On comprend assez facilement l’effet destructeur des mauvaises notes sur la personnalité. Les mauvaises notes humilient et démotivent, cela a maintes fois été prouvé. Elle ne reflètent que très partiellement (et partialement) le niveau réel de l’élève et ne l’aident que très rarement à progresser.
Mais on sait moins que les « bonnes » notes, même si elles satisfont parents/professeurs et élèves sur le moment n’en ont pas moins des effets délétères à long terme. Dans le numéro 7 du magazine Pep’s, que j’ai découvert aux rencontres toulousaines, un grand dossier est consacré aux punitions et récompenses. Or, plus qu’une indication sur la qualité du travail fourni, la bonne note est d’abord une récompense. Ainsi, l’article qui m’a particulièrement fait réagir est La récompense des Bons élèves écrit par Brigitte Guimbal. Selon elle, « la satisfaction et l’approbation des enseignants créent chez cet élève le sentiment qu’il est plus facile et gratifiant d’être en relation avec des adultes qu’avec ses pairs, qui lui en veulent de « réussir mieux qu’eux ». Mais ce rapport aux adultes n’a rien d’une relation équilibrée. Il est basé sur le fait de leur plaire en répondant à leurs attentes. Les pairs, eux quand ils ne sont pas dans le rejet, manifestent plutôt de l’admiration, et il ne s’agit pas non plus d’une relation égalitaire ».
Comme le remarque également l’universitaire Philippe Perrenoud (d’ailleurs cité dans Pep’s) dans cet article, il en coûte cher d’être « bon élève ». « Le prix est notamment :
- du travail, donc du temps et de l’énergie soustraits à d’autres activités ;
- du stress, de l’angoisse ;,
- des exigences nouvelles ( » Peut mieux faire ! « ) ;
- un contrat implicite (ne pas déchoir, ne pas décevoir maîtres et parents) ;
- des tensions possibles avec une partie de ses camarades de classe ;
- une allégeance inconditionnelle aux exigences de l’école ;
- une accoutumance à la première place, avec la peur de la perdre. »
J’ai expérimenté bonnes et mauvaises notes dans mon parcours d’élève ; comme beaucoup de jeunes, mon degré de réussite était directement proportionnel à la qualité de ma relation avec l’enseignant. A la fin de l’adolescence, l’école m’est devenue de plus en plus facile et je me suis mise à récolter de bons résultats sans trop me fatiguer. J’avais compris ce que les profs demandaient (par exemple, le bachotage qui consiste à chercher les bonnes copies des années précédentes pour s’en inspirer est une stratégie très payante). Etiquetée « grosse tête » j »ai expérimenté l’admiration des copains, l’approbation des profs, mais aussi la jalousie et le rejet de certains. Récolter une bonne note peut donner l’impression que l’intérêt des autres est directement lié à ses résultats, et même laisser planer un vague sentiment d’imposture, et l’envie d’en faire encore plus pour tenter de se prouver le contraire. En effet, le jugement étant dépendant de l’extérieur, il est toujours remis en question. Cette évaluation n’aide pas, je trouve, pour la construction de la confiance en soi et l’autonomie. Mes « bonnes notes » m’ont d’ailleurs menée à des choix universitaires pas franchement cohérents avec mes envies.
Dans mon meilleur des mondes, il n’y aurait pas de notation quelconque en classe. Les adultes essaieraient de faire en sorte que l’image qu’on les enfants d’eux mêmes dépende moins des autres. L’évaluation serait faite par les élèves eux mêmes, aidés de leurs profs, personnes ressources plutôt que censeurs. Le dialogue permettrait de dégager des pistes de progrès et de trouver ensemble des moyens d’y parvenir. Cela prendrait du temps certes, mais serait surtout plus efficace et respectueux.
Dans la réalité, il est bien difficile d’échapper aux notes et appréciations dans sa scolarité. Certes, il n’y a pas de notes en maternelle, ni au CP ; pas de notes chiffrées en tout cas, mais souvent un système de couleurs comparable à celui prôné par l’actuelle ministre de l’éducation mais qui n’est pour moi qu’un nouvel habillage. Cela reste une évaluation qui dépend aussi principalement du jugement du maître. Avec pour résultat, mon fils qui répète en boucle « je suis nul » malgré un classeur rempli de points verts et que la moindre critique de sa maîtresse aurait tendance à fortement perturber.
Heureusement, le milieu familial peut aider l’élève à prendre du recul. Que les notes soient bonnes ou mauvaises, il semble que le soutien parental soit absolument nécessaire pour affronter les jugements de l’école sans trop de dommages pour l’estime de soi.
