Quand j’avais 16 ans et que je réfléchissais à un projet professionnel, je me voyais monter un laboratoire pluridisciplinaire réunissant psychologues, philosophes, gens de lettres, biologistes, médecins et même des théologiens, dans le but de découvrir la « vraie » nature des sentiments et des émotions. Je voulais savoir ce qu’il se passait dans mon cerveau lorsque j’étais heureuse, triste, amoureuse, surprise mais aussi caractériser des ressentis plus subtils tels que: la connaissance, l’intuition, l’angoisse existentielle… Je voulais croiser les descriptions disponibles dans tous les champs disciplinaires qui s’étaient intéressés à ces questions dans le but d’en produire une synthèse, la plus pertinente et efficace qui soit.
Comme dirait mon père, il est un peu tôt pour dire qu’il est trop tard (même si je ne me fais plus trop d’illusions) mais ce que cette anecdote illustre, c’est mon intérêt de presque toujours pour les mystères de la pensée. Je vous ai souvent bassiné avec Alison Gopnik (voir l’index bibliographique des VI dans l’onglet Base de données) et sa vision si positive de l’esprit du bébé (qu’elle voit non comme un demi-adulte mais plutôt comme une autre espèce d’être humain) et qui a mis des mots sur des impressions, des souvenirs, des façons de penser que j’avais relégués à la cave du passé en même temps que mes jouets d’enfant.
J’ai donc sauté sur l’occasion pour vous commenter Comment fonctionne le cerveau de bébé? de John Medina offert par les Editions Leduc pour la Bibliothèque volante des VI (et donc désormais disponible au prêt!!).
Dès l’introduction, le franc parler décomplexé typique (au moins dans l’esprit des français!) du prof de fac américain m’a bien plu (oui, j’ai un côté midinette parfois).
A chaque fois que je donnais des conférences sur le développement cérébral de l’enfant […] je me suis aperçu qu’à la fin de la conférence, de futurs parents me posaient toujours les mêmes questions. […] « Que peut apprendre mon bébé pendant qu’il est dans mon ventre? » […] « Que va devenir mon couple une fois le bébé arrivé à la maison? » […] « Comment préparer mon enfant à entrer à Harvard? » […] « Comment faire pour être sûre que ma fille sera heureuse? » […] « Comment faire de ma petite fille quelqu’un de bien? » P.9
Je ne les aurais peut être pas formulées ainsi, avec plus de nuances mais je pense en définitive que ces questions occupent effectivement (moyennant quelques variantes) l’esprit des futurs et jeunes parents. L’auteur se propose donc d’y répondre, du moins d’en dire ce qu’il pense que les neurosciences peuvent amener comme éléments d’éclairage…
Et il attaque le problème en démontant certains préjugés que je ne résiste pas à vous faire partager.
Mythe: Faire écouter des DVD d’apprentissage des langues à des nourrissons ou de jeunes enfants va leur permettre d’enrichir leur vocabulaire.
Vérité: Certains DVD peuvent, au contraire, appauvrir leur vocabulaire […] Il est vrai que la diversité des mots que vous employez pour parler à votre bébé améliore à la fois son vocabulaire et son QI […] mais c’est parce que les mots sortent de votre bouche et non d’un enregistrement.[…]
…..
Mythe: Répéter sans cesse à ses enfants qu’ils sont intelligents améliore leur confiance en eux.
Vérité: Ils seront moins disposés à travailler sur leurs points faibles ou leurs difficultés et à faire des efforts […]. Si vous voulez que votre enfant fasse de brillantes études, louez ses efforts plutôt que son intelligence.
…..
Mythe: Les enfants trouvent leur bonheur d’une manière ou d’une autre.
Vérité: Pour être heureux, il faut d’abord avoir des amis. Comment votre enfant peut-il s’y prendre pour se faire des amis et les garder? En apprenant à décoder les signaux de la communication non verbale […]. Apprendre un instrument de musique […] augmente de 50% la capacité à comprendre le langage du corps. Alors que s’habituer à échanger des SMS […] peut la détruire. p12-13
Bon, j’avoue, en lisant ça, j’ai un peu pris peur… et me suis demandée un instant s’il ne valait pas mieux abandonner l’élevage d’affreux pour me lancer dans celui de poulets en batterie mais ma curiosité, piquée au vif, m’intima de poursuivre ma lecture…
Si je devais résumer ce livre, je dirai qu’il est une sorte de guide de grossesse et des premières années de l’enfant mais où on s’intéresserait exclusivement au développement des capacités cognitives de l’enfant (au sens large).
J’ai donc beaucoup aimé:Â
- La diversité des sujets traités (allant de l’alimentation pendant la grossesse jusqu’à la communication non violente, en passant par la question des jeux, celle des tests d’intelligence, les rivalités fraternelles, la gestion du stress, l’alloparentalité, etc…)
- La vision positive et bienveillante sur l’enfant. Contrairement à ce que l’introduction pouvait laisser penser, l’auteur prône avant tout l’épanouissement de l’enfant, son bonheur, son insertion dans des relations sociales bénéfiques, la créativité, etc… J’aime qu’on me rappelle les incroyables et fantastiques compétences du nouveau né (imitation, empathie, communication, attachement, etc…) que l’on oublie encore trop souvent.
