Après le bac, que faire ? la fac, ou une filière sélective ? IUT, BTS, classes prépas, écoles paramédicales, de travail social,… La liste des possibilités est longue comme le bras. Et la très grande majorité de ces établissements de l’enseignement supérieur sélectionnent les candidats sur dossier, quelques uns sur concours.

En fait, en classe de terminale, les lycéens doivent faire des vÅ“ux sur un site dédié (www.admission-postbac.fr), puis envoyer les pièces demandées par les différents établissements auxquels ils ont postulé. Ils classent leurs vÅ“ux, et seront automatiquement aiguillés vers l’établissement le mieux classé qui a accepté leur dossier.

En bon enseignant, et en bon parent, je pousse donc mes enfants, et mes élèves à avoir le meilleur dossier possible, pour pouvoir avoir un choix le plus large possible. Logique !

Oui, mais ce n’est peut-être pas ce qu’il y a de plus efficace.

Dans l’excellent (mais que je n’ai pas encore fini, il faut l’avouer) « L’université n’est pas en crise« ,  publiée en septembre 2013 aux Éditions du Croquant, les auteurs, sociologues de profession, décortiquent (entre autres sujets abordés, dont je parlerais un peu plus tard) les modes de sélection des établissements d’enseignements supérieurs. Il s’agit avant tout de montrer que la sélection des dossiers post-bac n’est pas un gage de niveau ( ni de qualité à mon humble avis), et qu’au contraire, l’université n’est pas ce « dernier recours » pour bacheliers irrécupérables pour les filières sélectives…

Ici, ce qui m’intéresse, c’est surtout de parler de ces modes de sélection. Parce que j’ai beau être enseignant, je n’avais jamais pensé que cela fonctionnait comme cela.

Pour moi, les lycéens classaient leurs voeux d’établissements supérieurs. Ceux-ci recevaient, dans l’ordre de la liste, les dossiers, gardaient les meilleurs, refilaient les autres à l’établissement suivant sur la liste. Ou, autre possibilité : tous les dossiers arrivaient partout à la fois, et les écoles faisaient une liste principale, puis une liste complémentaire, et finissaient par prendre les meilleurs… qui n’étaient pas allés ailleurs.

Et en fait, je me trompais totalement. Ce que j’ai appris dans ce livre, c’est que l’établissement qui reçoit un dossier ne connaît pas sa position dans la liste de vÅ“ux de l’élève. Alors, au lieu sélectionner les meilleurs candidats, quitte à les voir aller ailleurs, et à devoir re-sélectionner ensuite, il va sélectionner les dossiers les plus appropriés à l’état d’esprit et au niveau de sa formation. Si cela ne change pas grand chose pour les filières où s’engouffrent les tous meilleurs lycéens (CPGE en particulier), tout est inversé pour les BTS par exemple. Les auteurs citent ainsi un enseignant de BTS, qui résume en riant :

Pour sélectionner les candidats, c’est facile : on classe l’ensemble des dossiers depuis le meilleur jusqu’aux moins bons, puis on retourne le classement ! Et on sait que les quinze derniers ils sont pour nous.

Les auteurs détaillent ainsi un mode de sélection complètement biaisé, qui concerne aussi les écoles avec concours : La première partie de la sélection, écrite et anonyme est assez objective : ce sont les meilleurs qui sont admissibles. Mais la sélection est assez faible à ce niveau, et c’est lors des épreuves orales, et entretiens, que sont réellement choisis les étudiants. Et c’est à cette occasion que l’adéquation entre leurs niveaux, et leurs états d’esprits et celui de l’école est évaluée.

A propos des écoles d’éducateurs spécialisés, les auteurs racontent :

Elles se déroulent en deux temps. Le candidat passe tout d’abord une série d’examens écrits, puis un ou plusieurs oraux avec formateurs, professionnels et, parfois psychologues. Or lors de l’oral de sélection, ce sont paradoxalement les candidats les plus désajustés aux attendus scolaires traditionnels qui sont considérés comme les plus ajustés à la formation et, par conséquent, sélectionnés.

Et cela est valable aussi bien pour les cursus s’adressant aux niveaux modestes (Ecoles des métiers des travailleurs sociaux) qu’aux niveaux les plus élevés (Ecoles de commerce et de management en particulier).

Sans doute, pour la plupart, cela correspond à leur aspiration. Mais je pense à une personne de ma famille, assez brillante, qui a voulu s’inscrire dans une licence professionnelle (sélective) de restauration d’oeuvre d’art. Malgré son dossier, des cours de dessin technique, etc… Elle n’a pas été prise. La raison ? « Mais avec votre dossier, vous pouvez faire tellement mieux ! »

 

L’ouvrage « L’université n’est pas en crise« , Romuald Bodin, Sophie Orange. Ed. du Croquant est disponible à la bibliothèque des VI. N’hésitez pas à le demander !

Mr Pourquoi