La fessée, utile ou pas ? Je crois que sur les VI, on a tranché depuis longtemps, et c’est – évidemment – en faveur d’une éducation non violente ;-) N’empèche, que la fessée fait couler beaucoup d’encre par chez nous, si tu ne me crois pas, jette un oeil ici sur les contributions de nos neuroneuses.
Parmi les opposants à la fessée, il y en a qui réclament même une loi anti-fessée, comme il en existe déjà dans d’autres pays, la Suède par exemple. Porte-parole de cette demande, la pédiatre Edwige Antier, qui, comme le titrait élégamment le Figaro en 2009, s’est pris deux claques avec sa proposition de loi (faut voir par qui, les claques, Aldo Naouri et Marcel Rufo…)
Alors nous aussi, aux VI, on s’est demandé si cette proposition d’une loi anti-fessée tenait vraiment la route. Et parce qu’on aime bien faire les choses sérieusement, on est allé interroger quelqu’un dont le métier c’est justement d’appliquer la loi : Judge Marie, comme son pseudo l’indique, est juge et plus particulièrement juge des enfants. Sa spécialité c’est donc de s’occuper, au sein du tribunal de grande instance, des mineurs en danger mais aussi des mineurs auteurs d’infractions. Auparavant, elle a été substitut du procureur. On peut la retrouver sur Twitter et aussi sur le blog judiciaire de Maître Mô, qu’elle squatte de temps en temps.
Miliochka, pour les VI : A-t-on besoin d’une loi pour interdire la fessée ?
Judge_Marie : Clairement, non. Je pense qu’une telle infraction serait déjà difficile à caractériser (et donc une loi à rédiger), puisque les violences volontaires sur mineurs sont déjà prévues et réprimées par le Code pénal : article 222-13 réprimant les violences volontaires avec ITT [ndlr: Incapacité Totale de Travail] inférieure ou égale à huit jours ou n’ayant entraîné aucune ITT commises sur les mineurs de 15 ans par un ascendant (5 ans d’emprisonnement, 75000 euros d’amende). La fessée ne présente aucune spécificité particulière qui la distinguerait de ces violences volontaires dont la définition légale englobe notamment tout acte correspondant à une fessée. Rappelons aussi qu’il existe un article spécifique sanctionnant le fait de ne pas signaler à l’autorité judiciaire les mauvais traitements sur mineur (3 ans d’emprisonnement, 45000 euros d’amende). Une nouvelle loi n’apporterait donc strictement aucune plus-value à l’arsenal législatif déjà en vigueur.
Miliochka, pour les VI : S’il existe déjà un arsenal législatif, comment se fait-il qu’il ne soit pas plus utilisé alors ?
Judge_Marie : Ces dispositions légales sont loin d’être inappliquées. Elles sont en revanche soumises, comme l’immense majorité des infractions, aux prérogatives du Procureur de la République en termes d’opportunité des poursuites. Concrètement, les violences sur mineurs sont poursuivies dès lors qu’elles revêtent une certaine gravité. Elles font l’objet d’alternatives aux poursuites lorsqu’elles le sont moins. Sur le papier, rien ne distingue une fessée d’un coup de poing, hormis l’éventuelle ITT ; en pratique, il relève du simple bon sens de faire la différence.
Sur le plan de la dénonciation des faits et des enquêtes qui en découlent, il faut observer que les violences sur mineurs ne sont pas nécessairement publiques, ne laissent pas nécessairement de traces physiques, et sont loin d’être fréquemment dénoncées par les mineurs eux-mêmes. On peut aussi, à l’inverse, relever qu’un enfant qui dénonce être victime de violence ne dit pas nécessairement la vérité non plus, pour diverses raisons (cas que j’ai malheureusement souvent l’occasion d’observer lorsque l’enfant se trouve placé au centre d’un conflit parental aigu, notamment, le mineur pouvant alors dénoncer des faits de violence à l’encontre de chacun de ses parents auprès de l’autre parent). En tout état de cause, l’audition du mineur par les services d’enquête sera toujours organisée.
En cas de violences avérées, le Parquet se livre à une appréciation de leur gravité et exerce son pouvoir d’opportunité des poursuites pour leur donner les suites appropriées. Je pense donc que la jurisprudence en matière de fessée ne doit pas être particulièrement abondante, les poursuites devant le Tribunal correctionnel ne m’apparaissant pas appropriées, par exemple, à un fait ponctuel n’ayant entraîné aucune ITT – ce qui doit correspondre à la majorité des fessées, heureusement …
Miliochka, pour les VI : Dans ton expérience professionnelle, as-tu déjà rencontré ce genre de situation ?
