Nul parent ne l’ignore, dès la rentrée ou au plus tard en septembre 2014, nos enfants scolarisés en primaire iront à l’école le mercredi matin.  Et le moins que l’on puisse dire, c’est que cette réforme, présenté comme la première étape d’une « refondation » de l’école, ne fait pas l’unanimité.

L’idée de départ était pourtant louable : étaler les apprentissages sur une demi-journée supplémentaire afin de décharger l’emploi du temps démentiel infligé à nos bambins.  Avant 2008, enfants et professeurs travaillaient le samedi matin (enfin la plupart, un samedi par mois étant « vaqué » se souviendront avec nostalgie les plus anciens).  En 2007, cette formule est brusquement abandonnée par le ministre de l’époque, afin de dégager trois heures de soutien pour les élèves les plus en difficulté (et au passage se débarrasser des RASED, mais c’est une autre histoire).

Or, cette première réforme n’a pas convaincu, enseignants et élèves étant confrontés à des journées surchargées, conjugués à de nouveaux programmes relativement « alourdis ». D’où l’idée de M. Peillon d’opérer un retour en arrière en remettant la semaine scolaire à 5 jours, comme un préalable à une future et ambitieuse (ou fumeuse, ça dépend du point de vue où on se place ;)) « refondation » de l’école.

Or, parents et enseignants ont vite fait part de leurs inquiétudes, en particulier sur la toile avec l’opération « PARENTS ENSEMBLE » et sur le site des Vendredis Intellos.  Dès le mois de janvier, Laetibidule nous faisaient partager ses inquiétudes d’ATSEM.  Pour résumer son intéressante réflexion que je vous invite à lire ici : nul ne sait vraiment qui va payer les coûts de cette réforme ni si son application sera la même sur tout le territoire. Laetibidule explique que les inégalités entre communes risquent de  s’accentuer, égratignant encore plus le principe d’égalité devant le service public.

Phypa, le même jour s’interrogeait sur le fond de cette réforme. Son post, que vous pouvez lire ICI, cite les conclusions rendues en 2009 par l’académie de médecine déplorant la fatigue et le stress dont souffrent les écoliers.  Selon Phypa, la question du mercredi est un faux problème, car « les programmes sont beaucoup trop chargés, et les enseignants pas assez formés à la psychologie de l’enfant, aux pédagogies alternatives au bourrage de crâne.Donc en effet réformer uniquement les temps scolaires et périscolaires, sans réformer les contenus et sans donner aux enseignants tous les outils pour accompagner TOUS les enfants qu’ils ont face à eux, cela ne suffit pas. »

Six mois plus tard, la question des « nouveaux » rythmes scolaires fait toujours polémique.

Certes le décret a été publié fin janvier. Ce texte donne le choix aux communes entre une application dès la rentrée et une application en septembre 2014. Environ 20% des écoliers, dont mon fils, iront en classe le mercredi matin dès septembre. Pour autant de nombreux points ne sont pas réglés.

Sur le financement, il est demandé aux CNAF de prendre en charge 50% des coûts supplémentaires. Cela aura forcément un impact sur le financement des autres missions de la CAF. Il n’est pas garanti que les aides au démarrage apportées aux communes soient pérennisées et que les activités périscolaires aient encore lieu dans 5 ans…

D’où l’impression que la réforme avance comme un paquebot dans la brume (non, je n’ai pas parlé du Titanic..). D’autant plus que rien ne dit qu’à terme, collectivité territoriales et directeurs d’école ne soient pas amenés à rechercher des financements privés (le groupe Total a déjà signé un accord avec le gouvernement pour financer entre autres des activités sportives). Une sacré égratignure pour le caractère public de notre école !

Autre bâton dans les roues de la réforme, le Conseil d’État a rejeté en juin le projet de décret visant à permettre un assouplissement des taux d’encadrement des activités périscolaires dans le cadre d’un projet éducatif territorial. La mesure condamnée aurait permis aux communes de réduire les conditions d’encadrement: un animateur pour 14 mineurs (au lieu de 10 prévus par l’actuelle réglementation) pour les enfants de moins de 6 ans; un animateur pour 18 mineurs au plus (au lieu de 14 prévus par l’actuelle réglementation) pour les enfants de 6 ans et plus. Cette mesure prise par le gouvernement visait à diminuer les coûts pour les communes. Elle était scandaleuse pour tous ceux qui travaillent quotidiennement dans les écoles et qui savent à quel point il est déjà difficile d’assurer des bonnes conditions d’accueil aux enfants. Heureusement, le Conseil d’Etat a rappelé qu’« on ne peut expérimenter une réforme en réduisant une règle qui induirait une baisse de la sécurité des mineurs ».

