Encore un tour du karma : au moment où mon cerveau est le plus réceptif aux manifestations quotidiennes du sexisme dans notre société, voilà que les suggestions de lecture de la reprise me proposent un article d’éduscol (le portail national des professionnels de l’éducation) intitulé : « Genre et pratiques scolaires : comment éduquer à l’égalité ? »
Je tiens pour universellement acquis qu’il ne fait pas bon naître femme à l’heure actuelle sur cette planète. Evidemment, c’est toujours pire « ailleurs » (je pense notamment aux Saoudiennes qui viennent tout juste de se voir accorder le droit de faire du vélo ! mais attention, voilées intégralement, toujours accompagnées d’un homme et dans les rues pas trop fréquentées par contre…) mais même en France, dans notre beau pays de l’égalité et de la fraternité, les droits de l’homme ne sont pas forcément encore universels. (sur plein de points malheureusement) C’est assez édifiant d’ailleurs qu’au lieu d’avancer sur le sujet, la société occidentale tend plutôt à reculer…
Par exemple, les Lego, qui étaient avant unisexes, et présentaient des filles au même nombre que les garçons, se sont peu à peu sexualisés.

Cette pub symbolise pour moi le côté coopératif et créatif du jeu, et a le mérite de faire figurer un garçon ET une fille jouant ensemble. Eh ouais, c’est possible !!
D’un côté, les Lego de bonhommes, avec de plus en plus d’armes à feu, des quêtes épiques et des objectifs comme sauver le monde et anéantir les méchants, et de l’autre, les Lego de demoiselles, déclinés en rose et en violet, agrémentés d’accessoires comme des fours pour cuire des cupcakes, ou des salons de beauté pour changer de coiffure.
En cadeau, voici une pub pour les Lego Friends, activez donc votre filtre révolté de féministe engagé-e, allez !
[youtube=http://www.youtube.com/watch?v=mLjcJGjiyIc]
Autre chose qui me fait tiquer, c’est la pléiade de livres pour enfants ouvertement catégorisés « filles/garçons » : entre les collections spéciales véhicules dont les protagonistes ne sont que des garçons (La moto de Léo, La voiture d’Arthur…) et les livres d’histoires de princesses Disney… et tiens, cette dernière trouvaille aussi :
Où on voit clairement que la petite fille peut : jouer à la marchande, sourire, être belle, populaire, et faire des cadeaux, pendant que le petit garçon, lui, peut : construire des robots, faire du sport, être fort, et même être un pirate !
(désolée, je suis un peu révoltée par ces DVD)
(attendez j’en remets une couche : vous avez vu que dans plus d’un tiers des épisodes proposés, le protagoniste du dessin animé n’est même pas une fille ? Trotro, Tchoupi, Samsam, Oui-oui… que des mecs tout ça ! Qu’est-ce qu’on envoie comme message aux petites filles ? que même dans un objet qui leur est destiné, elles ne sont même pas le personnage le plus important de l’histoire ? qu’il faut forcément un garçon pour faire une aventure un tant soit peu intéressante ?)
(/parenthèse féministe enragée)
Enfin bref revenons à nos moutons éducatifs : cet exposé de Nicole Mosconi montre que globalement, et contrairement peut-être à ce qu’on pourrait croire, les enseignant-e-s ont tendance à accorder plus d’attention aux garçons qu’aux filles dans une classe mixte.
Si les enseignant-e-s essaient de rétablir des interactions plus équilibrées, les garçons se plaignent d’être négligés et les enseignant-e-s aussi ont l’impression qu’ils-elles les négligent. Ce qui prouve bien que la norme explicite de traitement égal de toutes et de tous dissimule en réalité une norme qui commande de » favoriser » les garçons.
Cela est notamment lié au fait que les enseignant-e-s n’ont pas toujours conscience que les garçons ont plus tendance à s’imposer physiquement (et verbalement) dans la classe que les filles. Ils ont ainsi plus l’habitude de participer de manière spontanée (sans « lever le doigt », ce que pour ma part je trouve de toute façon un peu triste), d’interrompre leurs camarades, de lancer des plaisanteries. Les filles ont l’habitude, elles, d’être studieuses et silencieuses, de prendre le moins de place possible et de ne surtout pas de se faire remarquer. (en gros)
L’indiscipline des garçons est tolérée, vue comme un comportement fâcheux mais inévitable, alors qu’elle est stigmatisée et rejetée parfois violemment chez les filles dont on attend la docilité.
