Soutenir les femmes devenant mères qui font le choix d’allaiter est un combat féministe. Les femmes se sont battues pour reprendre la liberté de faire ce qu’elles veulent de leur corps. Elles se sont battues pour avoir la liberté de ne pas enfanter si elles ne le voulaient pas. Elles se sont battues pour la liberté d’accès à la contraception. Elles ont gagné le Choix.

Le choix de ne pas devenir mère. Le choix de devenir mère. Le choix d’être Femme puis Mère. Le choix d’être Femme ET Mère.

Elles se battent pour faire respecter leur droit à l’humanité pendant l’accouchement. C’est une nouveauté. Droit d’être respectées comme êtres humains libres de choisir ce qui est bon pour elles. Droit d’être informées correctement pour faire des choix libres et éclairés en ce qui concerne leur santé et celle de leur enfant à naître ou nouveau-né.

(article L1111- du Code de la Santé Publique – CSP : « Toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu’il lui fournit, les décisions concernant sa santé.[…] Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment. »).

Dans cette continuité, chaque femme devenant mère qui veut allaiter a le droit d’être soutenue correctement par l’entourage médical et familial pour réussir cette partie de sa vie de femme.

(article “Child feeding and human rights” – “alimentation infantile et droits humains” – de George Kent dans  l’International Breastfeeding Journal 2006, 1:27  doi:10.1186/1746-4358-1-27 http://www.internationalbreastfeedingjournal.com/content/1/1/27 :  « Thus, children should be viewed as having the right to be breastfed, not in the sense that the mother is obligated to breastfeed the child, but in the sense that no one may interfere with the mother’s right to breastfeed the child. Breastfeeding should be viewed as the right of the mother and child together.” – Ainsi, les enfants devraient être considérés comme ayant le droit d’être allaités, pas dans le sens où la mère est obligée d’allaiter l’enfant, mais dans le sens où personne ne peut interférer avec le droit de la mère à allaiter l’enfant. L’allaitement doit être considéré comme le droit de la mère et de l’enfant ensemble.»).

Elle a le droit d’être soutenue dans l’allaitement maternel de son enfant quel que soit le mode d’accouchement qu’elle aura vécu, quel que soit le lieu de naissance, quelles que soient ses croyances et connaissances sur le sujet, quel que soit son lieu de vie, quels que soient son projet de vie, son projet d’allaitement ou l’absence de projet particulier en la matière, qu’elle prévoie de retravailler à n’importe quelle échéance ou qu’elle choisisse de prendre du temps pour élever son enfant sans travail extérieur.

(Article 7 du code de déontologie des médecins (article R.4127-7 du CSP) : « Le médecin doit écouter, examiner, conseiller ou soigner avec la même conscience toutes les personnes quels que soient leur origine, leurs mœurs et leur situation de famille, leur appartenance ou leur non-appartenance à une ethnie, une nation ou une religion déterminée, leur handicap ou leur état de santé, leur réputation ou les sentiments qu’il peut éprouver à leur égard. Il doit leur apporter son concours en toutes circonstances. Il ne doit jamais se départir d’une attitude correcte et attentive envers la personne examinée. »).

C’est un droit. Ou plutôt ça devrait l’être.

Dans la réalité les femmes en France sont bien mal accompagnées pour allaiter. On leur parle de choix, on ne leur dit pas comment. On dit que c’est “mieux”, on ne soutient pas l’expérience. Beaucoup arrêtent. Tôt. (http://www.invs.sante.fr/beh/2015/29/2015_29_1.html). Sans l’avoir voulu, sans l’avoir choisi. Pas si tôt. Pas comme ça. Pas dans ces conditions-là. Elles finissent par se faire à l’idée, par se convaincre qu’elles ont “fait ce qu’elles ont pu”. On les bassine avec l’idée commerciale que “ce n’est pas grave”, que “le biberon c’est bien aussi”, que comme ça elles sont “plus libres”.

Plus libres? Où est la liberté là-dedans? Dépendre des industriels fabriquant les préparations pour nourrissons? Dépendre du médecin qui en prescrit l’usage? Dépendre de la qualité et disponibilité de l’eau? Dépendre des industriels et de leurs choix de constituants utilisés pour fabriquer les biberons?

Ce n’était pas leur choix! Pas leur envie! Pas leur décision! Elles avaient choisi d’allaiter ça oui! Elles avaient choisi d’être autonomes! Elles n’ont pas été soutenues, pas ou mal accompagnées. Elles ont entendu autant de versions de “comment bien faire” que de personnes qu’elles ont rencontrées depuis la naissance de leur bébé. Et même avant.

Et elles culpabilisent. Elles se croient coupables. Coupables d’une faute partagée par beaucoup des femmes devenues mères de leur entourage.
Elles “n’ont pas réussi” à allaiter. Alors qu’elles n’y sont pour rien! Elles ont effectivement fait du mieux qu’elles pouvaient dans les conditions qu’elles ont eues mais souvent elles en souffrent. Et elles taisent leur souffrance.
Même 30 ans après leur expérience de jeune maman, des femmes ont pleuré devant moi en évoquant le non-allaitement de leur enfant. La violence verbale et parfois physique qu’elles avaient reçues lorsque le personnel médical à l’époque leur avait soutenu que leur lait n’était pas bon. Ou pas en quantité suffisante. Voire que leur bébé n’était “pas allaitable”…

Et ça s’entend encore. En 2015 . Dans un pays “civilisé” comme le nôtre. Dans lequel on peut avoir accès à l’information scientifique et médicale à jour. Dans lequel les professionnels de santé doivent accéder à l’information scientifique et médicale à jour.

(Code de déontologie médicale Article 11 (article R.4127-11 du CSP) « Tout médecin entretient et perfectionne ses connaissances dans le respect de son obligation de développement professionnel continu. »).

L’allaitement maternel est naturel, ça n’est pas pour ça qu’il est “inné”, qu’il est forcément facile ni qu’il se vit seule. C’est un comportement. Une rencontre. Presque une danse. Avec un tempo. Un tempo différent selon les couples mère – bébé. Un corps à corps unique et singulier. Toujours différent. Des autres et du temps.

Elles devraient avoir pu être accompagnées correctement, comme c’est le cas dans d’autres pays européens. Les professionnels de santé de première ligne devraient avoir été suffisamment formés pour avoir pu correctement les accompagner. Mais les femmes devenues mères ayant arrêté trop tôt l’allaitement selon leurs goûts de départ n’y sont pour rien là…

Le respect des femmes pendant l’accouchement est une question féministe” comme le dit Marie-Hélène Lahaye dans son article du 8 octobre 2015 sur son blog “Marie accouche là”.

Dans la même ligne de pensée le respect des choix des femmes dans leur parentalité est aussi une question féministe.

Le soutien des femmes allaitantes est une question féministe. Une question de liberté de l’utilisation de son corps de femme dans l’expérience de maternité. Aussi longtemps qu’elles le veulent, à la manière dont elles le veulent, et avec ou sans travail extérieur car oui, comme l’affirme le thème de la semaine mondiale de l’allaitement maternel de cette année 2015 :

Allaiter et travailler c’est possible!

(et j’ajouterais: Allaiter et ne pas avoir d’activité professionnelle rémunérée aussi! ;-) )

Femme et mère