Les éditions Actes Sud proposent depuis très peu de temps une nouvelle collection intitulée « Je passe à l’acte », en collaboration avec Kaizen, ce magazine qui cherche à « construire un autre monde….pas à pas ». Les quelques ouvrages disponibles pour le moment ont été conçus comme une déclinaison du film Demain. En effet, à la suite du film, de nombreuses volontés d’agir se sont manifestées et cela s’est accompagné d’une demande d’informations : comment faire ? Comment moi, en tant qu’individu, puis-je être acteur de ce changement ?

Un de ces petits ouvrages est consacré à la mise en place de la pédagogie Montessori à la maison pour les 0-3 ans. Cette pédagogie est souvent perçue comme difficile à mettre en place, notamment à cause du matériel très cher.  Elle a aussi une image qui reste très élitiste.

Ce sont ces idées reçues que Nathalie Petit, journaliste spécialisée dans la parentalité bienveillante, tente de renverser. Elle montre qu’au contraire, les parents peuvent utiliser un certain nombre d’astuces et s’approprier assez facilement cette méthode. L’ouvrage est aussi rendu particulièrement attrayant par les illustrations de Virginie Maillard, qui circulent beaucoup sur les réseaux sociaux, issus de son blog Bougribouillons.

Six chapitres structurent l’ouvrage et suivent un déroulement logique :

« Pourquoi » rappelle l’histoire de Maria Montessori et résume la théorie de sa pédagogie.

[Elle] n’a eu de cesse de mieux comprendre le processus de développement de l’enfant, afin de pouvoir le soutenir à chaque étape de son évolution.

[Sa pédagogie] repose sur trois piliers : la liberté de choisir, la possibilité pour l’enfant d’être autonome afin d’agir par lui-même, l’apprentissage par l’expérience

« S’entourer » présente dans les grandes lignes l’application de la pédagogie Montessori et a l’intérêt de se rapprocher d’autres domaines comme les neurosciences.

[Ces dernières] ont apporté un crédit scientifique aux fondamentaux de son approche : la capacité naturelle des enfants à apprendre, l’importance de la bienveillance, la possibilité de manipuler et de se mouvoir librement.

Cela m’a paru très intéressant que ces nouvelles découvertes faites par rapport au développement de l’enfant soient mises en relation avec les théories établies par Maria Montessori. L’organisation d’un espace « montessorien » est aussi illustré.

« S’équiper » explique concrètement de quelle manière les parents peuvent appliquer la méthode Montessori pour adapter le cadre de vie de l’enfant. La notion développée par Maria Montessori de « période sensible » est illustrée sur une frise chronologique. De la naissance à 3 ans, elles sont au nombre de 6.

Il ne s’agit pas d’abandonner l’enfant à lui-même pour qu’il fasse ce qu’il voudra, mais de lui préparer un milieu où il puisse agir librement.

L’autonomie est un point central de l’approche Montessori.

« Se lancer » reprend une à une les grandes périodes du développement de l’enfant en expliquant ce qui est en jeu. L’idée est d’accompagner l’enfant de 0 à 3 ans, en comprenant [ses] étapes du développement physique et psychique, avec des exemples de matériel à fabriquer soi-même. Différents thèmes sont abordés : pleurs et « caprices » de l’enfant, motricité libre, besoin de routine,…

« Tenir bon » est la suite logique : comment tenir sur la durée ? Comment faire si ce que l’on propose à l’enfant est un échec ? Mettre en œuvre les principes Montessori n’est pas une science exacte : chaque enfant réagit à sa manière et il est donc nécessaire de s’adapter et d’observer. Nathalie Petit dit une chose qui paraît primordiale :

C’est votre enfant qui vous fait devenir parent!

Le dernier chapitre « et après » ouvre des perspectives : que faire pour aller plus loin ? L’auteur évoque de nombreuses possibilités : participer à des ateliers, s’investir dans des associations et continuer à cultiver l’esprit Montessorien.

Au final, on se rend bien compte en terminant l’ouvrage que la pédagogie Montessori, c’est bien plus que de simples théories à mettre en œuvre ou de matériels à acheter. Il s’agit plutôt d’un état d’esprit à adopter avec pour but de démontrer une idée simple.

Une attitude bienveillante envers l’enfant peut transformer positivement notre société.

Et c’est aussi le parent que cette attitude peut changer car il regarde ainsi d’une autre façon son enfant. De manière générale, dès que l’on commence à s’intéresser à tout ce qui touche à la parentalité bienveillante, cela contribue à s’interroger sur notre rôle de parent et à notre relation à l’enfant. Cet ouvrage peut donc amener des parents qui seraient, au départ, intéressés par la pédagogie Montessori à aller plus loin dans le domaine de la parentalité bienveillante.

J’ai trouvé ce petit ouvrage très agréable à lire et les illustrations apportent vraiment un plus. Elles rendent tous les éléments développés vraiment vivants. Retrouvez-le dans la bibliothèque volante des VI !

Pour compléter cette chronique, Nathalie Petit a accepté de répondre à quelques questions :

Comment est née l’envie de rédiger cet ouvrage et aussi de collaborer avec Virginie Maillard dont les illustrations sont très présentes sur les réseaux sociaux?

Nathalie Petit : « L’envie est née de contribuer à rendre accessible au plus grand nombre la pédagogie Montessori pour laquelle je me passionne et de la transposer dans le contexte actuel. Il y avait aussi cette volonté de rappeler qu’il s’agit avant tout d’une façon d’être avec l’enfant et de rompre avec l’image élitiste, « réservée aux riches » parfois estampillée sur Montessori.