- Le mélange des genres: l’auteur mêle dans son exposé les récits de sa propre expérience de père, les données scientifiques des neurosciences, des témoignages d’autres parents, etc…
- Le fait de ne pas avoir l’impression que le bouquin ne s’adresse qu’aux mères (hormis la partie sur la grossesse et encore)
- L’envie de bouleverser certains présupposés ou idées dans l’air du temps sur l’apprentissage. Voici un exemple de discours que j’ai bien aimé:
LA MISSION PRINCIPALE DU CERVEAU N’EST PAS L’APPRENTISSAGE
 […] Beaucoup de mamans et de papas bien intentionnés pensent que le cerveau de leur enfant est surtout tourné vers l’apprentissage. Ce n’est pas vrai. Le cerveau est surtout tourné vers la survie. Tous les outils que nous possédons dans notre boîte à outils cognitive ont été conçus pour permettre à notre espèce d’échapper à l’extinction. L’apprentissage n’existe que pour satisfaire notre exigence première: survivre. C’est une heureuse coïncidence que nos outils intellectuels puissent aussi nous permettre de créer des feuilles de calcul et de parler espagnol. Mais ce n’est pas la mission principale du cerveau. C’est un sous-produit accidentel d’une force beaucoup plus profonde: le désir viscéral de vivre jusqu’au lendemain. Nous ne survivons pas pour pouvoir apprendre, nous apprenons pour pouvoir survivre.
Cet objectif suprême signifie avant tout que si vous souhaitez que votre enfant apprenne bien en classe, vous devez lui créer un environnement sécurisant. Lorsque les besoins de sécurité du cerveau sont satisfaits, les neurones sont autorisés à faire des prouesses à l’école. Si les besoins de sécurité ne sont pas satisfaits, il se fiche pas mal d’obtenir des bonnes notes en maths ou en français. Le père de Roosevelt [ndlr: président américain de 1933 à 1945, enfant chétif et malade…] a commencé par tenir son fils dans ses bras le plus souvent possible, ce qui a donné à Teddy un sentiment de sécurité dès son plus jeune âge et ce qui lui a permis plus tard de devenir président. C’est un peu caricatural, mais tellement vrai! p.141
J’ai moins aimé:Â
- L’absence de bibliographie citée. C’est un peu un principe chez moi, j’aime bien savoir d’où tombent les chiffres qu’on avance… mon esprit a tendance à se bloquer dans le cas contraire.
- Le côté « guide pratique » avec conseils un peu trop tranchés sur ce qui convient de faire ou non avec les enfants. Ça je pense que c’est vraiment très personnel, car d’autres parents apprécieront justement que les éléments de connaissance puissent déboucher sur des mises en pratique concrètes.
Ma conclusion, c’est que si vous vous apprêtez à acheter un guide éducatif, pas trop alternatif mais quand même un peu cérébral, celui là peut vraiment vous convenir.
Quant à moi, je me dis que si mes nuits n’étaient pas aussi courtes, mes journées si remplies et mon anglais si mauvais, j’irais bien me prosterner aux pieds d’Alison Gopnik pour lui demander de me prendre en thèse, parce que comprendre le cerveau des bébés, c’est quand même du viagra pour les neurones.
Chouette !! on a parlé du même bouquin !! exactement la même semaine… je vais m’empresser de faire un lien vers ton article !!
J’adore ce livre vraiment…
Je suis entièrement d’accord sur ta remarque négative « guide pratique »…oh que oui, c’est vraiment très personnel ! d’ailleurs c’est aussi l’une de mes conclusions…
Par contre, je vais te contredire sur un point…moi qui ai lu la version anglaise (pas par snobisme mais juste parce que je ne connaissais pas la version française), j’ai bien sûr moi aussi cherché les références…et bien, si il y a pensé… puisque je me suis empressée d’aller aussi lire une d’entre elles, car je voulais me faire ma propre analyse.. mais elles sont si nombreuses, qu’il a fait le choix de les mettre sur son site internet… visible ici
http://www.brainrules.net/references
LÃ tu cliques sur chaque chapitre pour les retrouver !!
Par contre est-ce que ce lien est indiqué dans la version française, à vérifier;… sinon c’est une erreur de l’éditeur ! Bonne recherche !!
Je viens de regarder à nouveau mon exemplaire, je n’y trouve pas trace du lien dont tu parles… ou alors il est très bien caché!!
Je vais me dépêcher d’aller voir ça!! Parce qu’effectivement, avec la liste des références, ce bouquin devient tout simplement hallucinant!!!
Merci!!!
ok, chez moi, c’est vers la fin …sur une page dédiée…il faut en parler à l’éditeur si tu ne trouves pas, ce n’est pas normal !
Oui, je vais poser la question!
J’ai l’édition de 2010 de France Loisirs, c’est page 28 et j’ai retrouvé le lien donné par Pascale…
Hélas, je n’ai plus le livre sous les yeux (ou tant mieux car quelqu’un là demandé à la bibli!!) donc je ne peux pas vérifier que le lien y figure aussi. :/ Quand je l’avais lu, je n’avais rien remarqué de tel en tout cas.
Merci pour cet article !! Je cherchais des informations justement sur le développement de l’enfant via les neurosciences mais rebutait à acheter un livre « trop scientifique » ou « trop fourre tout » et voilà que tu m’offres un titre (plusieurs à vrai dire car j’ai acheté le livre et un autre sur le cerveau du meme auteur, ainsi que deux livres d’alison G. que je ne connaissais pas)!
Tu viendras nous raconter ici ce que tu en as pensé??
Pour le côté Guide pratique, c’est vrai mais j’estime que c’est à chacun de relativiser. Ce n’est pas non plus une check list pour être des parents parfaits. De toute façon il nuance dès le départ : tous les enfants sont différents, tous les parents sont différents, les enfants sont influencés par les autres, nous pouvons établir des liens et non des rapports de cause à effet.
Donc il nous donne des idées… Elles peuvent nous permettre de prendre des décisions : j’hésite entre acheter un portable à mon enfant pour qu’il s’entraîne à la rédaction avec les SMS vs. un cours de musique… John Medina nous donne son avis !!
Donc on peut en faire un peu, beaucoup, Ã la folie ou pas du tout !
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