15.02.07 tag do not question authorityDepuis les évènements dramatiques de janvier 2015, j’entends souvent dire « il faut rétablir l’autorité » ou « nous allons former les profs à l’autorité. » Ces phrases m’ont rappelé un excellent livre de Thomas Gordon, intitulé « Eduquer sans punir ». Voici en effet ce que Gordon qu’il écrit à la 1e page de ce livre :

Devant le problème de la violence dans les écoles, on souligne souvent la nécessité de renforcer la discipline ; on plaide en faveur d’une « autorité » accrue dans la façon dont enseignants et directeurs règlent les problèmes de comportement.

Si je suis d’accord sur le principe, ces propos m’inquiètent, je me pose des questions sur quelle autorité nous cherchons à rétablir. J’ai d’ailleurs écrit sur mon blog, dans le cadre de ma série « Je Suis Charlie« , une réflexion sur le type d’autorité que nous cherchons à rétablie intitulée « Rétablissons le respect et l’autorité » que vous pouvez lire ici.

Je me suis dit aussi qu’il serait intéressant de résumer dans un article pour les Vendredis Intellos les distinctions que Gordon voit dans 3 concepts-clé de l’éducation : la discipline, le respect et l’autorité.

Qu’est-ce que la discipline ?

La 1e distinction abordée dans ce livre concerne la discipline. Voici ce qu’en dit Thomas Gordon :

Distinguons 2 formes de discipline : l’une est imposée de l’extérieur, l’autre émane de l’intérieur de la personne. (…) On apprécie les enfants capables de faire preuve d’auto-discipline. (…)

Avec nos enfants, nous souhaitons qu’ils soient capables dès que possible de prendre eux-mêmes leurs propres décisions et qu’ils fassent les « bons » choix et qu’ils n’aient pas besoin de l’intervention d’une personne extérieure pour le faire. L’éducation vise donc généralement à ce que les enfants développent leurs capacités d’auto-discipline. Nous souhaitons qu’ils acquièrent les codes sociaux, les compétences intellectuelles, relationnelles et émotionnelles dont ils ont besoin pour vivre dans de bonnes conditions dans le monde qui est le leur.

Les méthodes éducatives que nous utilisons ont donc généralement pour but de faire comprendre à l’enfant quel comportement nous semble approprié dans telle ou telle circonstance.

Et c’est là que souvent, nous utilisons des méthodes « classiques » appartenant au système punition/récompense :

Or la plupart des parents et des enseignants croient que les enfants apprendront à se maitriser s’ils leur imposent une contrainte extérieure.

dit Gordon. Mais il ajoute :

Des observations quotidiennes nous révèlent que l’autodiscipline ne s’acquiert pas de cette façon. (…) Lorsque les adultes dominateurs ont le dos tourné, les jeunes se maitrisent habituellement très peu.

Ce dernier point a d’ailleurs été démontré par plusieurs études de psychologie à propos de la maitrise de soi – reportez-vous aux liens en fin d’article pour en lire quelques-unes. Il est à noter qu’un grand nombre de ces travaux sont issus de béhavioristes alors que le béhaviorisme est justement le courant de pensée sur lequel s’appuient les gens qui prônent plus de punitions …

Il y a donc là une distinction à faire, selon Gordon, entre « DISCIPLINER » et « AUTO DISCIPLINE ». Quand nous voulons discipliner un enfant, nous cherchons à lui imposer une discipline venue de l’extérieur. Quand nous voulons qu’il soit auto-discipliné, nous cherchons à lui apprendre ce qui lui est nécessaire pour le faire.

Simplement avec cette nuance, nous voyons que se dessinent 2 chemins :

  • discipliner / imposer
  • auto-discipline / apprendre

Mais allons plus loin …

Les multiples sens du mot autorité

Nous entendons souvent parler d’autorité comme d’une chose nécessaire pour éduquer les enfants (et nécessaire tout court). Le concept d’autorité semble être clairement défini … or, dans la réalité, il recouvre de multiples formes bien différentes. Comme souvent, nous croyons parler de la même chose alors que nous parlons de choses différentes.

