Je n’aime pas laisser pleurer mes enfants. Je ne crois pas que ce soit nécessaire ni utile. Je ne pense pas que ça leur apprenne quoi que ce soit.

C’est pourtant une méthode traditionnellement reconnue comme « efficace ».

Alors, je l’ai parfois fait. Sans conviction. Par épuisement ou par lassitude. Pour voir… Et ça n’a pas marché ! Tiraillée entre mes doutes et mon manque de sommeil, je me suis donc précipitée sur ce livre lorsqu’il a été proposé à la bibliothèque des Vendredis Intellos

Comme le suggère son titre « Dormir sans larmes », il s’agit en substance d’un ouvrage complet et argumenté qui défend une approche naturaliste et non interventionniste.

Voilà exactement l’idée du présent ouvrage : le sommeil est un processus évolutif, autrement dit les enfants dormiront un jour comme des adultes, et le rythme d’acquisition de ce sommeil est différent pour chacun.

Il est très agréable dans sa forme : à la façon d’un manuel, il présente des résumés de chaque paragraphe, synthétiseles questions à se poser et propose un petit guide « à l’usage des parents désespérés » à la fin. Il est facile de s’y orienter pour chercher une information spécifique ou y revenir en cas de besoin.

Le style est très facile et ne manque pas d’humour. La traduction laisse toutefois quelques phrases bancales. Il ne faut aussi pas oublier que l’auteur est espagnole et que certains aspects culturels ne collent pas tout à fait à notre mode de vie (ce qui va dans le sens de son propos : la perception du bon / mauvais sommeil est aussi une affaire de contexte socio-culturel !)

S’informer

Comme la plupart des livres sur le sommeil, la première partie s’attache à présenter le fonctionnement du sommeil, démontrer son utilité et expliquer son évolution. L’auteure détaille mois après mois comment se structure le sommeil et explique les comportements de l’enfant en fonction de ces changements.

Avant toutes choses, il ne faut jamais perdre de vue que les enfants savent dormir, dès la naissance et sans aucune forme d’apprentissage.

« Dormir », « être dans les bras de Morphée », appelez cela comme vous voulez, c’est quand même quelque chose de très particulier. C’est un besoin fondamental, comme de manger, boire ou respirer. Et c’est pourquoi la nature, avant même notre naissance, fait ce qu’il faut pour que nous soyons déjà capables de tout cela au moment où nous venons au monde.

Mes enfants n’ont pas fait leur nuit à la sortie de la maternité, loin de là. Remettre leur comportement dans un contexte plus général de maturation progressive de la fonction sommeil permet de prendre du recul et de dédramatiser la situation…

Comme un enfant saura marcher, il saura dormir ses nuits complètes sans réveiller toute la maisonnée…

Evaluer

Dans un second temps, le Dr Jové identifie toutes les situations à problèmes pour mieux souligner ce qui est « normal » et ne devrait donner lieu à aucune inquiétude parentale (malgré les prophéties de l’entourage voire des pédiatres).

J’y ai lu des explications que je n’avais vue nulle part ailleurs. Par exemple, elle explique que les terreurs nocturnes de début de nuit sont dues à une immersion trop intense dans le sommeil profond lorsque l’enfant est fatigué. Et pour ma part, j’ai effectivement constaté que MiniJoie fait ce genre de « crise » quand elle manque de sommeil, refuse de faire la sieste ou se couche trop tard depuis quelques jours.

Il suffira de veiller à ce qu’il aille se coucher plus détendu et moins fatigué – par exemple, en lui faisant faire une sieste plus tardive que d’habitude. Si nous faisons en sorte que notre enfant n’ait plus besoin d’allonger son temps de sommeil profond, nous aurons certainement amélioré la situation.

On a pu observer, chez les enfants dont on a précocement ou brutalement supprimé les siestes, une recrudescence des parasomnies liées aux phases de sommeil profond.

J’ai aussi été rassurée sur le manque de sommeil. Mes enfants ne sont pas de gros dormeurs et le compte de leurs heures de sommeil rapportés au préconisations me cause de nombreuses inquiétudes.