Judge_Marie : En tant que juge des enfants, j’explique souvent (ainsi que les éducateurs avec qui je travaille) aux parents qui ont recours à la fessée qu’il existe des moyens de sanction aussi efficaces et nécessairement moins brutaux que la violence physique. Bien que l’article 40 du Code de procédure pénale m’oblige à révéler au Procureur toute infraction dont je peux avoir connaissance dans l’exercice de mes fonctions, j’estime préférable « d’éduquer » les parents à d’autres formes de réponse aux débordements de leurs enfants plutôt que de déchaîner immédiatement à leur encontre la justice pénale, ce qui ne créerait à mon avis, dans bien des cas, qu’un sentiment d’incompréhension et d’injustice sans garantir par ailleurs de changement de leurs habitudes « éducatives ». Je n’hésite en revanche pas à procéder à ce type de dénonciation lorsque les violences sont graves, répétées ou portent la marque d’une véritable volonté de blesser ou de nuire. Je menace aussi régulièrement en audience les parents trop brutaux d’effectuer une telle dénonciation en cas de nouveaux faits de violence portés à ma connaissance. Dès lors que ces éléments sont mis sur la table, débattus et intégrés au travail éducatif, on peut espérer des changements positifs, dans la majorité des cas.
Les sanctions pénales issues des poursuites pour faits de violences sur mineurs ne sont enfin pas anodines. J’ai récemment dû signaler au Procureur des faits de violences habituelles sur mineur de 15 ans par le père de l’un de mes mineurs protégés. Bien qu’aucune ITT n’ait jamais été constatée, les violences sont apparues suffisamment graves, habituelles et caractérisées pour que le Tribunal prononce à l’encontre du père une peine de plusieurs mois d’emprisonnement ferme, malgré son absence d’antécédents judiciaires. On se situait évidemment bien au-delà d’une fessée …
Miliochka, pour les VI : Réprimer pénalement les parents qui utilisent la fessée comme méthode éducative ne te semble donc pas la bonne solution ?
Judge_Marie : Mon opinion quant à la fessée est qu’il s’agit d’un débordement qui n’est nullement souhaitable et qu’il faut corriger, mais davantage par le travail éducatif (judiciaire, administratif, de prévention …) que par la répression pénale : tous les comportements déviants ne doivent à mon sens pas recevoir de réponse pénale obligatoire, sous peine de rendre la vie en société … invivable.
Pour poursuivre cet entretien passionnant, je vous propose de jeter un coup d’oeil à un sondage réalisé en 2009 (ce n’est pas si loin…) par TNS Sofres, à propos des Français et de la fessée. Où l’on découvre que la fessée est une pratiquée par deux-tiers des parents sondés (mais seulement 20 % l’utilisent régulièrement). La vision est très partagée : pour 45 % des personnes interrogées, la fessée est un outil d’éducation et pour 52 % c’est un geste à éviter qui banalise la violence. Au final, on apprend quand même que 82 % des sondés sont contre une loi anti-fessée…
Je vous invite aussi à jeter un coup d’oeil sur la campagne du Conseil de l’Europe contre les châtiments corporels à l’encontre des enfants, intitulée « Levez la main contre la fessée« , on trouve notamment un petit dépliant sur la parentalité positive ! Mais aussi de nombreux conseils pour les parlements nationaux qui souhaiteraient abolir les châtiments corporels… ;-)
merci pour cet article très intéressant et ce point de vue éclairé (et éclairant).
une petite remarque : il serait bien de préciser ce que signifie le sigle ITT.
j’aimerais beaucoup que l’on puisse poser les mêmes questions à Edwige Antier (on peut rêver) ou du moins à une personnalité favorable à une loi anti-fessée.
pour ma part, j’avoue que je suis assez partagée. Je comprends bien qu’une telle loi serait difficile à rédiger et qu’il serait difficile de la mettre en application : ne serait-ce que pour constater l’infraction. Mais, une telle loi aurait le mérite de faire davantage débat et pourrait permettre à ceux qui promeuvent des alternatives de se faire davantage entendre.
J’ai exactement la même réflexion : je suis bien persuadée qu’il ne faut pas tout « judiciariser »… mais ce serait un très bon moyen de communiquer à grande échelle sur l’éducation non-violente.
D’un autre côté, qui dit battage médiatique ne dit pas forcément communication de qualité.
Ce serait quand même plus simple de passer par les PMI / nounou / crèches puis école, pour ce type de communication… et plus efficace, grâce à la proximité, aux échanges.
De ce que j’ai compris de l’interview de Juge Marie, la loi interdisant la fessée existe déjà en tant que telle puisque TOUTES les violences sur mineur sont interdites. Le problème n’est donc pas de la rédiger, mais de savoir quelles suites lui donner…
L’absence de conséquences judiciaires (si c’est cela que nous souhaitons) relève apparemment des procureurs (qui décident ou non de donner suite à un signalement).