Thomas Gordon en voit 4 mais je pense qu’on peut résumer ces 4 types à 2 approches principales : une autorité de pouvoir et une autorité d’influence.

L’autorité de pouvoir découle du pouvoir que détient une personne sur l’autre : pouvoir de maitriser, de forcer, de dominer, de forcer, de faire plier les autres et de les amener à agir contre leur gré.

Cette autorité est basée sur un rapport de force. Celui qui la détient doit être plus fort que celui sur qui son autorité s’exerce. Celui qui est soumis à l’autorité de pouvoir doit être dépendant de celui qui la détient. S’il n’y a pas dépendance, il n’y a pas de pouvoir sur l’autre et l’autorité disparait.

L’autorité d’influence est, elle, basée sur l’admiration et la reconnaissance de compétences portée à la personne à qui on reconnait ce type d’autorité. Les enfants mettent assez spontanément les parents et les enseignants dans ce type d’autorité. Voilà ce qu’en dit Gordon :

La plupart des gens, y compris les enfants, respectent ceux qui possèdent une compétence particulière. Ils apprennent à leur contact et sollicitent leurs conseils. Les enfants éprouvent un grand respect envers les personnes qui possèdent cette expérience.

Mais là aussi, c’est une autorité qu’on peut perdre en abusant de celle-ci pour prendre le pouvoir sur l’autre.

Il me semble donc qu’on arrive à quelque chose :

  • discipliner / imposer / pouvoir
  • auto-discipline / apprendre / influence

C’est là aussi qu’intervient la notion de respect. Gordon l’aborde assez peu dans son livre mais ce concept est traité en filigrane.

Et le respect dans tout ça ?

On voit à travers les 2 types d’autorité décrits plus haut que se dessinent aussi 2 types de « respect » :

  • un respect basé sur la crainte, la peur qui est lié à l’autorité de pouvoir

Ce respect conduit à obéir par peur des conséquences. L’inconvénient est que, si la peur disparait – ce qui arrive généralement quand l’enfant grandit – alors ce respect disparait avec elle. La perte de contrôle risque d’être importante avec ces enfants-là dès lors qu’ils ne seront plus ou très peu dépendants des adultes, souvent vers 10/12 ans environ.

  • un respect basé sur l’admiration, lié à l’autorité d’influence

Ce respect conduit à écouter et à faire ce qui est proposé, non par obligation ou par peur, mais par envie ou par conviction qu’il s’agit là d’une bonne chose à faire. Il permet de construire une relation durable et de qualité.

Pour résumer :

Voici les 2 lignes que je vois dans l’éducation des enfants :

  • discipliner / imposer / autorité de pouvoir / peur
  • auto-discipline / apprendre / autorité d’influence / admiration

Pour ma part, j’ai déjà choisi depuis bien longtemps quelle relation je souhaitais avoir avec mes enfants et quelle ligne me paraissait la plus efficace pour éduquer mes enfants … Vous en retrouverez d’ailleurs les grandes lignes sur mon blog – à découvrir ici.

J’y aborde notamment les thèmes de l’éducation, de l’autorité et le système punition/récompense dans les articles suivants :

 

Pour aller plus loin :

  • Le livre de Thomas Gordon « Eduquer sans punir »15.02.07 eduquer sans punir thomas gordon

Dans la suite du livre, Thomas Gordon explique plus en détail les inconvénients du système punition/récompense, le prix à payer pour celui qui tente de maintenir un système basé sur une autorité pouvoir. Toute la 1e partie du livre est très détaillée et très éclairante sur les notions qui sous-tendent ces 2 systèmes. Un livre à lire absolument :-) !

Photo Credit: L’imaGiraphe (en travaux) via Compfight cc

 

Sandrine S Comm C