C’est l’histoire de préservatifs qui craquent, de pilules oubliées, ou de retraits trop tardifs. L’histoire de doutes, alors qu’on pensait qu’il était trop tôt, ou trop tard pour tomber enceinte. C’est l’histoire de la course à la contraception d’urgence, que l’on prend quelques heures, quelques jours après un rapport sexuel non protégé.

La contraception d’urgence existe en France, et un peu partout dans le monde, sous trois formes :

  • La pilule Lévonorgestrel
  • La pilule EllaOne (Ulipristal Acetate)
  • Le DIU au cuivre

La première, appelée « pilule du lendemain » (au lévonorgestrel) est délivrable sans ordonnance, et même gratuite pour les mineures. Son efficacité est maximale dans les 12 premières heures qui suivent le rapport à risque, de 95 % encore pendant les 24 premières heures, et décroît assez rapidement, pour être inefficace après 72h. Elle présente un excellent profil de sécurité : très très peu de contre-indications, des effets secondaires possibles (nausées, tension dans la poitrine, mal de tête, fatigue…) mais très rarement réellement dangereux, elle est aussi compatible avec l’allaitement, et même inoffensive pour le fœtus si la femme est déjà enceinte. Elle est très répandue : près de 700000 unités vendues en 2010 en France, et 40 % des femmes de 15 à 24 ans l’ont déjà utilisé au moins une fois (source : INSEE, cité dans cet article du figaro.fr)

La seconde pilule, EllaOne, a pour principe actif l’ulipristal acétate, et est beaucoup plus récente, puisqu’elle a été mise sur le marché en 2009. Un peu plus de 33000 boîtes ont été vendues en 2010. Elle est remboursée par la sécurité sociale, mais doit être prescrite par un médecin. Appelée aussi « Pilule du Surlendemain », elle est efficace jusqu’à 5 jours après le rapport sexuel non protégé, même si, comme pour le levonorgestrel, c’est lorsqu’elle est prise tôt qu’elle est la plus efficace. Prise dans les 72 premières heures, elle est même deux fois plus efficace que  le levonorgestrel. Ses effets secondaires sont identiques. Par contre, on n’a pas de recul suffisant sur l’allaitement, et les grossesses. Il est probable que le principe actif ne passe pas beaucoup dans le lait (il fait partie de la famille des stéroïdes, connus pour ne pas bien passer dans le lait), mais sans aucune certitude. Si une grossesse est en cours, il n’existe pas de données suffisantes pour connaître la toxicité pour le foetus.

Le DIU (« dispositif Intra Utérin) au cuivre est la dernière possibilité de contraception en France. En fait, elle est utilisée depuis les années 30. Son taux d’efficacité est proche des 100 % (une grossesse sur mille environ), et peut être installé dans les 5 jours qui suivent le rapport à risque. Il nécessite évidemment l’intervention d’un médecin ou d’une sage-femme, et a l’avantage (et l’inconvénient) de permettre une contraception à long terme directement. Le DIU a d’autres avantages et d’autres inconvénients, mais ce n’est pas le sujet ici.

Choisir sa contraception d’urgence en fonction… de son poids ?

Au delà de toutes les remarques mentionnées plus haut, un critère pose problème : celui du poids, ou plutôt de l’IMC (Indice de Masse Corporelle). Si pour le DIU, l’IMC n’a pas de conséquence sur l’efficacité, une publication scientifique de 2011 a jeté un pavé dans la mare, en affirmant que la pilule du lendemain était nettement moins efficaces pour les IMC compris entre 25 et 30, et totalement inefficace pour les IMC supérieurs à 30. Globalement, l’efficacité du levonorgestrel est moindre pour les femmes dont le poids est compris entre 75 et 80 kg, et inefficace au delà. L’efficacité de l’Ullipristal (EllaOne) diminue, mais dans des proportions moindres.

Un des fabricants du levonogestrel a décidé de rajouter une mention sur la notice mais ce n’est pas le cas de tous.

 

Fin juillet, l’agence européenne des médicaments, relayé par l’ANSES en France, annonçait (dans ce communiqué) finalement que :

Levonorgestrel and Ullipristal Acetate remain suitable emergency contraceptives for all women, regardless of bodyweight

Ou bien, en français (même si ce n’est pas la traduction adoptée par l’ANSES) :

Le Levonorgestrel et l’Ullipristal restent des contraceptifs d’urgence adaptés à toutes les femmes, quelque soit leurs poids

J’avoue avoir été très surpris par cette affirmation. En allant un peu plus loin, et en regardant de près le rapport de l’agence européenne des médicaments (en lien, plus haut), on peut se rendre compte que la situation n’est pas du tout claire : ce rapport, très succinct, justifie sa conclusion à l’aide d’un nombre très restreint d’études, dont les conclusions sont contradictoires ! Pour le levonorgestrel, 2 synthèses d’articles sont citées : une conclut à la diminution de l’efficacité , l’autre non. Pour l’ullipristal, une seule synthèse est citée montrant une diminution de l’efficacité, mais l’échantillon étudié est trop restreint pour permettre une conclusion définitive. Comment peut-on conclure dans ces conditions que ces contraceptifs restent efficaces ? 

En fait, l’ANSES précise les choses dans son communiqué :

Le rapport bénéfice/risque reste favorable quelque soit le poids

Ça paraît logique : ces médicaments ont des « risques » très faibles. le « bénéfice », même si il est lu aussi « faible » chez les femmes en surpoids, l’emporte ! Par contre, et c’est le point qui me paraît scandaleux, on n’a pas d’idée de l’efficacité réelle : comment peut-on promouvoir une contraception, en affirmant qu’elle reste efficace, alors qu’on n’a pas les moyens de le savoir ? Ce rapport n’a même pas la décence de préconiser de nouvelles études ! (oui, j’avoue être un peu en colère)

Pourtant, dans l’article de 2011 qui a mis le feu aux poudres, les auteurs donnent quelques pistes :

  • la pilule EllaOne étant de toute façon plus efficace, elle devrait être préconisée pour les femmes en surpoids.
  • Il faudrait évaluer la prise d’une double dose de levonorgestrel pour les personnes d’IMC supérieur à 25
  • Le DIU doit être proposé, puisqu’il est efficace quelque soit le poids.

Ces préconisations, de bon sens, ne sont même pas évoquées dans le rapport de l’Agence Européenne du Médicament. La contraception des femmes en surpoids serait-elle le cadet de leur soucis ?

Pour aller plus loin dans l’analyse du document de l’agence européenne du médicament, et dans l’explication du manque d’efficacité, vous pouvez aller voir sur mon blog : « Pilule du lendemain : les femmes en surpoids méritent mieux que du mépris »

Mr Pourquoi