J’aime beaucoup la citation suivante :
On peut supposer qu’il y a un effet Pygmalion (un effet de prédiction auto-réalisatrice).
Ainsi, à l’école, les garçons apprennent à s’exprimer, à s’affirmer, à contester l’autorité de l’adulte, quand les filles apprennent à » prendre moins de place « , physiquement et intellectuellement, à moins exprimer publiquement leur pensée, à se limiter dans leurs échanges avec les adultes, à être moins valorisées par les adultes, à se soumettre à leur autorité et à supporter, sans protester, la dominance de certains garçons.
L’école ne sert pas qu’à transmettre du savoir pur et dur, celui qu’on trouve dans les manuels (d’ailleurs on y reviendra) et dans le programme officiel. L’école transmet aussi du savoir-faire et du savoir-vivre, de manière implicite, par la façon dont sont régies les interactions entre les différents acteurs de l’enseignement. Une classe scolaire est une micro-société, et on apprend à y vivre selon des codes. Pour le bien de la société dans laquelle les enfants seront amenés à évoluer plus tard, je trouve important qu’on bouleverse ces codes s’ils ne sont pas bons. Ce n’est pas normal qu’implicitement, les petites filles apprennent qu’elles sont moins importantes que les garçons, par leur ressenti et leur vécu, parce qu’un instit a préféré interroger Jacques plutôt que Jeanne. Mais comme l’indique la suite de cette synthèse, les mécanismes mis en place chez l’enseignant-e qui opère ces différences sont presque toujours inconscients.
Que dire des manuels scolaire, donc ? je pense notamment aux livres de maths, dans lesquels il n’est pas rare de lire des stéréotypes et des clichés d’un autre âge… C’est trop souvent « Marie » qui fait les confitures ou qui est la secrétaire, et toujours « José » qui répare les voitures et qui est chef d’entreprise. (un rapport sur le sexisme dans les manuels de maths ici (c’est très bien foutu))
Sans parler des cours d’histoire où très très peu de personnages féminins sont abordés, tout comme en sciences les grands découvreurs et scientifiques sont-ils des hommes.
Peu de femmes actives dans la société ou dans la politique, ayant mené des actions importantes et positives, peu de femmes créatrices, dans tous les domaines des sciences, de la culture, sont mentionnées dans les diverses disciplines. Les garçons ont de nombreux modèles identificatoires, on cite beaucoup de » grands hommes » mais pas de » grandes femmes » – il suffit de prendre garde à l’incongruité de ces syntagmes. Les filles, donc, manquant de modèles de leur sexe, risquent d’avoir du mal à imaginer qu’elles pourraient apporter une contribution personnelle à un domaine de pratique sociale ou politique ou à la culture, la science ou l’art. Et – plus grave encore – les garçons de leur côté sont confortés dans leur conviction que les hommes sont supérieurs aux femmes, puisqu’il y a de nombreux » grands hommes » ou » héros culturels » et pas de » grandes femmes » ou d’ » héroïnes culturelles « .
En somme, filles et garçons apprennent ainsi que les filles et les femmes sont moins » intéressantes » et moins importantes que les garçons et les hommes, puisqu’elles ont si peu d’importance dans les savoirs et les manuels, et qu’il est donc légitime qu’elles aient une place secondaire comme elles ont une place secondaire dans la classe.
Ce passage me fait beaucoup réfléchir, en le partageant avec Monsieur chéri, il me dit d’emblée, « oui mais c’est pas faux qu’il y a plus de scientifiques hommes et d’hommes importants historiquement que de femmes, à part Jeanne d’Arc… »
Evidemment, la science est toujours considérée comme étant un domaine masculin, c’est toujours vrai quand on regarde le nombre de garçons qui choisissent de faire un bac littéraire (dans mon année : 3), et qu’il y a peu de femmes politiques, à plus forte raison dans le passé (si on est dans une époque sexiste, c’était évidemment bien pire il y a 100 ans… au Moyen-Âge on pensait que les femmes n’avaient pas d’âme…). Mais d’un autre côté, il y en a quand même eu, et je n’ai pas le souvenir qu’on ait fait plus que les mentionner en passant : quid de Marie Curie ou de la reine Victoria ? (dont je n’ai entendu parler en détail – et encore… – qu’en fac d’anglais !)
