En cette semaine à l’actualité plus que troublée, et troublante pour nous, parents, qui ne savons pas forcément comment expliquer au mieux à nos enfants, les notions de terrorisme et de liberté d’expression, je souhaitais de mon côté rappeler l’importance du « dessin » dans l’univers du petit enfant. Pour que jamais, les enfants n’aient peur de dessiner, peur d’exprimer leurs pensées, peur tout simplement.

On s’en doute, laisser nos enfants dessiner (les encourager même), c’est important. Oui mais jusqu’à quel point ? Naturellement, du moins je crois, l’enfant qui ne possède pas encore les mots nécessaires pour exprimer ses émotions, verbaliser les histoires qu’il a vécues (ou inventées) va spontanément se diriger vers le dessin. Il s’agit dans un premier temps d’un vague gribouillis qui semble n’avoir ni queue ni tête : il relève plus d’un jeu et du pouvoir que ressent l’enfant de réaliser quelque chose, de créer (le crayon* qui passe sur une feuille laisse une trace ! c’est merveilleux). Le gribouillis évolue rapidement  vers un dessin alors chargé de sens. Ça n’a l’air de rien, mais cette activité qui se déclenche  comme une envie irrépressible (avec plus ou moins d’intensité selon l’enfant) est puissante : elle apporte ÉNORMÉMENT pour le développement et l’épanouissement de l’être humain.

 * Le crayon est un moyen comme un autre mais on peut aussi citer le dessin à la fourchette dans la purée, le doigt dans le sable mouillé, ou la neige, la terre…bref toute une palette d’outils et matériaux sont à portée de main.

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Un mémoire de master [1] disponible ici  explicite les différents possibilités offertes par la pratique du dessin chez les enfants.

Les nombreux rôles du dessin

Evidemment, la première fonction à laquelle on pense, est le dessin comme moyen d’expression de sentiments.  Et c’est bien vrai, surtout pour un enfant. Alors qu’il n’a pas encore acquis tout le vocabulaire nécessaire pour évoquer son ressenti par rapport à une situation, un objet, une personne… le dessin fait le lien aller-retour entre la réalité, le cÅ“ur et l’esprit de nos chères têtes blondes : il permet à nous, parent, de décoder les émotions (excitation ou peur, tristesse). C’est donc un bon moyen de communiquer voire de dédramatiser des choses qui font peur.
Mais dessiner c’est aussi accroître les liens sociaux. Comme cela est explicité dans l’étude citée ci-dessus [1], un dessin d’enfant attire l’œil, celui des autres enfants, des adultes, même d’un inconnu : on en discute, on questionne, bref les liens se tissent facilement autour du petit artiste en herbe.
Citations correspondantes :

« Communicating with others during the process of drawing promotes children’s social growth »
« When children show, and talk about their drawings to friends and adults around them, it builds their social competence. « 

Le dessin, c’est cela, mais aussi…

Un moyen de développer l’imagination, la créativité
Il y a des enfants qui dessinent leur famille, leur maison, leur maître(sse) avec un profond ancrage dans la réalité de ce qu’ils vivent au quotidien, mais il y en a d’autres qui aiment dessiner des animaux vus dans des livres, lors d’une ballade au zoo ou dans des dessins animés. Ensuite ils enjolivent, habillent, développent, rajoutent des détails et on peut parfois glisser vers des créatures fantastiques, monstrueuses…et plus elles sont hideuses, ou effrayants, plus ils sont contents.
Mais souvent, il y a derrière tout cela, une histoire et pour peu qu’on s’y intéresse, qu’on pose des questions, une flopée de détails sont ajoutés (verbalement ou par le dessin) : car il n’y a pas de règle, bref, c’est la liberté. Et ça rend terriblement heureux, même lorsqu’on n’a que 4 ou 5 ans.

Mais le dessin, c’est aussi…

Un moyen de développer leur compétence en psychomotricité
Les premiers essais sont gauches, peu sûrs puis les doigts s’appliquent, appuient, précisent un geste; les poignets se délient, les mains s’éduquent, se placent. Et surtout, la coordination main-Å“il est entraînée. Tout cela est une bonne étape préparatoire à l’apprentissage de l’écriture [1].

« Drawing and the drawing media help children to develop their dexterity for future writing skills »

Mais le dessin, c’est aussi…

Un moyen de développer la confiance en soi

Parce que l’enfant qui aime dessiner (j’en connais qui ne sont pas enclins à prendre le crayon) aura, à force d’essais réitérés, réussi à créer un univers qui pour lui à du sens : c’est son oeuvre d’art. Il en sera terriblement heureux.

« When children are able to make an artistic statement, it boosts their moral and gives them joy for having made that particular activity »

Pendant toute la démarche d’élaboration du dessin, il va apprendre « à apprendre », encouragé (normalement hein) par son cercle familial et affectif et l’école. Cela contribue à lui donner confiance en lui et lui faire prendre conscience que la pratique améliore la compétence : une notion importante pour la suite de sa scolarité.

Mais le dessin, c’est encore bien plus.

Développement des capacités d’analyse

Le dessin permet aux enfants de comprendre les symboles, les signes, les représentations ce qui les aidera dans leur compréhension de leur environnement, lorsqu’ils seront plus âgés.

« Drawing helps children to understand symbols, signs and representations which later become crucial in their encounter with signs and symbols in home and school « 

Un article lié à l’éducation des enfants dans le domaine des sciences a également attiré mon attention. Il a été publié assez récemment (2013) par une équipe américaine [2]. Dans certains milieux, le sens de l’observation est considéré comme l’une des qualités clé pour développer les compétences scientifiques (on le comprend aisément) mais ceci peut se faire dès le plus jeune âge. Or les activités liées au dessin joue un rôle majeur pour développer le sens de l’observation et la capacité d’analyse. Il ressort de cette étude réalisée sur 42 enfants que l’observation et la compréhension étaient bien meilleures lorsque l’enfant dessine pendant qu’il observe : réponses plus précises, moins d’hésitations et d’approximations.  Il s’avère que grâce au dessin, de nombreuses facultés sont développées : visualisation spatiale, organisation et relations entre les différentes parties d’un tout, mémorisation…

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Dessin réalisé par Stefcomics, à l’occasion du soutien aux victimes et ce qu’elles représentent

Bref, en conclusion, le dessin rend heureux. Puissent les élans de solidarité autour des événements de ces derniers jours être perçus aussi comme un encouragement supplémentaire à sortir le crayon… à la moindre occasion !

Article publié en version un peu plus fouillée sur mon blog de sciences, le Monde et Nous 

Pascale72

 

Références
1- Joyce Ofosua Anim « The role of drawing in promoting the children’s communication in Early Childhood Education. » Mémoire de Master : International Master of Early Childhood Education and Care. 2012 – Lien ICI

2-Fow J.E., Lee J., « When Children Draw vs When Children Don’t: Exploring the Effects of Observational Drawing in Science », Creative Education, 4, pp 11-14. 2013, doi: 10.4236/ce.2013.47A1002