La question des notes à l’école est une question en pleine ébullition. La presse déverse chaque jour des tombereaux d’articles plus ou moins bien informés sur le sujet, on en parle entre profs, mais aussi entre parents d’élèves et même entre citoyens tellement le sujet « fait le buzz ». Il faut dire que la question de la réforme de la notation et de l’évaluation fait partie du vaste projet de refondation voulu par le gouvernement, et est même inscrite à l’agenda des semaines à venir, avec notamment l’organisation d’une conférence nationale publique et ouverte sur le sujet.

La semaine dernière, deux neuroneuses se sont intéressées au sujet.

MamaNuages a travaillé à partir de l’article publié par le Figaro le 18 novembre, intitulé « Najat Vallaud-Beljacem préfère les couleurs aux notes », article inspiré par la visite ministérielle dans un collège gersois qui pratique l’évaluation par compétences sans notes depuis presque 5 ans. L’article lui-même ne donne pas une très bonne image du déplacement ministériel, rappelant les doutes de Luc Ferry, à la fois sur l’évaluation par compétence et l’absence de notation chiffrée, qualifiant le café des parents institué par la ministre de « dispositif de communication huilé, avec son objet marketing dédié », avant de donner la parole au Snalc, un syndicat enseignant plutôt considéré comme réactionnaire… MamaNuages, actuellement élève-infirmière en formation, se montre clairement dubitative, voire choquée par une telle proposition. Elle aime la note, qui l’aide à se repérer, à se situer. Elle craint qu’une évaluation par couleur ne soit pas assez précise et dévalorise et décourage les bons élèves (une fois qu’on a son point vert, pourquoi travailler plus encore ?). Elle pense aussi que l’abandon des notes équivaut à « un nivellement vers le bas » voire à une « peur de la réussite » qui ne pourrait se solder que par « le recalcul de la note » par les parents. MamaNuages a reçu beaucoup de commentaires suite à son article et il faut aller les lire. Des enseignants, notamment, sont venus expliquer que la question de l’évaluation par compétences ne se résumait pas à la question de la notation chiffrée ou colorée, mais passait d’abord par la mise en place de grilles d’évaluation détaillant les critères de réussite pour un devoir donné, ce qui donne tout de même beaucoup plus d’indications qu’une note globale. D’autres ont précisé les raisons pour lesquelles les notes, telles qu’elles sont utilisées à l’école aujourd’hui, non seulement ne sont pas fiables, mais n’aident pas non plus les enfants à progresser (à part les très bons, qui y voient leur « récompense »). Certains témoignages ont expliqué comment on se passait totalement de notes, colorées ou non, dans des pédagogies alternatives telles que celles inspirées par Célestin Freinet ou Maria Montessori.

Ce qui est intéressant dans l’article de MamaNuages, c’est que cette « bonne élève » laisse transparaître les craintes récurrentes sociétales qu’on entend à chaque génération par rapport à la suivante : la peur du « niveau qui baisse », d’un certain « laxisme », et la vision de la note comme « motivante ». Or la recherche, de ce point de vue, est unanime : ceci est une vue de l’esprit. Dans la réalité, et même si c’est contre-intuitif pour certains, la note n’a rien d’objectif ; elle ne mesure pas grand-chose ; surtout elle ne motive pas, mais alors pas tout (à part les très bons élèves). Elle a surtout une fonction : classer les enfants en vue de les sélectionner. C’est dire à quel point elle n’est pas « au service des apprentissages »…

FloLaSouricette a quant à elle choisi un tout autre angle pour nous parler des notes. Elle n’a pas souhaité s’étendre sur l’effet humiliant et démotivant des mauvaises notes, mais s’intéresser aux bonnes notes. Car, si les mauvaises notes ne sont pas forcément le reflet du mauvais travail d’un enfant, les bonnes notes ne sont pas non plus vierges de tout reproche. D’abord parce qu’elles sont une récompense avant tout. Ensuite parce qu’elle coûtent en réalité très cher aux élèves. Enfin parce que nombreux sont les élèves qui finissent par comprendre comment avoir de bonnes notes (remplir son contrat d’élève, avoir de bonnes relations avec l’enseignant, bachoter convenablement) sans forcément s’impliquer dans l’apprentissage… D’autant qu’en se focalisant sur ses notes, en devenant ses notes, le bon élève peut facilement avoir l’impression de n’exister aux yeux des adultes qu’à travers elles, ce qui rend difficile la relation avec les pairs et nourrit un réel « syndrome de l’imposteur ». Bref, les notes, bonnes ou mauvaises, n’aident pas à construire son autonomie, ni son parcours scolaire et universitaire…

Bref, là où nos deux neuroneuses se rejoignent (et moi avec elle), c’est sur le fait de mettre quasiment dans le même panier la notation chiffrée comme la notation colorée. Dans les deux cas on se focalise sur ce qui « passe » (10 et + ou point vert) et ce qui ne « passe » pas. Dans les deux cas, on « note » une compétence en cours de construction chez des élèves en formation sans prendre en compte leur cheminement particulier, individuel. Dans le cas de la notation colorée, parce qu’elle se rapporte à une grille de compétences, on obtient plus d’information que dans le cas de la note globale et c’est sans doute déjà un progrès.

Mais il faudrait aller plus loin. Prendre le temps d’inscrire chaque élève dans le temps long de son propre parcours personnel, où l’erreur est le signe et la marque de l’apprentissage en cours, où on est évalué quand on s’y sent prêt. Prendre le temps d’une évaluation qui guide, étaye, donne à chaque instant des informations utiles pour progresser, pour aller vers l’excellence avec exigence, sans rien sacrifier aux classements ou à la sélection. Prendre le temps d’une évaluation qui tend vers la complexité, qui donne la priorité aux tâches de création et d’expression plutôt qu’aux batteries de QCM. Oser la correction détaillée et la recorrection. Faire, refaire, refaire encore. Jusqu’à la « bonne » note. Oui.

Ce temps, sommes-nous prêts à l’offrir à nos enfants ?