La semaine dernière, j’ai mis une contribution sur le rôle père-mère, qui une fois écrite m’a fait repenser qu’il y a d’autres visions de ce rôle et qu’il est important pour ce faire une idée du sujet de le regarder sous différents angles.

Voici donc une autre vue de ces rôles de père et de mère à travers la psychanalyse. J’ai pris pour base deux articles que j’ai trouvé suffisamment concis et clair dans un langage simple car comme vous je n’aime pas les langages compliqués accessibles uniquement aux personnes ayant une maîtrise en psychologie.

Il faut bien différencier rôle et fonction : «le rôle désigne des comportements, des actes ou des attitudes conscientes, volontaires, concrètes, interchangeables et relatifs comme les tâches ménagères ou de pourvoyeurs » (1) alors que
« La fonction est à l’inverse des rôles car celle-ci est inconsciente, psychologique (non volontaire), unique, spécifique et absolue (identité sexuée). Aucune mère, malgré sa bonne volonté, ne peut remplir la fonction paternelle ; elle ne peut remplir que  » sa  » fonction maternelle »(1) Dans la réalité, la mère se retrouve parfois à remplir la fonction paternelle, j’en reparle à la fin.

Vous comprendrez donc à la lecture de cette précision linguistique que j’ai parlé du rôle père-mère la semaine dernière et que là, il s’agit de parler de la fonction paternelle et la fonction maternelle.

J’ai fait le choix de prendre la vision de Winnicott qui a une approche positive de la mère (contrairement à Freud). Winnicott était pédiatre avant d’être psychanalyse ceci explique peut être sa vision.

Concernant la mère, «  Au tout début, le nouveau-né est dans une situation de dépendance absolue vis-à-vis de l’entourage. » (2) L’entourage est souvent la mère en premier lieu, ou ce qu’il nomme son substitut, c’est à dire la personne qui sera présente pour s’occuper du nouveau-né.
« La mère y  répond par la préoccupation maternelle primaire, c’est-à-dire une capacité à s’identifier à l’enfant pour le comprendre. Au cours de cette période, elle est littéralement en résonance avec les besoins du bébé. Elle éprouve une irrépressible nécessité de les satisfaire. La détresse de son enfant lui est intolérable. Le nourrisson et sa mère forment une dyade. »(2)
C’est ce que certaines personnes appellent « l’instinct maternel » cette capacité à être en résonance totale avec les besoins du bébé et y répondre instantanément parfois même juste avant qu’il ne soit exprimé. Ceci est vrai dans le cas de l’allaitement où les mères peuvent parfois sentir la montée de lait, se réveiller juste avant que le bébé ne se réveille.

« La fonction maternelle est d’abord une fonction de matrice, de source nourricière, d’enveloppe, de réceptacle de vie, de rétention. La mère représente l’abri, la sécurité, la protection, la chaleur, l’affection, la fusion, la compréhension La mère représente l’amour. »(1)

Pour Winnicott, il y a trois fonctions maternelles indispensables au bon développement de l’enfant :
la présentation de l’objet : c’est le fait d’être présente, la mère est là tout le temps pour l’enfant
le fait de tenir, de contenir : c’est le fait de donner des repères simples et stables, c’est aider l’enfant à comprendre ce qu’il ressent (faim, soif, besoin d’être changé..)
la manipulation physique du bébé : les soins lui permettent de prendre conscience qu’il a un limite corporelle, une tête, un tronc avec un ventre, des bras, des jambes…

Je m’en tiens à l’utilisation du début de l’article, le reste étant plus technique et n’apporte pas d’informations complémentaires sur le rôle de la mère.
Voilà donc résumé très rapidement le rôle de la mère auprès de l’enfant selon la vision de Winnicott.

La transition vers le rôle du père est simple schématiquement, elle réconforte, lui stimule.
Il est intéressant de noter que la naissance de la fonction maternelle est d’ordre biologique (la grossesse) alors que celle du père est un processus symbolique lié à l’environnement. En effet, il y a des hommes pour qui être père est très abstrait, ils vivent la grossesse de loin sans comprendre trop ce qui se passe même si le mental est là et l’entourage pour lui dire « c’est chouette tu vas être papa ! » ils ne comprennent pas trop ce qui arrive.

« La fonction du père en est une de séparation, d’expulsion du sein maternel, de distinction, de différenciation. Le père doit éduquer ses enfants dans le sens étymologique du mot  » educare  » : faire sortir, tirer dehors, conduire au-dehors avec soin. »(1)

J’appuie particulièrement sur le « conduire au-dehors avec soin » Cette notion de soin est importante pour la suite de ce qu’est la fonction paternelle selon la psychanalyse.

En effet, « La fonction du père est de séparer l’enfant de la mère. Il doit s’interposer entre la mère et l’enfant pour permettre à l’enfant de développer son identité en dehors de la symbiose maternelle et rappeler à la mère qu’elle est aussi une femme, une amante, un être de plaisir, non seulement un être de devoir généreux. Si la mère représente l’amour fusionnel, le père représente les limites, les frontières, la séparation psychologique »(1) ceci doit être fait avec grand soin et douceur ! Il est aucunement question de sevrer l’enfant pour que le père récupère sa femme comme préconisé par certaines personnes (vous voyez de qui je parle).

Yvon Dallaire retranscrit 5 fonctions paternelles :
La protection : protéger les siens et donc pour ce faire être présent physiquement et psychologiquement
L’éducation : « Le père doit faciliter à ses enfants l’apprentissage du contrôle de soi »(1)
L’initiation : initier l’enfant aux règles de la société pour vivre avec les autres
La séparation : séparer la mère de l’enfant et l’enfant de la mère pour que l’un et l’autre puisse s’épanouir ; la mère en tant que femme et l’enfant en tant qu’adulte
La filiation : pour que l’enfant sache qui est son père et qu’il puisse s’inscrire dans une lignée.

On comprendra à la lecture de cet article (1) que la fonction paternelle a été bien bousculé ces dernières années. Les mères ont pris une partie de ces fonctions par les rôles qu’elles ont joué, peut être parce que les hommes des générations précédentes avaient oublié que leur fonction doit être réalisée « avec soin » et non « autoritarisme ».

Marie-Christine Eustache

(1)http://www.psycho-ressources.com/bibli/fonction-pere.html par Yvon Dallaire
(2)http://www.la-psychologie.com/relation_parent_nourrisson.htm