Interdire la fessée. Un thème récurrent qui fait couler beaucoup d’encre, dans les VI et ailleurs.
La fessée, elle, en attendant, fait couler beaucoup de larmes, celles des enfants qui la subissent avec d’autres violences éducatives ordinaires.
Utilisée à répétition, elle crée des blessures invisibles et conditionnent l’enfant dans un système de fonctionnement… destructeur.

Je suis de celle qui n’a pas reçue beaucoup de gifles petite. Mais les coups reçus ont été suffisamment blessants. Moins que les mots parfois.
Derrière le geste de la fessée se cache pour moi de la violence gratuite que l’adulte n’arrive pas à contenir ni maîtriser.
Derrière ce geste, l’échec d’un parent qui ne parvient pas à trouver d’autres solutions pour éduquer son enfant. Ce sont des adultes qui sont en difficulté – loin de moi de les excuser -, et qui ont été parfois eux-mêmes des enfants maltraités, bousculés, violentés.

Alors que faire ? La loi doit-elle se charger de la question pour éviter que la violence soit le lot quotidien de (trop) nombreux enfants ?

C’est la question que pose Le Cercle Psy dans son article « Faut-il interdire la fessée ? ».

Et à laquelle il est très difficile de répondre. Car des fessées, tout le monde ou presque en a déjà eu à subir.
Et entre la fessée comme simple « accident » éducatif et la maltraitance, quelle différence ?

Pour Claude Halmos, psychanalyste, spécialiste de la maltraitance (voir encadré ci-dessous), il faut distinguer les choses : « Je me bats depuis des années contre la maltraitance. Donc, bien évidemment, je ne pense pas que la fessée soit une méthode d’éducation. Pour autant, je ne pense pas que des parents qui, de façon générale, parlent à leur enfant, lui expliquent les choses et punissent sans fessée soient des parents maltraitants parce qu’un jour, excédés, ils ont donné une fessée. D’ailleurs, quand on parle avec les enfants, on voit bien qu’ils ne s’y trompent pas. Ils ne confondent jamais une fessée exceptionnelle qu’ils avaient largement « méritée » et une fessée donnée par un adulte qui ne connaît que cette « méthode » d’éducation ou le fait pour sa jouissance. »

Qu’est-ce qui nous empêche de contrôler ces pulsions ? Quand la violence est « normalisée », qu’elle fait partie de la conception du plus grand nombre, je crois que cela ne pousse pas à réfléchir à d’autres solutions comme le montrent les chiffres (ahurissants) cités dans l’article :

Une étude réalisée par l’Union des familles en Europe en 2006/2007 avait montré que 95% des parents français voyaient la fessée comme une partie intégrante des traditions françaises.

95 %. Les bras m’en tombent.

Comme le montre l’introduction de l’article, les raisons invoquées par les parents qui utilisent cette méthode – et que j’ai pu entendre par ailleurs – c’est que l’enfant les pousse à bout – voire seule la fessée ne marche – et que le parent lui-même ayant subi le même sort, et n’en étant pas mort, il n’y a pas péril en la demeure.

“ Il ne comprend pas le dialogue. Mon gamin nous pousse à bout et ne se calme pas tant qu’il n’a pas pris sa fessée  », explique Marc à l’institutrice de son fils, laquelle a bien des difficultés avec ce tyran de 6 ans à qui, sans l’avouer, elle mettrait bien une baffe de temps en temps ! Et Marc d’ajouter : « Moi, petit, j’ai pris des fessées, ça ne m’a jamais tué… »

Pire, l’article précise :

En 2010, lors du dernier débat autour de l’éventuelle interdiction de la fessée, moult sondages ont confirmé cette tendance : plus de 80 % des Français sont opposés à son interdiction.

Elle fait donc partie du paysage français… auquel bon nombre d’entre-nous semblent tenir… La fessée, difficile à déboulonner ? Incroyable mais vrai.

Or, une étude canadienne récente a mis en évidence les conséquences à l’âge adulte qu’entraîne la violence physique exercée sur les enfants – pour ceux qui doutent encore de l’effet délétère à long terme de la fessée : troubles du comportement tels qu’agressivité, addiction à la drogue ou à l’alcool, troubles mentaux (dépression…). Une autre étude américaine cette fois révèle que la maltraitance modifie la substance blanche du cerveau.

