non seulement nous perdons, mais nous contribuons très concrètement à la violence sur Terre. Nous avons peut-être résolu notre problème à court terme, mais nous en avons aussi engendré un autre. Plus les gens entendent des critiques et des jugements, plus ils se mettent sur la défensive et deviennent agressifs, et moins ils se soucieront à l’avenir de nos besoins. Ainsi, même si notre besoin immédiat est satisfait, en ceci que les autres font ce que nous voulons, nous en payerons plus tard les conséquences.”

Tout est là. J’aurais d’ailleurs envie de ne rien rajouter, tant cet extrait me semble clair !

Mais comme toutes les lectures sont différentes – car à chaque regard posé, en fonction de nos expériences, de nos autres lectures, de ce que l’on vit à ce moment là – et évoluent, je voudrais creuser ce que j’y trouve, aujourd’hui.
Car cet extrait mérite, selon moi, pas moins de trois niveaux de lecture :

1- Par les reproches, nous “limitons sérieusement nos chances d’obtenir ce que nous voulons”

En effet, lorsque l’on adresse des reproches à quelqu’un, même justifiés, on le met immédiatement sur la défensive. Alors, il y a peu de chances qu’il ait envie de coopérer avec nous. D’abord, personne n’aime se sentir mal. Lorsque qu’une personne reçoit un reproche, elle peut avoir la force de caractère de se remettre en question, ou, plus souvent, parce qu’elle n’a pas envie de baisser dans sa propre estime, elle se protègera en justifiant son attitude. Ainsi, le reproche ne l’aidera pas à se remettre en question, mais plutôt à briser notre connexion avec elle.

Or, dans le rapport à l’autre, lorsque l’on cherche la coopération, la première étape est toujours la connexion. C’est ce point d’ailleurs que Jane Nelsen met en avant dans la discipline positive : “Connecter avant d’enseigner.”
Si nous ne prenons pas le temps de nous connecter aux autres, en et particulier à nos enfants, nous ne pouvons être surpris de ne pas les trouver désireux de collaborer.

Le problème, je le sais bien, c’est que tout comme “Seul un être exceptionnel serait en mesure de rester centré sur nos besoins en nous entendant lui adresser de tels reproches”, parfois je pense également que seul un être exceptionnel serait en mesure de ne pas adresser de tels reproches devant certaines situations !!
Et nous ne sommes pas exceptionnels, nous ne le serons sûrement jamais.

Pour autant, je suis persuadée que plus profondément nous serons convaincus que ce n’est pas dans le reproche et le jugement que nous trouverons la solution, plus il y aura d’occasions dans lesquelles nous les éviterons ! Pas à pas…

2- “Même si notre besoin est satisfait, […] nous en payerons plus tard les conséquences”

Voilà un autre point fondamental dans ce que nous dit Rosenberg.

Car, malgré les remarques précédentes, l’on ne peut nier que certaines méthodes pleines de reproches et de jugements fonctionnent !! Oui, elles fonctionnent dans le sens où elles nous permettent d’arriver à nos fins.. A court terme. C’est le cas de la punition par exemple. (lien)

Pourtant, et ce point-ci est fondamental, “nous en payerons plus tard les conséquences.”
Car, évidemment, là encore, la connexion étant brisée, nous n’aurons que fomenté des sentiments négatifs, qui ne nous aideront certainement pas à éviter que la situation se représente.

3- “A chaque fois que nos besoins sont satisfaits de cette manière, non seulement nous perdons, mais nous contribuons très concrètement à la violence sur Terre.”

Cette phrase contient sans doute toute la philosophie de la communication non violente : éviter de contribuer à la violence sur Terre.

Pour Rosenberg, lorsque nous adressons des reproches à l’autre, nous le rendons indirectement plus agressif, et cela se répercutera ailleurs.
Ainsi, nous aurons concrètement semé une graine d’agressivité !
Nous en revenons au début de cet article, et l’influence que notre comportement face à notre enfant aura sur des milliers d’autres…

Il ne s’agit pas ici de développer notre sentiment de culpabilité en pensant que nous pouvons éviter, toujours, tout reproche. Ce serait illusoire. Seulement de prendre conscience de ce mécanisme de ricochets. En fait, si la culpabilité montre le bout de son nez, c’est une bonne nouvelle : c’est que nous prenons enfin conscience de ce que nous sommes alors prêts à améliorer !

Et, partant de ce que nous sommes, et nous améliorant peu à peu, nous entrons enfin dans cette démarche à laquelle nous aspirons : rendre le monde meilleur !

Coralie
https://les6doigtsdelamain.com