J’ai effectivement proposé Virginie Maillard aux éditions Actes Sud qui n’ont pu qu’apprécier la qualité de ses illustrations. Virginie est à la fois elle-même très imprégnée de la pédagogie qu’elle met en œuvre au quotidien et désireuse de transmettre. Ses illustrations font partie intégrante du contenu. Elles apportent un espace de légèreté, d’humour et de fulgurance qui rend la lecture plus agréable et bien ancrée dans le réel. »

Votre ouvrage est paru dans la nouvelle collecte d’Actes Sud/Kaizen au nom évocateur de « je passe à l’acte » : pour vous, en quoi le fait que les parents soient invités à mettre en oeuvre la pédagogie Montessori participe au mouvement initié à la suite du film Demain?

N.P. « A la suite du film Demain, nombreux sont les spectateurs qui se sont demandés comment participer à ce vaste mouvement collectif pour créer une société plus humaine, plus durable, plus coopérative. L’éducation est venue comme l’un des premiers leviers pour accompagner de désir de changement et la pédagogie Montessori en particulier. On a peut-être un peu oublié que l’un des buts poursuivis par Maria Montessori dans son approche pédagogique était de construire la paix au-delà d’épanouir les enfants. Construire la paix en déracinant les causes de la violence, en mettant fin à la domination de l’adulte sur l’enfant. Il me semble que changer sa manière d’interagir avec ses enfants est un passage à l’acte fort pour transformer durablement les rapports humains. »

La pédagogie Montessori, même si elle est reconnue, est toujours sujette aux polémiques en tous genres. A quoi est-ce dû selon vous?

N.P. « Cette question est complexe. La méthode Montessori a largement fait ses preuves mais je pense qu’il y a pas mal d’incompréhensions qui peuvent être source de polémiques. Elle est parfois perçue comme laxiste ou encore élitiste. Et certainement, d’autres facteurs interviennent. D’un côté on ne veut plus d’un système compétitif qui juge et stresse les enfants, culpabilise les parents et d’un autre, on n’est peut-être pas encore prêt à changer de paradigme et abandonner cette idée que les enfants doivent souffrir pour grandir. Dans cet entre deux, il est normal que Montessori cristallise quelques résistances parce que cette pédagogie incarne une certaine liberté, autonomie, joie d’apprendre. Enfin, certains lui reprochent de s’approprier des évidences. Le fait d’identifier les besoins de l’enfant, d’être bienveillant, d’encourager l’autonomie de l’enfant n’appartient pas à la méthode Montessori mais cette approche offre réellement des clés concrètes pour mieux y répondre. Elle demeure inspirante pour un grand nombre d’entre nous. »

On retrouve dans l’ouvrage de nombreuses idées liées à l’éducation positive, qui ont pu être développées par ailleurs par Faber et Mazlish, Thomas Gordon, Catherine Gueguen, Isabelle Filliozat ou d’autres : est- ce que vous diriez que Maria Montessori avait déjà théorisé une grande partie de ces idées ou est-ce que ses réflexions ont servi de base pour développer vraiment à part des théories concernant l’éducation bienveillante?

N.P. « Vous avez tout à fait raison et je pense qu’il y a probablement les deux. Oui, Maria Montessori a été extrêmement avant-gardiste et avait pointé du doigt les grands principes de l’éducation bienveillante : le respect de la personne qu’est l’enfant, de ses besoins, de son rythme d’apprentissage, l’importance de favoriser son autonomie et sa confiance, de lui permettre d’apprendre par lui-même. Le fait que les neurosciences cognitives et sociales aient apporté la preuve formelle que ses observations et préconisations étaient justes permet aujourd’hui de les préciser et de les traduire dans la vie contemporaine. Mais prenons un exemple. Dès son temps Maria Montessori alertait déjà sur la mauvaise interprétation que nous avions, nous, adultes, du caprice de l’enfant, bien plus révélateur d’un besoin insatisfait qu’il nous appartient de décrypter. Pour pouvoir y répondre. L’éducation bienveillante poursuit et complète ces apports. »

Dans quel esprit avez-vous conçu cet ouvrage et à qui s’adresse-t-il particulièrement? Sert-il d’introduction à la pédagogie Montessori auprès de parents ne connaissant pas du tout ces théories, et qui ensuite auront besoin d’ouvrages plus détaillés sur le sujet?

N.P. « Cet ouvrage s’adresse à tous, parents convaincus, avertis, hésitants ou sceptiques. Il peut conforter les convaincus dans leur démarche et leur donner des forces pour poursuivre. Il peut aider les néophytes à se lancer comme il peut aider les grands-parents, les éducateurs à présenter la méthode auprès de ceux qui ne la connaissent pas encore. Je ne dirais pas qu’il sert d’introduction. On doit pouvoir se lancer avec cet ouvrage sans attendre de devenir un spécialiste. Pour autant s’il suscite l’envie d’approfondir et de se former davantage alors je pense qu’il n’y a qu’à s’en réjouir. »

Quel message concis avez-vous envie de faire passer aux parents pour leur donner justement  envie de se lancer dans l’aventure Montessori?

N.P. « Se lancer dans l’aventure Montessori, c’est découvrir des clés de compréhension de son enfant, c’est comprendre les lois du développement de l’enfant. Et agir sur soi-même et sur son environnement pour mieux l’accompagner dans son épanouissement. En tant que parent, on sent bien que la méthode punition/récompense ne marche pas mais on manque parfois de soutien, de conseils et de propositions concrètes pour faire autrement. S’engager sur la voie Montessori est avant tout une expérience à vivre, avec ses erreurs et ses remises en question. En se focalisant sur la relation parent/enfant, elle se focalise en réalité sur le seul levier sur lequel nous avons un pouvoir d’action. Elle nous redonne donc bien plus un pouvoir d’être qu’un pouvoir sur. »

Dimacha