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« Les filles voilées parlent » d’Ismahane Chouder, Malika Latrèche et Pierre Tevanian

Voici un livre de témoignages d’adolescentes, de femmes, de mères, de citoyennes, de travailleuses, de militantes, vivant en France et relatant leur ressentis lié au fait qu’elle porte le voile islamique.

Pour ma part, la question de liberté de la femme et du port du voile (ou plus précisément la partie « femme voilée ET libre ») me semblait incompatible bien que je ne pus vraiment me l’expliquer. Puis cette question est revenue à mon esprit récemment et la magnifique conférence gesticulée de Pablo Seban lors des rencontres des VI est venue éclairer ma réflexion qui je l’avoue avait du mal à se détacher des idées reçues. Et livre est venu enrichir ces réflexions.

Le livre n’est pas une étude sociologique mais a pour objectif de donner la parole aux principales concernées par la loi sur le voile à l’école de Mars 2003 et pourtant peu présentes lors des débats médiatisés. Il est sorti en 2008 mais il me semble qu’il est plus que jamais d’actualité dans un contexte où islam et terrorisme s’amalgament. De plus, depuis que j’ai commencé le livre et l’article, pas une semaine ne passe sans que le voile ne soit mis en cause dans les grands titres.

Le livre est partagé en 5 chapitres correspondant à des rôles de femmes : lycéenne, mère, étudiante, travailleuse et militante. Une série de notes accompagne les témoignages et aide à la remise dans le contexte.

Dans ce livre, ces filles et femmes mettent en avant (et en cause) les idées reçues et donne leur interprétation de la société dans laquelle elles vivent. J’ai mis certains passages qui m’ont marqués souvent parce qu’ils illustrent un propos qui se répète en essayant de balayer les thèmes abordés. J’en commente certain mais pas tous.

 » Quant au discours prétendument féministe sur « le voile, symbole d’oppression contre les femmes », c’est une insulte à toutes les femmes qui le portent par choix personnel. » p 232 et « le voile peut être une oppression quand on contraint la fille à le mettre. Ce n’est donc pas le voile qui est l’oppression, c’est la contrainte.  » p 289.

Tous les témoignages vont dans ce sens là, ces filles ont choisi de porter le voile, et ne le porte sous aucune pression.

« Notre accord [ndlr dans le « collectif des féministes pour l’égalité »] ne s’est pas fait autour du voile, pour ou contre le voile, mais autour de la question de la liberté de choix pour les femmes. […] Alors qu’on peut parfaitement défendre ces deux droits [ndlr le droit de porter le voile et le droit de ne pas le porter ] en même temps, en défendant le principe fondamental de la liberté de choix. Ce qui fonde la liberté, c’est l’existence d’une conscience autonome qui fait ses choix selon ses propres convictions, et non pas la forme que revêt ensuite ce choix chez tel ou tel individu dans telle ou telle société. ». p 291.

Il y a là pour moi une magnifique définition du féminisme !

« J’aimerais au minimum aller jusqu’à « bac plus trois », pour qu’on ne dise pas que la femme musulmane n’est pas instruite et qu’elle ne sait que rester à la maison et faire le ménage. Nous avons un cerveau comme tout le monde. Je veux le prouver à tous ceux qui ont le cliché de la femme voilée avec sa dizaine d’enfants à la maison. Ce cliché est dépassé : aujourd’hui, nous sommes capables de décrocher des doctorat comme n’importe qui d’autre ! Mais on nous met sans arrêt des bâtons dans les roues .» p 103.

« Une femme m’a interpellée un jour en me disant : « Retourne dans ton pays ! ».  p 146.

Cette remarque à l’encontre des femmes voilées revient régulièrement dans les témoignages alors qu’une grande partie de ces filles et femmes sont françaises et souvent nées en France. Il serait temps d’accepter cette mixité dans le paysage culturel national.

« On me disait des phrases du genre « Tu es ma musulmane préférée ! » Qu’est ce que ça veut dire ? Que moi, j’avais apporté la preuve que je n’étais ni manipulée, ni aliénée, mais qu’ils gardaient ces fantasmes pour toutes les autres voilées ? » p 281.

« Depuis le 11 Septembre, la tension s’est radicalisée, et on la sent dans la rue, dans les regards : avant, c’était de la pitié ; aujourd’hui, de plus en plus, c’est de la haine. » p 285.

« Le rôle des médias est déterminant : pour moi, c’est lui qui explique le consensus si large qu’il y a eu sur la loi. Car les médias sont des faiseurs d’opinion : ils n’ont relayé qu’une seule position, sans donner la parole aux principales concernées, ni plus largement aux personnes susceptibles de donner un point de vue autre que « Non au voile, symbole d’oppression ». » p 294

Pour ma part, je trouve ce livre nécessaire, notamment pour les gens comme moi qui n’ont pas ou peu de relations avec des personnes pratiquantes et/ou musulmane. Pour ma part, bien que profondément athée je ne comprends pas le port du voile ou tout autre pratique au nom d’un Dieu, cependant, je le respecte, et sûrement avec davantage de facilité après avoir lu ce livre. Les propos de ce livre ne sont pas généralisables mais il est bon (il me semble) de savoir que ces points de vue et surtout ces ressentis existent. En effet, il y a malheureusement beaucoup de témoignage de faits irrespectueux et injustes qui doivent être dénoncés. De plus, ce livre met en avant une conséquence contre-productive à l’objectif de cette loi, l’isolement des filles portant le voile et un certain repli communautaire, que se soit sous la pression de leur pairs ou de par leur volonté de garder le voile.

Enfin, en lisant ce livre, je me suis souvent arrêtée pour réfléchir à certaines notions dans leur sens plus philosophique, notamment concernant la laicite, le féminisme, la liberté,… . Ces notions ont été au coeur des arguments de la réforme de 2003 mais je ne me rappelle pas qu’on y est fouillé plus loin que les lieux communs. Reste à savoir (et c’est à notre société de le définir) si les signes religieux doivent êtres présents (acceptés) ou non dans la sphère publique. Et à ce compte là (et toujours à mon avis), l’appliquer pour l’ensemble des signes religieux, vêtements de religieux catholiques, boudhistes, juifs,… ! Puissent on vivre un jour tous en paix???