Par ailleurs, si nous ne souhaitons pas accroître les conséquences judiciaires, je ne me sens pas partisane d’utiliser la loi à de pures fins médiatiques…
Pourquoi ne pas axer la communication JUSTEMENT sur le fait que la loi interdit DEJA en l’état les fessées??? (nul n’est censé ignorer la loi…)
bonjour, interressant meme si je ne suis pas de son point de vue , je rebondis sur les chiffres qu’elle donne , elle dit deux tiers des parents pratiquent la fessée MAIS seuls vingt pour cent disent le faire régulièrement , semblant minimiser ces vingt pour cent , et c’est là que ça pèche pour moi , qu’est ce que « régulièrement » ? pour chaque famille ce régulièrement sera placé sur un curseur différent , donc ce sont bien deux tiers des parents qui ont déjà levé la main sur leurs enfants .
une loi contre la féssée c’est la pause d’une limite claire dans les conscience , mais j’ai l’intention d’y revenir
Ce n’est pas Juge Marie qui a avancé ces chiffres (le texte n’est pas en italique), il s’agit de Miliochka. Comme souvent les sondages d’opinion il est difficile de savoir les questions qui ont réellement été posées aux gens, les conditions de passation, etc… bref, ce ne sont pas (selon moi) des outils scientifiques, seulement des outils médiatiques (que les politiques utilisent d’ailleurs comme tel).
Merci pour cet article intéressant, nous n’avons que rarement le point de vue des juges là dessus.
Je pense que cette juge oublie un aspect essentiel d’un loi : elle édicte la limite sociale de la société. Et non la loi existante ne remplit pas cette fonction vis à vis des enfants, à savoir que socialement c’est permis de donner une fessée par la société entière.
Je comprends bien qu’au niveau des juges ça risque d’être compliqué à mettre en oeuvre, mais SAVOIR qu’on est en infraction en commettant quelquechose évite justement dans la plupart des cas de se retrouver devant le juge puisque la plupart des gens sont honnêtes et ne désirent pas enfreindre la loi. Si le conseil de l’Europe milite pour cette loi, ça n’est pas pour rien : on s’est bien rendu compte dans d’autres pays que cela avait fait rendu la fessée ou la claque inacceptable socialement.
Pour faire un parallèle avec le processus de résolution de conflits, c’est comme si on ne voulait pas discuter des besoins de chacun et des règles à mettre en place dans une famille sous prétexte qu’on ne saura pas comment sanctionner en cas de non respect des règles. C’est un peu faire les choses à l’envers. Il me semble que la priorité c’est avant tout les besoins de tous (donc là incluant les enfants), qui ne sont pas respectés avec les lois actuelles. Et que donc une règle spécifique doit être créée. La question de « et si quelqu’un ne la respecte pas » est secondaire, même si biensûr elle occupe une place centrale dans le travail des juges.
L’objectif de cet article était surtout de montrer que la « loi anti-fessée » existait déjà en tant que telle (ce que beaucoup ignorent, moi y compris…)… et qu’effectivement elle était appliquée avec une certaine « mesure » (que certains trouvent suffisante, et d’autres pas).
En tant qu’adepte de la CNV, j’avoue me sentir assez mal à l’aise à l’idée que la réduction des violences dans les interactions parents-enfants doive passer par une punition…
justement, et je n’ai peut être pas été assez claire, pour moi il n’est pas question de punition mais de règle. Il y a des règles chez moi et je ne suis pas obligée d’utiliser la punition pour les faire respecter… déjà le fait que les règles existent a déjà un certain poids, et puis il y a les conséquences, l’information, enfin bref tout un panel de choses hors punition.
Alors on est d’accord je pense… la règle existe déjà (dans le texte de la loi) la question est de savoir pourquoi elle est inopérante à l’échelle sociétale…
eh bien je me demande justement si pour lutter contre la violence envers les femmes, une loi spécifique a été faite ou non… comment s’y sont ils pris?
j’ai trouvé la réponse à ma question : c’est oui
« 2010 : Vote de la loi relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants : création de l’ordonnance de protection des victimes et du délit de harcèlement moral au sein du couple »
http://www.infofemmes.com/v2/p/Se-documenter/Historique-du-droit-des-femmes/60
le législateur ne s’est pas basé sur la loi valable pour tout le monde mais en a créé une spécifique. Ca confirme donc bien pour moi qu’une loi spécifique pour les enfants est nécessaire.
Merci beaucoup Miliochka pour cette interview!!! Et merci à Juge Marie d’avoir accepté de répondre à nos questions!! J’ai comme l’impression que ce débat ne fait que commencer…
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