monstre

(Article édité : suite à la remarque de Mme Déjantée, je reviens sur cet article pour y ajouter des références à l’excellent livre de Violaine Guéritault « La Fatigue émotionnelle et physique des mères »)

On est vendredi, le jour des VI. Ca fait une éternité que je n’ai pas posté sur les Vendredis Intellos et je le regrette parce que j’aime beaucoup participer à ce chouette blog. Et là, j’ai eu une occasion – et un peu de temps pour m’y mettre !

Je lis régulièrement le Baby Blog, pas toujours mais de temps en temps. Je lis Stadire sur sa page Facebook surtout. J’aime bien, il n’y a pas tout mais je vois l’essentiel..

Je l’aime bien Stadire, je ne suis pas toujours d’accord sur tout mais quand même très souvent.

Et sur le sujet dont elle a parlé il y a quelques jours, je crois que nous sommes particulièrement en phase. C’était suite à l’histoire de la petite Fiona, vous savez cette petit fille dont on a cru qu’elle avait disparu et qui en fait avait été battue par son beau-père.

Stadire a publié cet article dont je partage l’opinion à 200% : « Les mères monstres », qu’elle a relayé sur sa page Facebook. Cet article a évidemment suscité des réactions auprès de Stadire. Alors Stadire a publié un 2e article que j’aime beaucoup, vraiment beaucoup, un témoignage intitulé « La difficulté maternelle ». Je vous invite vivement à lire ces 2 articles pour bien comprendre de quoi je parle.

De la difficulté maternelle – parentale devrais-je dire, les papas étant concernés aussi !

J’ai suivi – de loin – la discussion qui s’en est suivie sur la page Facebook du Baby Blog. Et quelques commentaires m’ont donné envie de réagir. Vite et fort.

L’un des commentaire que j’ai lus m’a donné envie de vomir. C’est celui qui m’a incitée à écrire cet article. Ce commentaire disait :

Une mère digne de ce nom ne ferait jamais ça.

Alors, pour en voir beaucoup des mères et des parents, pour en être une moi-même, je vous le dis, je l’affirme, je le crie :

OUI, une mère digne de ce nom peut avoir envie de tout plaquer là et de se barrer loin, très loin.
OUI, une mère digne de ce nom peut avoir envie bâillonner son enfant ou de lui mettre un coussin sur la bouche pour qu’il se taise.
OUI, une mère digne de ce nom peut avoir envie de fracasser la tête de son enfant.
OUI, une mère digne de ce nom peut avoir de secouer son bébé.
Et OUI, une mère digne de ce nom peut même passer à l’acte.

OUI, OUI et re-OUI !

Cela peut nous arriver à tous et à toutes : un enfant particulièrement réactif, une période de turbulences personnelles, un moment de stress, d’épuisement, de fatigue, …

Ce genre de pensée n’est pas réservé aux « mères indignes »

Laisser croire que seules les mères indignes ont ce genre de réaction, c’est juste enfoncer encore plus les mères en difficulté.

C’est comme donner une claque à quelqu’un qui appelle au secours parce qu’il crie trop fort !

C’est leur faire passer le message qu’elles sont vraiment indignes d’être mère. Ce qu’elles croient déjà. Et qui les met JUSTEMENT en difficulté.

Parce qu’elles essaient déjà tellement d’être à la hauteur sans jamais parvenir à être « comme il faudrait ». Elle se disent déjà tout le temps qu’elles devraient être plus patientes, plus calmes. Qu’elles devraient être heureuses et épanouies d’avoir un enfant. Qu’elles devraient être ravies de supporter un bébé qui pleure, trouver merveilleux de n’avoir pas eu le temps de pisser avant midi, de prendre une douche avant 22h ou de dormir tout simplement.

Alors, ces mères-là, elles tentent désespérément de se convaincre qu’elles ne doivent pas penser ce qu’elles pensent ni ressentir ce qu’elles ressentent.

Dans son livre « La Fatigue émotionnelle et physique des mères », Violaine Guéritault parle de cette 2e phase du burn-out dans ces termes :

A ce stade de distanciation, l’individu sait exactement ce que l’on attend de lui tout en se sentant peu capable de fournir les efforts nécessaires. Il voudrait être à la hauteur de la tâche mais n’en a ni la force ni la motivation (…) Il va donc mettre au point spontanément un mécanisme de défense personnel afin de ne plus « gaspiller » son énergie. Il établit des barrières émotionnelles entre lui, les personnes avec lesquelles il interagit et les situations susceptibles d’exiger trop d’énergie de sa part. Ces limites émotionnelles vont se présenter sous la forme d’une attitude négative et détachée envers toutes les personnes et/ou situations « mangeuses d’énergie ».

