Je ne suis pas encore concernée par la houleuse période de l’adolescence à la maison, mais j’entends des récits de situations tellement difficiles que j’avoue, cela m’angoisse. Des mamans que je connais bien, qui semble-t-il, ont toujours fait le maximum pour l’épanouissement de leur enfant se trouvent complètement désemparée… des propos (voire des actes) d’une extrême violence sortent, fusent, se répètent envers les parents mais aussi envers le reste du monde.
Qu’est-ce qui ne va pas ? Pourquoi ce déchaînement d’agressivité de la part de certains adolescents (heureusement pas tous) ? Comment la gérer ? Que faire ? Comment anticiper ? Comment ne pas se remettre en cause ? Sont-ils différents de ce que nous étions ?

Je suis tombée, fortuitement (encore une fois, dans les mêmes circonstances que pour « Cerveau bleu, cerveau rose« ) sur cet ouvrage qui m’a attiré et dont, d’ores et déjà, je conseille la lecture à tous les parents désemparés.
Il s’agit de « Mon ado me rend fou !  » sous-titre « Comment aimer vos enfants sans perdre la raison », de Michael J. Bradley (psychologue travaillant auprès d’enfants et adolescents) aux éditions Marabout Poche : une réédition toute fraîche (janvier 2014)

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Qu’apprend-on dans ce bouquin ?
Des choses passionnantes qui permettent de comprendre (sur la base de données des neurosciences) les méandres de l’adolescence, apprennent à « relativiser » et à adopter un comportement « adapté » pour ne pas perdre pied (répondre par la violence à la violence) et surtout renouer le dialogue.

Trois parties composent l’ouvrage  :
– Votre enfant : l’adolescent du nouveau millénaire,
– Les parents du nouveau millénaire : rôles et défis
– Mise en application de stratégies éprouvées pour un parentage efficace.

Je ne m’étendrai que sur la première partie (principalement parce que je ne suis pas au bout de ma lecture), qui à elle seule est déjà très riche en informations et en analyse.

Le cerveau de l’adolescent

On démarre fort, avec une remise en cause des théories classiques sur le sujet.

« Nous pensions que leur goût du risque, leur manque de jugement, leur trouble oppositionnel avec provocations résultaient d’expériences vécues durant leur petite enfance, de la pression des camarades, des bouleversements hormonaux de la puberté et malheureusement /…/ d’un parentage déficient. »

Même si certaines de ces causes peuvent être présentes, ce qui jette vraiment l’ado. dans une période de trouble profond pour lui et par voie de conséquence son entourage, ce sont les profondes modifications de son cerveau (études IRM à l’appui).

« Il ne venait à l’idée de personne que de vastes transformations structurales du cerveau des ados puissent être en grande partie responsables de cela. » /…/
 » Bien que le cerveau soit formé à 95 % dès l’âge de cinq ans, les secteurs les plus sophistiqués du cerveau ne complètent pas leur développement avant la fin de l’adolescence »

Oui, et alors, me direz-vous ?

En fait, c’est surtout le « corps calleux »  qui est l’objet d’une forte croissance tout au long de l’adolescence et la vingtaine : la plus importante commissure du cerveau car elle relie les quatre lobes du cerveau entre eux.

« Le corps calleux est un ensemble de nerfs réunissant touts les secteurs du cerveau qui participent à son bon fonctionnement, notamment dans la prise de décision. »

Mais ce n’est pas tout.
Le cortex préfrontal subit à peu près le même sort.

 » l’essentiel de la maturation de cette partie du cerveau d’un individu a lieu entre 12 et 20 ans. Le cortex préfrontal est le siège de nos aptitudes les plus subtiles. Le contrôle des émotions, la maîtrise de soi et la rationalité des décisions… »/ …/ « le siège de la civilisation »

Tout cela nous aide à comprendre, que cette croissance (avec un câblage n’est pas encore bien opérationnel)  peut se traduire par d’imprévisibles modes de pensée… où la réaction dépasse le jugement comme dans la petite enfance et que bien souvent cela s’accompagne de souffrance

 » Le comportement exaspérant des adolescents n’est que le résultat d’un vice de câblage qui se réglera avec le temps si – et seulement si- les adultes y répondent non par des punitions injustes, mais par une attitude judicieuse dont le but est d’apprendre calmement mais fermement à ces enfants handicapés du cerveau à devenir des adultes fonctionnels »

Ce qui a changé par rapport aux anciennes générations

D’un point de vue psychologique, le comportement des adolescents est le même depuis des générations. Ils veulent qu’on les traite en adulte, mais sont souvent incapables de se conduire comme tel.
Mais quelque chose a bel et bien changé, c’est l’environnement, le mode de vie, la société, la culture…

« Être le parent d’un adolescent dans notre monde d’aujourd’hui ressemble au pilotage d’un avion à réaction ou à la neurochirurgie.
Vous avez appris à piloter un 707. Cela vous rend-il apte à piloter un Concorde ? »

Tout comme le pilote qui a acquis des connaissances, il faut remettre ces données en question et les recycler, car ce qui fonctionnait sur les générations passées ne fonctionne plus (mais ce n’est pas très facile de se remettre en question !)
L’auteur nous explique que le monde a changé et offre à nos adolescents en quête de réponses, des moyens plutôt dangereux d’y faire face : les drogues (dont en numéro 1 l’alcool qui fait des ravages), le sexe (sexualisation précoce), un monde d’agressivité et de violence (émissions de télé, jeux vidéos) auxquels sont soumis les adolescents depuis parfois leur plus petite enfance.
Tous ces aspects se trouvent banalisés par la société, et parfois par les parents (l’auteur cite des exemples de parents qui banalisent la consommation d’alcool, pensant qu’elle impactera moins que des drogues dites plus dures).

Ce que j’aime dans ce livre
Les thèmes abordés me semblent exhaustifs : on parle de tout ce qui peut toucher l’adolescent (sexe, drogue, violence, le poids des copains, les troubles de l’humeur, troubles alimentaires, troubles anxieux…). L’accent est clairement mis sur ce qui est normal (le côté, « ouf ! c’est rassurant », une grande majorité de cas) de ce qui ne l’est pas et qui nécessite un diagnostic et une prise en charge.

Le style d’écriture est très clair, très vulgarisé. L’exposé est assorti de nombreux exemples issus de l’expérience de psychologue de l’auteur. On sent le vécu et çà fait du bien !

Le livre est très émouvant… il touche, c’est clair. Ce que je retiens d’ores et déjà, même si je ne suis pas au bout, c’est la grande souffrance de ces adolescents en peine (qu’il ne faut pas nier), mais également celle de leurs parents. Un livre porteur d’espoir, car des moyens sont là, possibles, pour gérer les situations de crise, éviter les dérives irréversibles… et tout cela repose avant tout sur un parentage de proximité, une écoute… (parfois extrêmement difficile).

Ce que j’aime moins
J’aime bien avoir les références des études citées (et ici, il y en a pas ma). Même si les noms des chercheurs, leurs institutions sont clairement disponibles, il serait appréciable de trouver un lien vers leur travail. Bon, c’est une bien faible critique au regard de l’aide que peut apporter cet ouvrage.

J’espère que cette nouvelle édition, petit prix, aura grand succès.

Pascale72