Cette substance ou matière blanche est constituée de réseaux de fils entourés de gaines de myéline blanche qui permettent « les transferts de signaux à haut débit » entre les neurones. C’est donc à cet endroit distinct de la matière grise que se passe la communication entre les différentes zones du cerveau. Or, les résultats de l’étude américaine montrent que « des perturbations au niveau des faisceaux de matière blanche ont été observées chez les adolescents exposés aux mauvais traitement dans leur enfance ».

Même si des études doivent préciser ce qu’implique la modification de cette substance, il est fort à parier qu’elle entraîne un dysfonctionnement du cerveau. Mauvaise information donnée au corps, aux autres zones du cerveau… les suppositions sont infinies.

L’article du Cercle Psy précise également :

Olivier Maurel, fondateur de l’Observatoire de la violence éducative ordinaire (OVEO), cite des études assez alarmistes sur le sujet. Ainsi, selon une recherche américaine de 2009, les enfants entre 2 et 4 ans qui ne reçoivent pas de fessée auraient en moyenne un quotient intellectuel plus élevé de 5 points que les enfants qui en reçoivent (…) Et la Fondation pour l’enfance de noter que «lorsque l’organisme ne peut fuir ni se défendre, ce qui est le cas des enfants soumis à des punitions corporelles, les hormones du stress deviennent toxiques, attaquant le système digestif et les neurones». (…) il est impossible à l’enfant de penser que ses parents lui font du mal. L’enfant se dit donc qu’on le frappe pour son bien car il est coupable. Un sentiment psychiquement dévastateur à long terme.

32 pays dans le monde ont d’ores et déjà interdit la fessée. 23 des 27 pays de l’Union européennes l’ont interdite. Que fait donc la France ?? « En février 2013, le Comité européen des Droits sociaux (CEDS) déposait une plainte contre la France en raison de l’absence d’interdiction claire de châtiments corporels contre les enfants, alléguant que l’État français ne respectait pas ses obligations au titre de l’article 17 de la Charte sociale européenne… » L’Europe qui a parfois du bon pourrait faire bouger les choses…

Et même si cela serait déjà un pas qui pousserait peut-être les parents à la réflexion, une loi est-elle suffisante pour empêcher la violence éducative ?
Je pense que la question de la violence doit être abordée d’une manière bien plus globale. La violence n’est pas que dans les foyers, elle est aussi dans les écoles, utilisées parfois par ceux qui représentent l’autorité. Quand une maîtresse rend légitime l’utilisation de la violence auprès des enfants (peut-être parce qu’elle aussi n’a que cet « outil » à proposer, faute d’une formation solide qui l’aiderait à proposer d’autres solutions), en leur disant que si on les tape ils ont le droit de répondre en tapant, je m’insurge. Répondre à la violence par la violence n’entraîne qu’une escalade. Alors ma Zouzou s’est fait taper, oui, ça a été dur de l’entendre, mais je refuse de lui dire de faire pareil, je l’invite à trouver une autre solution, à dire « non » à la violence, à dire à l’enfant « je ne joue plus si tu me tapes », à s’éloigner de l’enfant, et, si cela perdure, à ne plus jouer avec lui. Mais surtout, ne pas répondre par la violence. Jamais.

Cette question de la violence et de la fessée est pour moi une question plus que sérieuse. Si l’on faisait baisser la violence dans les foyers, les écoles, en offrant aux enfants qui seront de futurs adultes des alternatives comme la compassion, l’écoute active, je pense que la société et le monde seraient alors plus en paix. Il y aurait alors d’autres modes de communication que celui du plus fort et de la force.

Enfin, étrangement, on parle de la fessée, de gifle, mais dans la violence éducative, il y a aussi les mots et les attitudes qui peuvent faire autant de mal voire pire. Elles ne laissent pas de bleus, si ce n’est à l’âme. Quid de la violence verbale, qui ne tue pas à proprement parler, ou pas directement : humiliations, insultes, le lien de cause à effet sur le suicide des ados est-il existant ? Quels adultes seront ces enfants brimés ?

Derrière l’utilisation régulière de la violence physique ou verbale se cache souvent une personne blessée, désespérée, tout simplement en manque d’amour ou de sécurité.

Kiki the mum