Il est quand même bien étonnant d’apprendre qu’à Paris les élèves finiront à 15h certains jours de la semaine et à 16h30 les autres jours, soit pile la journée de 6 heures honnie. Je me demande bien comment parents et enseignants vont s’organiser, et surtout où est l’intérêt des enfants dans ce micmac.

Sur le plan personnel, cette réforme m’inspire plusieurs réflexions.

A la rentrée, mon fils va travailler le samedi matin et pas moi, puisque j’enseignerai dans une autre commune de l’agglomération grenobloise, qui prévoit un « passage » en 2014. J’ai proposé à une collègue, qui elle travaille le mercredi matin, de la dépanner pour garder sa petite fille, qui n’aura pas classe ce jour là… Et nous habitons/ travaillons toutes les deux dans un périmètre de 10 km !  Au risque de me faire taxer de corporatiste (en même temps, nous commençons à en avoir l’habitude), j’ai quand même l’impression tenace qu’instits, ATSEM et autres personnels territoriaux sont les dindons de la farces puisque cette réforme va coûter très cher à certains d’entre nous, en temps de trajet, mais aussi en frais de garde et de cantines pour ceux qui ont des enfants (avec une mention spéciale pour celles et ceux qui ont des bébés non encore scolarisés, un enseignant blogueur a fait le calcul là).

J’espère me tromper mais j’ai quand même de sérieux doutes sur l’impact de la réforme sur le bien être des enfants. Si le temps journalier consacré aux apprentissages « formels » est réduit, le temps passé en collectivité est le même ! D’où vient la fatigue scolaire : des apprentissages, de la concentration demandée, ou du bruit et de la « pression » de la collectivité ? Probablement un peu des deux… Ce qui est sûr, c’est qu’à la rentrée des petites princesses et des pourfendeurs de monstres de trois ans, munis comme il se doit de tétines et doudous, resteront en collectivité de 7h50 à 17h30. Avec le mercredi matin en prime. Ils prendront leur repas de midi dans une salle avec 40 ou 50 autres gosses, et juste 5 adultes pour les assister.

Pour couronner le tout, si des journées moins chargées contribuent en principe au bien être des enfants, il n’est en revanche pas prouvé que l’augmentation des journées de classe ait une influence sur les résultats scolaires. On se demande quand même ce que notre ministre est allé faire dans cette galère, en y entraînant les enfants avec lui.  A moins que comme le souligne Mme Najat Vallaud-Belkacem dans un entretien aux Echos, la réforme du rythme scolaire soit le complément de la future réforme du congé parental, en « libérant » le mercredi des mères. S’agirait-il de remettre les femmes au travail ? Pourtant la plupart des femmes (les hommes sont bien rares il est vrai) qui ne travaillent pas le mercredi le font par choix, conscientes que les premières années de nos enfants sont par définition un moment précieux….

Dans notre commune, nous avons la chance de disposer de beaucoup d’équipements sportifs dont pourront bénéficier les plus grands (pour les petits, ce sera « garderie »), à moins qu’ils ne choisissent des ateliers d’aide aux devoirs. Dans l’ensemble, les choses ne sont pas si mal pensées. Cependant dans la brochure envoyée aux parents on nous parle sans cesse de « l’offre éducative ». L’école de 2013 deviendrait-elle un marché où parents et élèves sont des consommateurs ? A-t-on seulement eu l’idée d’interroger les enfants, pour avoir au moins une idée de ce qu’ils en pensaient ?

En fait, si j’admire la diversité des activités proposées chez nous, j’ai quand même l’impression que nous sommes dans la multiplication du faire, au détriment de l’être… Où sont passés la rêverie, le silence, l’ennui ?  A l’école, nos enfants apprennent énormément de choses, mais pas forcément la confrontation avec eux-mêmes.  Dès le plus jeune âge, nous leur donnons l’habitude de multiplier les activités, d’être sans cesse occupés, de se remplir la tête avec des dizaines de matières, en espérant développer leur personnalité. Est-ce vraiment la recette pour vivre en paix dans un monde qui comptera bientôt 8 milliards d’autres gens ? En bref, si je souhaite pour le bien être de tous que cette réforme apporte un plus, j’ai quand même l’impression que les choses sont vues une fois de plus selon un angle bien étroit. Merci en tout cas à Laetibidule et Phypa d’avoir eu l’initiative d’aborder cet épineux sujet.

Bonnes vacances à tous et bon courage à ceux qui ne peuvent en prendre.

FlolaSouricette 

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