Je viens de lire un ouvrage extraordinaire ;  j’en ai fait une présentation assez générale sur mon blog Le Monde et Nous (lien ICI) mais j’avais envie de détailler ici un point plus précis qui m’a particulièrement marquée. Il s’agit du livre « Sapiens – Une brève histoire de l’humanité » de Yuval Noah HARARI, docteur en Histoire médiévale, diplômé de l’Université d’Oxford, sorti en France aux éditions Albin Michel en septembre 2015.

L’auteur nous décrit ici notre espèce, l’Homo Sapiens, dans toute sa splendeur depuis son apparition sur terre parmi d’autres espèces d’hominidés (qu’il a fini par évincer), jusqu’à ses préoccupations actuelles et futures. Cette présentation est faite sous l’angle « conquête du Monde » : comment les Sapiens se sont-ils imposés ? Comment se sont-ils organisés ? Comment ont-ils dominé le Monde et toutes les espèces qui s’y trouve jusqu’à les exploiter et les mettre en danger ? Comment finissent-ils par devenir des dieux créateurs ? Est-ce que les progrès depuis les premiers pas de l’Humanité ont-ils vraiment généré le bonheur des Sapiens que nous sommes ?

Bref, l’un des nombreux sujets développés par l’auteur, concerne la division de la société en hommes et femmes et notamment le statut particulièrement dominant des hommes, partout dans le Monde, et à toutes les époques (à de rares exceptions près).

« Inné » vs « acquis » ou « naturel » vs « contre nature »
L’ auteur s’interroge sur cette universalité et rejette l’origine biologique : le fait que seules les femmes puissent enfanter ne peut expliquer à lui seul, la différence de traitement. C’est pourtant ainsi que certains tentent de se justifier à travers des mythes opposant  « naturel » à « contre-nature ». Pendant fort longtemps dans la plupart des sociétés humaines (ndlr et encore actuellement chez certains esprits « dominants »), la femme a la fonction naturelle de mettre au monde, ce qui l’empêcherait donc d’avoir d’autres fonctions. De nombreux autres exemples tout aussi grotesques sont exposés.

« Mettre les enfants au monde a toujours été le travail des femmes, parce que les hommes n’ont pas de matrice. Autour de ce noyau universel, pourtant, chaque société accumula couche sur couche des idées et des normes culturelles qui n’ont pas grand-chose à voir avec la biologie ».

« Avoir une matrice rend-il biologiquement inaptes à /certaines/ professions ? »

Bref, les rôles, statuts, droits et devoirs sont dictés par des mythes… et le mythe le plus marquant est que l’homme a plus de valeur. Alors pourquoi ? et pourquoi ce même schéma dans quasiment toutes les sociétés, de tous temps, développées indépendamment les unes des autres ? L’auteur creuse alors les différences biologiques (autre que la « matrice ») pouvant expliquer la suprématie masculine dans de si nombreuses cultures.

Les théories avancées
La force physique pourrait-elle justifier le fait que les tâches les plus rudes aient été réservées aux hommes ? Dans les anciennes cités où les travaux des champs impliquant labour, récolte assigneraient donc les hommes à des activités synonymes de production alimentaire ce qui assurerait une suprématie sociale.
Mais une démonstration parfaitement étayée balaie complètement cette théorie. En conclusion :

« On a peine à croire que la hiérarchie sociale la plus importante et la plus stable de l’histoire se fonde sur la capacité des hommes de contraindre physiquement les femmes « 

L’agressivité et la violence plus accrue chez les hommes est une autre théorie classiquement évoquée. Les hommes « dégainent », en moyenne, plus vite en cas de problème (confirmé par plusieurs études scientifiques, testostérone and co.), ce qui confère des avantages certains dans les rangs des armées, en cas de conflit… Mais justement pour l’historien, cet argument ne tient pas la route quand, pour gagner et mettre fin à un conflit, il s’agit via des postes de responsables, d’organiser, de manÅ“uvrer, d’anticiper où justement, des qualités qui tiennent plus d’une attitude « posée » plus souvent attribuée aux femmes. Or l’histoire nous montre vraiment trop peu d’exemples de ce cas de figure : les femmes ne sont quasiment jamais à des postes clés.

guerre

Alors quoi ?
La théorie de la psychologie évolutionniste pourrait peut-être bien bénéficier de plus de soutien. Bien qu’aucune étude ne soit citée pour donner du poids à cette théorie (je ne suis pas sûre qu’il y en ait), les hypothèses évoquées ne sont pas dénuées de sens.
Au fil du temps, l’évolution aurait sélectionné les hommes remplis d’ambition parce qu’il s’agit d’une de leur stratégie de survie :

« Alors que les hommes se disputaient l’occasion d’engrosser les femmes fécondes, les chances de reproduction d’un individu dépendaient avant tout de sa capacité de l’emporter sur les autres hommes. »

Quant aux femmes, ce sont celles qui sont de nature plus soumise, afin de garder auprès d’elle un compagnon susceptible de leur apporter de l’aide pour prendre soin des enfants pendant plusieurs années, qui parviennent le mieux à transmettre leur gène à la génération suivante.
Oui mais des contre-exemples existent telles que les sociétés matriarcales chez les bonobos ou les éléphants. Bref, certaines questions restent encore à être élucidées. Je trouve important que certains s’y penchent.

Enfin l’auteur termine sur ce thème, en évoquant l’évolution des mentalités tout récemment observée : égalité de droit, égalité d’accès au pouvoir… C’est vrai même s’il reste du chemin à parcourir. J’ai eu l’occasion de participer l’été dernier à une action menée par la Marche mondiale des Femmes : violence et de nombreuses formes d’inégalités et de discriminations sont encore trop souvent vécues par les femmes.

Bref, gros coup de cÅ“ur pour ce livre… Les développements sur les questions de l’impact écologique du Sapiens, la souffrance imposée aux animaux, la question du bonheur m’ont aussi particulièrement touchée.

Pascale72