Attention, grosse production « Comment l’école fabrique de l’échec scolaire » « [le diagnostic] est terrifiant ». C’est pas accrocheur, ça ?

Si on ne parlait pas de l’école que fréquente la majorité de nos enfants, on pourrait ajouter « ça va saigner » ou « âme sensible s’abstenir », peut-être même un plus drôle « interdit aux moins de 12 ans »…Bref, pour faire un peu moins racoleur, je dirai simplement que l’article du Point publié en date du 25/11/2013 présente la vision du système scolaire d’Alain Bentolila, bien connu dans ce même système pour avoir participer à l’observatoire national de la lecture.

Alors voilà, une énième vision dramatique (c’est vrai qu’on est prévenu dès le départ) du système scolaire français qui ne propose pas de solutions.

Même si, en tant qu’enseignante, je reconnais dans cet article l’école dans laquelle j’ai travaillé ces dernières années (je suis aujourd’hui en disponibilité) est-il nécessaire de ressasser encore l’échec du système? Et peut-on décemment comparer l’école des années 50-60 à celle d’aujourd’hui ? La société n’aurait-elle en rien évoluée ?

Alors quand M.Bentolila dit :

« Lorsque s’est levée la barrière d’une sélection qui, reconnaissons-le, était injuste et cruelle, un nombre considérable d’enfants, auparavant écartés, se sont trouvés précipités dans un système qui n’était pas conçu pour eux. » 

Pourquoi n’explique-t-il pas ensuite en quoi le système n’est pas fait pour eux.

« Il eût fallu que cette école se transformât en profondeur dans ses contenus, sa pédagogie, la formation de ses maîtres et ses finalités professionnelles. Elle est en fait restée quasiment identique à elle-même. »

Oui, mais comment ?

S’il est vrai qu’aujourd’hui « L’école [se trouve] mise au défi d’instruire des enfants de moins en moins éduqués », quel système proposé alors? Et est-ce bien le problème de l’école uniquement ?

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Je ne suis (n’étais?) que professeur des écoles. Je ne suis pas journaliste et je n’ai pas les connaissances de l’interviewé. Je ne parle là qu’en mon nom mais je crois que l’école, englobant la société dans laquelle nous vivons tous, est un sujet à traiter un peu plus en profondeur. Peut-on décemment présenter des faits de la sorte et ne pas étayer son analyse derrière ? Au moins présenter une bibliographie à laquelle se référer si le lecteur souhaite approfondir!

Alors je pense qu’il n’y a rien à retirer de cet article, et je pense aussi que les commentaires qui le suivent le prouvent bien. Je ne les ai pas tous lus (89) mais j’ai trouvé beaucoup de « ah ben oui, c’est sûr que moi, on me tapait sur les doigts et ça allait beaucoup mieux ! »

Je crois que cet article a été écrit pour conforter son lectorat dans l’idée qu’il a déjà su système scolaire français, celui du moins, qu’on nous présente dans les médias.

Et messieurs Bighelli et Bentolila de finir leur article avec une superbe invective aux professeurs des écoles (oui, la majorité des instits sont à la retraite maintenant…) :

« Institutrices, instituteurs, réveillez-vous ! Sachez que la nation compte sur vous pour transmettre à ses enfants notre patrimoine de valeurs culturelles, scientifiques et morales. Assumez votre mission de résistance à l’inculture et à la passivité intellectuelle. »

Et donc, voilà, c’est leur faute. Leur grande faute à eux, ces enseignants qui passent leur temps à « défendre des avantages acquis ». Oui, on le sait bien, un enseignant ça ne bosse que 4 jours dans une semaine, ça ne bosse que 36 semaines sur 52, et ça pleure pour une demie journée supplémentaire ? Mais, où va la France, je vous le demande un peu, madame !

Oui, caricature. Parce que que peuvent faire des enseignants avec toute la bonne volonté du monde et pas de moyens ?

J’ai toujours travaillé en Zone d’Education Prioritaire et les classes y deviennent aussi surchargées qu’ailleurs. Alors comment donner à tous l’instruction dont ils ont besoin ? Et comment donner plus à ceux qui ont le plus besoin ? Parce que c’est ça la vraie égalité, c’est pas tout le monde pareil.

Si l’école d’aujourd’hui veut toujours être l’école de la démocratie, c’est sûrement là-dessus qu’elle doit travailler, et non sur un faux-changement-de-rythme-soit-disant-meilleur-pour-l ‘enfant.

L’école manque de moyens, même si c’est, paraît-il, le premier budget de l’état. Et bien, oui, faut se donner les moyens de ses ambitions. On veut quoi : que 90% d’une classe d’âge entre en sixième, et qu’elle sache vraiment lire ? Et bien il faut effectivement prendre en compte les différences, et ceux dès la maternelle. Et il faut multiplier les moyens. Humains . Parce que quand la maîtresse s’occupe d’un petit groupe en difficulté, que font les 25 autres élèves ?

Bon, je rentre dans le concret là, mais la réelle question que m’inspire tout ça est : a-t-on réellement envie que les choses changent ? La France, et j’entends par là le gouvernement, les dirigeants, les hautes sphères de notre société bien pensante (la même que celle qui dit que «  c’était mieux avant ») n’ont-ils pas intérêt, finalement, à conserver ce système tel qu’il est ?

Voilà, le débat est ouvert.

Perrine Nature