En règle générale, il ne faut pas croire aveuglément les tableaux statistiques, mieux vaut s’y référer qu’à titre indicatif. Et pour savoir si votre enfant dort comme il faut, ne regardez pas les tableaux : regardez-le, lui.

[…] Si l’on voit qu’au long de la journée le petit se comporte normalement, qu’il est plus ou moins joyeux, plus ou moins agité, selon son tempérament, cela veut dire qu’il dort autant qu’il lui est nécessaire pour se reposer et que le nombre d’heures où il a dormi n’a pas à être le même que pour le fils de la voisine.

Le Dr Jové explique donc que la nature du sommeil, à l’intérieur des cycles, permet de réguler aussi le besoin de sommeil, ce n’est donc pas seulement le nombre d’heures de sommeil qui permet d’indiquer si un enfant dort suffisamment.

Il faut faire confiance à la capacité de nos enfants à réguler leur besoin de sommeil même si leur comportement n’est pas identique à un modèle théorique rêvé… Cela parait simple, écrit comme ça, mais il est rassurant de le lire dans un ouvrage spécialisé.

Au final, l’auteur démontre que les « problèmes  » de sommeil pour un enfant qui n’a pas de pathologie avérée ne sont que des artefacts de notre volonté à les voir grandir !

Les interprétations culturelles, les cycles de 24 heures, les multiples biais de la statistique, les injonctions normatives,  les contraintes horaires de la vie en société, etc. nous conduisent parfois à trouver un problème où il n’y en a pas et à chercher des solutions à une situation qui n’a rien d’anormal.

Si on se penche sur les statistiques, on verra vite que les difficultés d’endormissement et les les réveils fréquents sont la règle jusqu’à l’âge de 3 ans, et au-delà. Eh oui : si tant de livres paraissent chaque année sur ce thème, c’est sans doute qu’ils intéressent plus d’une personne ! En fait, la majorité des parents pensent que le sommeil de leur enfant pose problème : s’ils avaient raison, nous aurions affaire à la pire épidémie de ces dernières années.

Intervenir

Finalement, elle présente son approche et les facteurs qui selon elle, permettent d’aider les enfants dans leur progression vers un sommeil mature.

Dans ce livre, la démonstration de l’inutilité du « laisser pleurer » est percutante voire même un peu lourde : elle parle de « dressage » et de « traumatisme », avec des séquelles à long terme. Je pense aux parents qui l’ont fait, non par conviction mais plutôt par désespoir et sous influence et je me dis que le propos est un peu accusateur… Tellement d’ailleurs que je culpabilise fort des fois où je l’ai fait… Mais je culpabilise tout le temps, pour ça ou pour autre chose !

Elle explique fort bien que ces méthodes, qu’elles soient théorisées sous la forme d’un tableau ou qu’elles soient brutalement assénées comme une nécessité impérieuse au repos familial, sont purement et simplement de la torture.

Tout un flux chimique et hormonal, envahit brutalement le cerveau, visant directement l’amygdale, qui en est submergée. Les enfants qu’on laisse pleurer tout seuls,sans accourir à leur côté, peuvent pleurer ainsi, indéfiniment, jusqu’à ce que l’amygdale lâche prise. Heureusement, la nature dans sa sagesse sait que le corps ne peut pas tenir longtemps dans ce genre de situation et elle a prévu une compensation, sous la forme de substances opiacées – endorphines, sérotonine,… – qui vont atténuer le déploiement de tout ce système d’alarme. Les psychologues qui comme moi se consacrent aux victimes de catastrophes savent bien par expérience que, quand un sujet présente une activation conséquente après un choc, il faut du temps pour les premiers effets retombent.

L’auteur conseille donc d’être à l’écoute des besoins de son bébé et de lui apporter ce qu’il réclame : patience, chaleur, attention, disponibilité… à travers en particulier le cododo et l’allaitement maternel ainsi que le respect de l’horloge biologique de l’enfant.

D’ailleurs, dans la pratique, les parents sont nombreux à comprendre très rapidement qu’une des meilleures  manières d’endormir leur bébé est de faire eux-mêmes semblant de dormir. Dès que le père ou la mère imite la respiration du dormeur, le bébé se détend et s’endort.