L’école lutte peu contre les stéréotypes qui étiquettent fortement les disciplines et les filières, ou les métiers sur le marché du travail : les mathématiques et la physique, c’est pour les garçons, comme les techniques industrielles, les lettres et le tertiaire, c’est pour les filles. […] Il faut ajouter que ces filières différenciées selon le sexe contiennent une hiérarchie de valeurs conforme à l’ordre social des sexes : les filières où sont majoritairement les garçons sont plus valorisées, les filières scientifiques par rapport aux filières littéraires et les filières techniques industrielles par rapport aux filières tertiaires, les classes préparatoires par rapport à l’université.
Humhum, j’ai encore le souvenir cuisant de mon prof de philo disant à une de mes amies qui décidait de partir en IUT (excellente élève, bac mention TB, tout le toutim) : « Comment ça ? Vous ne tentez pas une classe préparatoire ? Vous manquez d’ambition mademoiselle. »
Et de l’autre côté de la barrière, on a dit à Monsieur chéri (détenteur d’un bac L) qu’il avait choisi un bac « qui ne sert à rien » et que c’était « la solution de facilité »… (merci pour tous ceux qui ont vomi 8h de philo par semaine pendant un an…)
C’est vrai que d’une manière générale on entend plus de valorisation des filières professionnelles « de bonhommes » (menuiserie, ébénisterie, tous ces trucs qui demandent du savoir-faire et de la minutie) que les filières pro « de gonzesses » (secrétariat, esthétique, coiffure) qui souffrent de gros préjugés sur les capacités des étudiantes, qu’on qualifie souvent de « filières poubelle ».
La synthèse propose ensuite des solutions pour arranger un peu l’état catastrophique de l’éducation à l’égalité des sexes à l’école :
- Rééquilibrer les interactions dans la classe
- Gérer les relations entre pairs (« éviter tous les phénomènes ont les garçons prétendent affirmer leur dominance dans la classe : interrompre une fille interrogée pour répondre à sa place, lancer des plaisanteries sexistes… »)
- Apprendre à critiquer les stéréotypes des manuels
- Valoriser le rôle des femmes dans les contenus d’enseignement (et là l’auteure souligne à juste titre que c’est aussi aux concepteurs de programme d’y penser en amont, et pas aux enseignants de tout faire non plus)
- Former les enseignant-e-s
Ce dernier point est particulièrement intéressant car il relève pour moi d’une approche très non-violente du problème :
[…] La mise en évidence de ces contradictions entre leurs croyances et leurs idéaux, leurs idéaux et leurs pratiques, porte atteinte non seulement à leur identité professionnelle mais aussi à leur identité personnelle : être mis en face des mécanismes de construction des inégalités entre les sexes dans les pratiques quotidiennes et ainsi des processus de différenciation et de hiérarchisation, c’est-à-dire de processus de domination implique de se situer soi-même dans ces processus, soit du côté des dominants, soit du côté des dominés.
En effet, je doute que les enseignant-e-s soient volontairement sexistes… malheureusement ils sont nés et ont grandi dans une société sexiste, et en sont donc inconsciemment imprégnés. Ca me rappelle une institutrice de maternelles qui continuait de jouer avec les garçons en laissant les filles ranger parce que « les filles rangent mieux, c’est plus facile, les garçons savent pas faire ça », avec la meilleure volonté du monde dans son intention.
Pour conclure, je trouve cette synthèse très éclairante et très bienvenue, sachant qu’elle parle d’une convention sur l’égalité des sexes datant de 2006 qui n’est ni connue du grand public ni appliquée de manière générale à l’école. L’école et la famille peuvent œuvrer ensemble pour abolir définitivement les préjugés et les stéréotypes sexistes qui font qu’en 2013 la culture du viol et le mythe de la victime consentante existent encore dans notre société éclairée…
Plus tard, je compte bien discuter avec mes enfants des publicités sexistes qui pullulent de partout, de la représentation de la femme dans les films, les livres et les jeux vidéo – comme je le fais déjà avec Monsieur chéri, afin qu’ils aient un esprit critique bien affûté sur ce sujet…
Et vous, vous faites quoi pour lutter contre le sexisme dès l’enfance ?
En plus dans le DVD pour filles, ils ne sont même pas capable d’écrire correctement le nom de l’héroïne : Peppa, pas Pegga…
capables
Les branques…
Ah, mais comment tu me donnes envie d’écrire un article sur les attitudes accepter des garçons dès la maternelles!!! Si une fille se plains qu’un garçon la tape c’est qu’il est amoureux!!! Du coup on explique à la petite que c’est normal… Lui TARZAN! Toi attendre! Que si un garçon, hurle tape où est violent, c’est les hormones! Fallait pas être là… au mauvais endroit au mauvais moment!! Ah et j’adore le » il traverse un phase difficile » du coup il peut frapper tout le monde, il a une excuse!!!! Comme le coup du » oui, mais… Il avait bu! » Bref… ARGHHHHHHHHHH
En tout cas chez nous, on donne plutôt un mauvais exemple, mais on cherche à s’améliorés!!!