Tout d’abord, il me semble primordial de manifester qu’on est à leur côté quoiqu’il arrive, et en particulier que notre affection n’est pas dépendante des résultats scolaires. On peut également écouter les sentiments négatifs, et en particulier la peur de décevoir (pas forcément évident si on a soi-même été confronté à ces doutes). C’est dur pour le parent de résister à la tentation de simplement « consoler » en disant « non, non tu n’es pas nul« . Il est ainsi salvateur de mettre l’accent sur les sentiments éprouvés, et notamment d’utiliser la technique du compliment descriptif décrite dans les ouvrages de Faber et Mazlish.

Décrire et non évaluer, tiré de « How to talk so kids can learn » de Faber et Mazlish (qui existe en français mais je ne l’ai pas sous la main, désolée)
Personnellement, j’ai compris qu’il valait mieux éviter les compliments lorsque nous regardons les cahiers du Grand Doux. Je m’en tire en lui demandant de m’expliquer quelles étaient les consignes et comment il a fait pour réussir le travail, ce qu’il me raconte en général avec plaisir. J’essaye de valoriser l’erreur, et de lui rendre apparent ses progrès en reprenant les pages de début d’année. Je résiste très fort à la tentation de la récompense qui ne peut que finir par parasiter le simple plaisir de la réussite. Enfin, j’essaie de relativiser en me disant que si j’ai eu moi même une « mauvaise » expérience des notes, Grand Doux pourra faire son propre chemin et en avoir un ressenti moins négatif. Bref, je tente, de mon mieux, d’accompagner et de prendre du recul….
Sur le stress des bons élèves, on peut lire aussi :
Une enquête sur les premiers de la classe
Une interview du psychiatre Patrice Huerre (sur les classes préparatoires)
Et surtout, pour un avis différent du mien, qui souligne l’importance de la note chiffrée pour comprendre sa progression, on peut aussi regarder sur ce blog le post de mamanuages (chouette, on débat sur les notes sur les Vendredis Intellos cette semaine :))
Du coup j’en profite pour réagir et oui c’est plutôt chouette qu’on ai 2 points de vues diffèrents
Pour ma part la note n’est pas une récompense ou un moyen d’humiliation mais vraiment un Résultat. On ne travaille pas pour la note mais la note est là pour estimer si le travail fourni était correct, ce qui n’empêche pas qu’il faut aussi tenir compte des appréciations et de la marge de progression de l’élève : un élève qui passe de 5 à 8 est à encourager tandis qu’un élève qui passe de 18 à 14 n’a pas le même mérite. Bref pour moi les notes évitent d’être suffisant, de se dire, c’est acquis je ne fourni pas plus d’effort.
J’ai peut être aussi un avis différent parce que je suis encore étudiante et qu’on expérimente en ce moment l’absence de note et que je ne trouve pas ça pratique
Voilà =)
Au plaisir de te relire
Pour toi les notes sont un outil pour se positionner et voir où l’on en est dans sa progression, si je comprends bien ton point de vue… C’est vrai qu’à choisir entre des notes ou rien, on peut se poser la question (le pire étant le prof qui te gratifie de « ça va, c’est bien » pour te laisser planter au contrôle final ;)) . Le problème c’est que les notes sont partiales, et qu’elle sont avant tout l’expression du jugement d’autrui -même expert- sur ton propre travail (et par extension, notre propre personne se sent jugée). Pour avoir été -dans une autre vie- la vilaine prof qui mettait plein de sales notes, je sais que le but n’est pas d’humilier mais d’aider à progresser, voire même de montrer à l’élève qu’il peut faire mieux.. Mais j’ai fini par comprendre que ça ne marchait pas vraiment.
Merci beaucoup de ta contribution et merci aussi de ton témoignage! Peut être aussi que l’enjeu avec notes ou pas notes est de passer d’une motivation extrinsèque (obtenir une bonne note/la considération des profs ou de ses camarades) à une motivation intrinsèque (être fier de soi, se réaliser, faire quelque chose qui a du sens pour soi) mais je sais que c’est aussi dans ce sens que le compliment descriptif est introduit dans Faber & Mazlish…
Je crois en effet qu’au fond c’est une question de confiance en soi et d’autonomie. Un jour peut-être les choses changeront…
Je trouve ton article très encourageant ! Je n’ai jamais eu de bonnes notes et les adultes passent leur temps à me répéter qu’elles ne déterminent pas qui je suis… Certes, mais je passe 90% de mon temps au lycée, et 50% de mon temps à recevoir des notes, qui le plus souvent sont mauvaises. Comment alors me persuader que ces notes ne déterminent pas ma façon de penser et d’agir ? Je pense que notre système éducatif est TRES contradictoire, dommage qu’il ne suffise pas de claquer des doigts pour changer les choses…
Merci pour ce billet très intéressant.
Sais-tu s’il existe déjà des évaluations de ce mode… d’évaluation ? ;-)
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