La maternité des Lilas vivra !

On parle souvent, sur le blog des vendredis intellos d’accouchement physiologique, d’alternatives à la péridurale, de préparation à la grossesse ou d’accompagnement des futures et nouvelles mères.

Alors aujourd’hui, j’ai eu envie de faire un article un peu particulier où il sera question d’engagement plus que de réflexion. En effet, certains lieux, certaines maternités se sont engagées depuis longtemps dans cette bataille et sont devenues des lieux emblématiques de la lutte pour les droits des femmes. C’est le cas de la maternité des Lilas, qui affirme, dès la page d’accueil de son site internet :

La maternité des Lilas s’inscrit dans le courant de la préparation à la naissance et du respect de la physiologie de l’accouchement

Cette bataille pour les droits des femmes ne se centre pas seulement sur l’accouchement, mais avant tout sur le libre choix des femmes, puisque la maternité des Lilas a aussi un centre très important de planning familial et 1200 IVG y sont pratiqués chaque année.

Toujours sur leur site internet :

La Maternité des Lilas est un lieu militant. Elle a participé à toutes les luttes pour le droit des femmes à disposer de leur corps, à décider de poursuivre ou non une grossesse. Ces luttes ont abouti au vote en 1975 de la loi Veil.

Forte de cette histoire, le centre d’orthogénie et de planification est un lieu d’accueil et d’écoute pour les femmes, les hommes, les couples, les adolescents confrontés à des problèmes liés à la sexualité et à leur responsabilité d’adultes.Pour toutes ces questions, vous pouvez vous adresser au Planning Familialoù vous pourrez prendre rendez-vous avec un médecin, une sage-femme, une psychologue ou la conseillère conjugale.
Aujourd’hui, nous sommes un centre référent pour la prise en charge des Interruptions Volontaires de Grossesse (IVG) jusqu’à 14 semaines.

J’ai moi-même accouché aux Lilas.

Contrairement à de nombreuses femmes qui choisissent d’accoucher aux Lilas pour pouvoir vivre un accouchement physiologique, j’ai choisi cette maternité un peu par hasard, essentiellement parce qu’elle n’était pas loin de chez moi et qu’on pouvait y faire le suivi. J’aimais l’idée d’une maternité engagée dans les droits des femmes, et pour le droit de choisir, mais je n’en savais pas beaucoup plus. C’est pendant la grossesse et parfois après que je me suis rendue compte qu’ailleurs, des femmes se battaient pour des choses qui m’ont semblées, grace au suivi dans cette maternité, évidentes et naturelles (pas de touchers vaginaux systématique et une limitation des examens médicaux par exemple). L’accouchement et le séjour à la maternité m’ont conforté dans l’idée que j’avais vécu un accompagnement de luxe (même si tout n’a pas été parfait, bien sûr). Que mes choix avaient été respectés, dans la mesure où mon accouchement le permettait. Je suis persuadée que si la sage-femme a réussi à me rassurer aussi bien et à me reconcentrer aussi rapidement sur mon accouchement après une montée de panique au moment où j’ai appris que j’allais accoucher sans péridurale, c’est parce que justement elle avait l’habitude d’accompagner des femmes dans ce cas, et qu’elle était prête à me donner toute l’attention et la présence dont j’avais besoin, alors même que le service était surchargé.

Au moment où j’ai accouché, un projet de reconstruction d’une nouvelle maternité avec la même équipe et les mêmes principes, venait d’être validé après deux ans de lutte. Et je me disais qu’alors, ce serait parfait. Que le confort gagné dans les chambres ne serait pas du luxe et que les locaux seraient mieux adaptés.

Mais voilà que depuis quelques mois, tout est remis en cause. L’ARS a découvert un « déficit structurel » et a bloqué le projet de reconstruction, avant de proposer des locaux (vétustes et peu adaptés) à Montreuil.

Voilà l’histoire par Marie-Laure Bridal, médecin et présidente du Collectif maternité des Lilas :

La reconstruction de la maternité a été actée, dès février  2009, par Roselyne Bachelot. Les travaux devaient commencer fin 2010 sur un autre site aux Lilas.

En avril  2010, Claude Évin est nommé président de l’ARS-IDF. L’ensemble de nos interlocuteurs change. Commence alors pour la maternité des Lilas une lente descente aux enfers. Le 26 janvier 2011, Claude Évin suspend le projet. Le personnel et les usagers se constituent en collectif de défense. Un bras de fer avec l’ARS commence. (…)
La voie est alors enfin ouverte au déblocage de la situation, ce qui est fait officiellement dans une lettre que Claude Évin remet au maire des Lilas le 27 janvier 2012.