Violaine Guéritault explique bien que ce type de distanciation – lié à l’épuisement physique et psychique – peut conduire à maltraiter les personnes dont on a la charge puisqu’on ne les considère plus comme des personnes mais comme des objets.

La violence, cette incomprise

Il y a un autre commentaire qui m’a fait sursauter parce qu’il montre à quel point la violence est incomprise ou en tout cas mal gérée dans notre société :

Sachant tous les risques, elle a quand même secoué son bébé !

Dire ça, c’est comme dire à quelqu’un qui a fait une tentative de suicide

Tu savais que tu pouvais mourir et tu as quand même tenté de de te suicider !!!

C’est JUSTEMENT à CAUSE des risques qu’on a fait ça. Non pas parce qu’on avait envie de tuer son enfant réellement mais juste pour que la souffrance ressentie cesse.

La douleur physique, la mort – la notre ou celle de l’autre – comme ultime recours pour faire cesser NOTRE SOUFFRANCE.

Parce que, comme le dit très bien Virginie dans son témoignage sur le Baby Blog, on devient violent – verbalement, physiquement, psychologiquement – quand on a

besoin de lui faire mal comme elle me faisait mal sur l’instant.

Une explication, pas une excuse.

Comprenez-moi bien : je n’excuse pas la violence, je lui donne une explication.

Une explication qui sort du traditionnel « si tu es violent, c’est que tu as un problème psychologique, c’est que tu n’es pas normal« , une explication qui permet d’arrêter de croire qu’un parent doit forcément être parfait pour être bon.

Une explication un peu plus pragmatique qui permet ENFIN d’aller vers des solutions atteignables et non pas vers l’ultra-solution qui consisterait à éradiquer toute violence. Ce qui est totalement impossible.

Comme si être un parent « digne de ce nom », c’était être parfait, même dans ses pensées. Les enfants c’est merveilleux, c’est que du bonheur, c’est génial.
Alors je le dis haut et fort : NON avoir des enfants ce n’est pas QUE ça ! Au contraire ! Et il serait bon que ça se sache pour qu’on arrête de croire qu’on n’est pas normal quand on en a marre d’eux et qu’on a besoin de soutien. Pour qu’on arrête de croire qu’une mère qui passe la journée avec un enfant en bas-âge se roule les pouces et prend du bon temps.

Et j’aimerais que ce message passe, partout, à tous les niveaux.
La violence – sous toutes ses formes et qu’elle soit tournée contre l’autre ou contre soi-même – je la vois, moi, comme un signal d’alarme, un message qui dit

 tu as encaissé trop de choses.

tu supportes trop depuis trop longtemps.

Il faut que tu fasses quelque chose pour que ça cesse.

TU ES EN DANGER SI CA CONTINUE.

Et parce que les gens croient que la violence est le signe d’un problème mental, la plupart des parents essaient d’éteindre ce signal d’alarme en tentant de faire taire leurs pensées, leurs ressentis, leur fatigue, en se disant qu’ils doivent prendre sur eux pour être des parents « dignes de ce nom ».

Mais quand on essaie de faire taire un signal d’alarme sans s’intéresser à l’incendie qui l’a déclenché, il y a de fortes chances que la maison entière finisse par brûler et s’écrouler.

Alors je vous le dis, les parents qui ont des envies de violence sur leurs enfants sont des parents comme les autres.
Et la plupart du temps, ils ont à coeur d’être les meilleurs parents possibles. Et ce sont justement ces efforts qui les épuisent et les rendent susceptibles de devenir violents.

J’ai déjà parlé de ça dans cet article « je m’énerve trop vite, je crie sur mes enfants ». Mais je le dis et je le redis : quand vous commencez à avoir des envies de devenir violents, demandez-vous donc d’abord de quoi ces envies sont le signal, quel message elles vous envoient, ce qu’elles disent sur la façon dont vous êtes entouré-e et soutenu-e, sur l’état de votre réservoir affectif, sur votre état de stress.

Pour prendre soin de vos enfants, prenez soin de vous. Et ne laissez jamais personne vous faire croire que vous êtes un mauvais parent.
JAMAIS.

Sandrine S Comm C

Photo Credit: ojimbo via Compfight cc