Il y a des jours où ça roule, des jours où je suis en forme, où ma vie me plaît et où je me mets à rêver d’un troisième enfant. Et puis il y a les autres, les jours de lassitude, de saturation, de trop-plein.

Etre femme au foyer c’est voir grandir ses enfants, respecter leurs rythmes, vivre à la cool en partie, avoir le temps pour certaines choses. Je suis contente de pouvoir donner à mes enfants une heure de sommeil en plus quand ils en ont besoin. Je suis contente de les connaître si bien, et aussi je l’admets, de contrôler une grande part de leur éducation. Je suis heureuse d’avoir le temps de tricoter lire ou écrire bien plus que je ne pourrais le faire si je travaillais, en tout cas, j’imagine… Je suis ravie d’expérimenter les apprentissages autonomes, et de voir mes enfants indépendants dans leurs jeux. J’aime ne pas avoir de patron. J’adore avoir le temps de jouer, de chatouiller, de regarder.

Mais bon sang, bon sang, ce que le quotidien m’use parfois…

La répétition des mêmes tâches, des mêmes journées, encore, et encore. Encore la lessive, le balai, les couches. Encore ranger les jouets, nettoyer les vêtements tout juste sortis du placard. Nettoyer la table qui brillait une heure avant. Ramasser les miettes. Ramasser les biberons. Ramasser les cuillers dix fois par repas. Chercher les jouets égarés. Chercher doudou. Ranger les mêmes choses plusieurs fois par jour. Voir les petites mains toutes sales s’abattre sur les cheveux tout propres. Lire le même livre cinquante fois.

Le travail de maman est un éternel recommencement de chaque tâche. Elle lave, nettoie. Tout est sali de nouveau quelques minutes plus tard, privant la maman de ce sentiment d’accomplissement qui donne sens au travail et énergie. (Il n’y a pas de parent parfait, Filliozat)

Ne pas parler à un adulte de la journée. Etre ignorée ou interrompue quand je parle. Et parfois avoir le sentiment de n’avoir tellement rien à dire, de toute façon.

Etre interrompue sans arrêt. Se faire crier dessus.

Devoir choisir entre se plier aux rituels de mon fils ou l’entendre hurler de frustration. Lui rappeler vingt fois de manger son petit dej/son goûter.

Penser à tout pour ne pas avoir à le payer… repérer où il pose sa tétine, ne surtout rien laisser au bord de la table, ne pas mettre trop d’eau dans le verre.

Parfois, à force de fatigue, je n’arrive même pas à profiter des temps calmes pour recharger mes batteries. Je ne sais plus quels sont mes besoins, mes envies. Il y a des jours où je n’arrive même pas à être avec mes enfants.

Je n’ai jamais le sentiment du devoir accompli.

Je n’ai jamais terminé une tâche.

Je lis des livres pour mieux m’occuper de mes enfants. Souvent j’y lis tout ce dont l’enfant a besoin. Toute l’attention qu’il faut leur donner. Et qui donne de l’attention au parent ? Il faut accueillir toutes leurs émotions, et qui accueille celles des parents ? Il faut être patient, il ne faut pas dire de mots blessants, il faut en profiter parce qu’un jour on regrettera, il ne faut pas crier, il ne faut pas les empêcher de crier… (Et je plonge dans la culpabilité qui empêche de dormir et me prive d’une énergie tellement nécessaire. )

Qui s’occupe de soutenir les mamans ? Psychologiquement, elles sont seules la plupart du temps face au tout-petit. (Il n’y a pas de parent parfait, Filliozat)

Tout se joue avant six ans… Recherche des sources de nos propres problèmes dans nos enfances… Listes semblants sans fin de problèmes pouvant être générés par une mère qui n’est pas assez à l’écoute ou disponible pour son enfant…

Les mères sont désormais culpabilisées car elles craignent de créer des « carences affectives ». Elles sont persuadées que l’avenir de leurs enfants est entre leurs mains et qu’à ce titre elles doivent tout faire pour eux.

(…)

Les experts, les psychologues en particulier, en ne s’attachant qu’à l’intérêt de l’enfant, jouent un rôle important dans la culpabilisation des mères. Le « puérocentrisme » qui s’est instauré dans nos sociétés menace la « cause des femmes », leur émancipation et leur épanouissement. S. Garcia interroge notamment la construction par Françoise Dolto d’une « cause de l’enfant ». Elle montre l’ambiguïté de cet héritage qui a permis de rompre avec des pratiques éducatives autoritaires et rigides, mais au prix de l’assignation des femmes à leurs devoirs de mères d’abord et avant tout.

(Mères à bout de nerfs, Catherine Halpern)

(Merci Madame Koala pour ton article dont cette dernière citation est extraite)

A moins de partir sans enfants, il n’y a pas de vacances de ce travail-là. Il n’y a pas de week-end, ni de jour férié. Ni de musique à fond dans la voiture ou les transports. Ni de pause café avec des collègues. Ni de repas à ne s’occuper que de son assiette. Ni de mail de blague débile envoyé à toute l’équipe.

Et quand le parent est mal, les enfants sont mal, renforçant la culpabilité de ne pas assurer.

Alors parfois, quand j’entends « ohlala comme tu as de la chance » j’ai tellement envie de les inviter chez moi un mois, à ma place. Et en même temps oui, quand je les vois courir après le temps pour l’école ou la nourrice, je me dis que c’est vrai, j’ai de la chance.

Enfin, ça dépend des jours.

Vaallos