En revanche, l’approche naturaliste est un peu extrémiste à mon goût. Je la crois globalement bonne mais elle touche à certaines de mes limites alors je n’arrive pas à la faire totalement mienne… de ce fait, je culpabilise encore !!

Pour exemple, je voudrais faire davantage de cododo avec Bout2Joie qui a besoin de beaucoup de contact : dans l’idée, il dormirait et nous aussi. Tout le monde y gagnerait.

Oui mais voilà : dans nos bras, il utilise nos cheveux comme « doudou », tire dessus et s’enroule les doigts dedans, tirant encore plus fort pour se calmer. Il fait ça dès qu’il est dans nos bras, pas seulement pour s’endormir mais également dans son sommeil… C’est douloureux pour le détenteur de la chevelure et ça m’empêche de dormir. J’ai beau le lui expliquer, on sent qu’il se retient mais le sommeil venant, il ne peut s’en empêcher. Par conséquent, on ne fait plus de cododo depuis ses 8-9 mois.

Cette solution me parait bonne mais elle ne fonctionne pas chez nous et je n’ai pas trouvé d’autres suggestions dans cet ouvrage.

J’ai aussi regretté qu’elle ne donne pas son analyse sur l’alimentation nocturne hors allaitement puisque j’ai sevré mes enfants autour de 14 mois et que la question du biberon de lait, s’est posée alors et se pose encore : Bout2Joie – presque 2 ans – nous réveille encore une à deux fois par nuit, peine à se rendormir et sonne le clairon autour de 6 heures du matin ! (J’ai laissé d’autres détails de notre situation sur mon blog : ici, si ça éveille votre curiosité ;)

En ce qui nous concerne, nous donnons généralement un biberon à Bout2Joie lorsqu’il se réveille. Je ne sais pas si c’est une bonne chose ou s’il vaut mieux l’éviter. Je sais seulement qu’il se rendort plus vite et nous aussi… Suivant le point de vue naturaliste de l’auteure, j’ai tendance à penser que le biberon ne se substitue aucunement à une tétée, ni à un câlin. J’ai imaginé qu’elle devait être contre mais ses arguments m’intéresseraient.

Un ouvrage bienveillant

Pour conclure, j’ai trouvé ce livre-là rassurant. Il dit que le sommeil de l’enfant ne s’organise pas avant 5 ou 6 ans mais qu’il s’organise forcément et sans intervention spécifique, par le seul bénéfice de la réponse aux besoins naturels de l’enfant. Il n’y a pas de miracle mais le temps joue pour nous.

C’est vers l’âge de 5 ou 6 ans seulement que nous accédons à un sommeil proche de celui de l’adulte, à savoir une seule période, nocturne, sans siestes, et d’une durée de huit à dix heures environ.

Les enfants comme les adultes connaissent des réveils nocturnes, la seule différence étant que ces derniers maîtrisent la technique du retour au sommeil. Nos enfants ne savent pas encore comment se rendormir seuls mais y parviendront un jour.

Le sommeil du bébé ne prédit en rien ce que sera son sommeil d’adulte.

Voilà, c’est tout.

Il suffit de patience et d’amour et l’enfant dormira.

Le sommeil est un processus évolutif. Tout enfant bien portant, même s’il connait des réveils fréquents, ou des difficultés au moment du coucher, apprendra un jour ou l’autre à dormir comme il faut.

D’une manière générale, si nous avons une idée de la façon dont le sommeil de l’enfant évolue, et si nous agissons en conséquence, nous faciliterons le déroulement de ce processus, ce qui permettra d’éviter bien des problèmes futurs.

Dans ce contexte, l’important est alors sûrement de changer sa perception du sommeil de nos enfants, de prendre du recul voire de retourner le constat en notre faveur. Je l’ai d’ailleurs déjà expérimenté : se lever en disant « il s’est encore réveillé ! » met forcément de moins bonne humeur que « il ne s’est réveillé qu’une fois ! ».

Ça a l’air simple, c’est très compliqué. Mais ça marche.

Euphrosyne

dormir_sans_larmesTitre : Dormir sans larmes
Auteur : Rosa Jové
Pages : 270
Prix : 19,90 €
Format : 145×220 mm
Parution : 19 avr 2017
ISBN 9782352046103
Code Diffuseur 4638196