Combien de fois j’entends ça…
Une fille se fait agresser dans la rue ? entre « c’est un garçon il peut pas résister à la tentation hein » et « elle l’a bien mérité elle portait une jupe », je deviens folle.
Je trouve ça terriblement terrible qu’on dise aujourd’hui aux filles de pas se balader seules le soir (surtout pas en robe ou jupe) alors que le vrai message devrait être destiné aux mecs : « ne violez pas ! crénom de dieu ! »
Je suis 100% d’accord avec toi.
Qu’on se le dise, il y a une liste wikipédia des femmes de sciences :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_de_femmes_scientifiques
où je suis allés parfois piocher pour les modèles féminins que je décris sur mon blog perso. (oui un peu en panne, ces temps-ci, mais ça se confirme, dans l’actu, les femmes ne sont pas souvent à l’honneur, et je n’ai pas toujours le temps de faire de la biblio !)
Il existe plein de moyens de résister, on en parle souvent sur les VI, je crois.
Allez les filles !
Je trouve cet aticle admirable. Etant enseignante j’ai pu constaté à maintes reprises la différence de traitement entre nos hommes et femmes en devenir concernant les manquements à la discipline par exemple. Un même écart de conduite ne sera pas sanctionné de la même manière si l’auteur est un garçon ou une fille car le postulat de base étant que les filles sont plus sages elles ne sont pas censées dévier et sont donc punies plus sévèrement. Etant très sensible sur le sujet, j’avoue être vigilante à l’extrême mais c’est normal: j’ai dû insister à plusieurs reprises pour une punition digne de ce nom par exemple lorsqu’un de mes élèves a traité une camarade de connasse parce qu’elle avait osé le contredire.
Il est certain que rien n’est jamais acquis mais il est nécessaire d’en prendre conscience déjà et mener une réflexion collective.
Première rentrée pour mon aînée en septembre, j’appréhende…
Un grand merci pour ces infos, que je saurais relayer au besoin !
Si chez soit on peut s’en sortir pas trop mal (pas de TV ni magazines chez nous et pas de panneau publicitaire dans le village, ce qui limite beaucoup les influences toxiques), c’est quand même très difficile à gérer à l’extérieur.
Ainsi, au parc : que mon aînée se retrouve trempée en culotte, comme les garçons de son âge (bientôt 3 ans) ne me pose aucun problème… ce qui n’est pas le cas d’autres mamans ! Donc je suis souvent prise entre « je fais comme je veux » (le côté « militant » de proposer une autre façon de faire me plaît bien, aussi !) et « il faut lui apprendre les conventions sociales pour ne pas lui nuire ».
Car j’ai constaté que lui mettre un pantalon et des baskets quand on va faire du sport (aller au parc) l’excluait du jeu de petites camarades (« tu peux pas jouer avec nous, tu n’as pas de robe »), ce qui la rendait bien malheureuse. Va pour la robe… avec un legging dessous.
Mais pour le perçage des oreilles, c’est niet ! (vive les boucles d’oreilles autocollantes !)
Bon, heureusement, les petits gars sont beaucoup plus cools : tant que tu apportes tes petites voitures tu peux jouer avec nous (merci les vides-greniers !).
Pfff…
Merci beaucoup et bravo pour ce bel article rondement mené!!! C’est un plaisir de te lire après ces quelques semaines d’interruption!
C’est vrai que la lutte contre ces stéréotypes nécessite une vigilance de chaque instant…! Comme tu le décris très bien: on incite les filles à être gentilles et patientes, et à ne pas prendre trop de place. C’est exactement le problème qu’on a rencontré cette année avec la Princesse: studieuse, autonome, toujours prête à aider les autres… et qui s’ennuyait profondément. Quand j’ai expliqué à son maître qu’elle n’apprenait rien, et qu’elle s’enfermait peu à peu dans son rôle de « tutrice », il m’a expliqué que c’était MA vision de parent. Qu’être une bonne élève (i.e.: qui ne dit rien, réussit toujours et aide tout le monde) était très valorisant et que de toute façon c’était nécessaire à LUI enseignant pour faire avancer la classe (j’ai eu le sentiment qu’il venait titiller par sa remarque mon propre passé de bonne élève gentille et arrangeante… histoire de faire passer la pilule).
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