Le 8 mars 2012, François Hollande, bientôt président de la République, nous fait l’honneur de sa visite à l’occasion de la Journée des femmes et nous assure de son soutien, s’engageant même à venir à l’inauguration de la nouvelle maternité. Le 17 janvier 2013, à l’occasion de l’anniversaire de la loi Veil, la ministre de la Santé, Marisol Touraine, et la ministre des Droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem sont venues, accompagnées, entre autres, de Claude Évin et Claude Bartolone, signifier leur soutien et saluer notre engagement sur la question de l’IVG. Nous avons tous cru en la parole donnée et aux engagements signés. Mais au fil des mois, la fameuse « première pierre » n’est toujours pas posée et nos finances se dégradent.

Claude Évin dans un courrier en date du 3 juin 2013, adressé à notre conseil d’administration, annonce brutalement que le projet est définitivement abandonné : notre déficit structurel est trop important pour envisager sereinement le projet en l’état. L’ARS semble oublier que le retard pris chaque année à sa réalisation nous a un peu plus enfoncés dans la crise budgétaire avec des coûts de plus en plus importants et que, depuis 2007, ce projet est passé entre toutes les mains les plus expertes de ce pays ! Une solution alternative nous est proposée : investir les locaux désaffectés de l’hôpital de Montreuil. Dix ans de réflexion, six ans de travail, 1,4 million d’euros d’argent public investi pour rien. Deux années de mobilisation, une victoire, puis un an d’attente, un personnel en souffrance, pour arriver à une proposition indigne qui compromet l’existence même de la maternité des Lilas. C’est maintenant une question de choix et de courage politique !

Le collectif Maternité des Lilas reprend sa lutte. Une vidéo est tournée :  http://www.youtube.com/watch?v=h-cLeokUWjA

De faux accouchements sont mis en scène devant le ministère de la santé. Les sages-femmes décident de poser nues pour faire parler de leur cause (autant dire que je trouve dommage d’être obligées d’en arriver là, mais il faut bien reconnaître que c’est efficace, les articles de presse se sont multipliées ces derniers jours, comme dit une des sages-femmes : « Il faut qu’on montre nos nibards pour que les médias accourent »).

Un rendez-vous avec l’ARS va avoir lieu dans les jours qui viennent. L’équipe de la maternité compte sur une forte mobilisation afin de faire pression sur l’ARS. Une pétition a été mise en ligne (qui a déjà réuni, au moment où j’écris cet article, 22685 signatures) et une manifestation est prévue le 21 septembre 2013 à 11h devant la mairie des Lilas. Je ne peux que vous encourager à signer cette pétition et à en parler autour de vous.

Plus largement, à mes yeux, le déficit financier de la maternité des Lilas, ou d’autres maternité ayant les mêmes principes comme les Bluets, elle-aussi en danger, est une bonne occasion de s’interroger sur la T2A, ou tarification à l’activité, qui permet à une maternité très interventionniste au niveau de l’accouchement d’être plus rentable qu’une maternité qui limite les actes médicaux.  Explication (qui vient d’ici) :

Pourquoi les médecins succombent-ils à la tentation de la planification des naissances et de l’optimisation financière ? La réponse tient en trois caractères : T2A, pour “tarification à l’activité”. C’est le mode de financement actuel des hôpitaux, qui instaure un cadre unique de facturation et de paiement des activités hospitalières. Plus simplement, avant la réforme hospitalière de 2007, chaque service d’hôpital recevait une enveloppe financière globale pour l’année. Depuis, les hôpitaux – publics comme privés – reçoivent, pour chaque acte hospitalier accompli, un paiement. Son montant est fixé par l’Assurance maladie. Or, il s’avère que certains actes sont mieux remboursés et donc plus rentables que d’autres. Ainsi, en obstétrique, une césarienne sans complication sera remboursée 3 064,12 euros à l’hôpital tandis qu’un accouchement par voie basse le sera à hauteur de 2 222,95 euros (tarifs 2006). Dans le cas de complications majeures, une césarienne sera remboursée 5 033,12 euros, un accouchement par voie basse 3 438,11 euros.

Au delà de la césarienne, on peut également parler de la péridurale, de l’épisiotomie, des échographies, etc.  Attention, je ne remets pas en cause la nécessité d’actes qui peuvent parfois s’avérer vitaux pour l’enfant comme pour la mère, mais il est bien dommage que notre société se concentre uniquement sur la technique et que l’accompagnement, la présence des sages-femmes ne soit tout simplement pas prise en compte (et je pense que ça ne s’applique pas seulement à la maternité mais également à l’ensemble du domaine médical).

Lila et le magicien

5 réflexions sur “La maternité des Lilas vivra !

  1. J’ai aussi accouché aux Lilas (accouchement topissime) et j’en étais restée aux bonnes nouvelles de 2012. Merci pour les infos ! Je vais suivre cela.

  2. Merci beaucoup de cette contribution qui a le mérite de rappeler tous les points importants de la situation des Lilas et plus généralement la menace qui pèse sur les maternités qui cherchent à privilégier la qualité des soins plutôt que la quantité…

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