Cette nouvelle grossesse est l’occasion pour moi de me rendre compte de certains changements en moi … autres que physiques bien sûr ;) . Et en discutant avec mes amies, ma famille, cela m’a sauté aux yeux… il y a vraiment quelque chose de particulier dans cet état de « femme enceinte ».

Comme si la grossesse était  …  un temps à part, un temps de remise en question et de réflexion … par rapport à tout ce qui compose nos vies … nos modes des vie, nos vies professionnelles, nos rythmes, nos relations aux autres, nos habitudes etc.

Comme si la grossesse finalement nous  reconnectait avec nous-mêmes plus profondément…

Comme si… une nouvelle grossesse se reliait à la précédente en révélant le chemin parcouru entre temps… et nous révèle différents à nos propres yeux dans nos émotions, dans la gestion du timing de la grossesse, dans l’anticipation de l’arrivée de Bébé…

Comme si  … « être enceinte et devenir maman » opérait des remaniements psychiques …

Alors, cela m’a interrogée et j’ai trouvé en effet pas mal d’infos qui traitent d’un état psychique spécifique à la femme enceinte… je vous résume tout ça :


Première info pas très sympathique pour nous, l’état psychique de la femme enceinte n’a d’abord été vue que sous l’aspect pathologique … avec cette belle expression : « la folie puerpérale » … Des femmes normales (en fait, nous toutes en quelque sorte)  devenaient une fois enceinte uniquement préoccupées par leur grossesse, et à la naissance de l’enfant complètement centrées sur lui… et ce pendant 4-5 mois. Ensuite, elles redevenaient « normales » … et les médecins de s’exclamer « Ouf ! »… croyant y avoir vu un début de pathologie psychiatrique.

On trouve ces notions notamment dans le  Traité de la folie des femmes enceintes des nouvelles accouchées et des nourrices écrit par Louis Victor MARCE, en 1858. Et cela commence dès l’introduction  :

« Les femmes enceintes, les nouvelles accouchées et les nourrices sont exposées à des troubles intellectuels qui, tout en se confondant intimement avec les formes ordinaires de folie n’en diffèrent pas moins d’une manière notable par les conditions organiques au milieu desquelles ils se développent. »  

Un peu plus tard, au début du XXème siècle, on découvre le baby blues qui concerne la moitié des jeunes mamans et s’installe environ 3 jours après l’accouchement et s’avère transitoire avec une résolution spontanée et  rapide …  

 » Ce sont des jeunes mères tristes, avec des crises de larmes brutales ; elles sont très irritables, leur humeur est labile, elles sont insomniaques et anxieuses. Ce blues serait une réaction physiologique marquant la fin d’un stress physique et mental. » cf  Monique BYDLOWSKI  sur Gyneweb

B. PITT décrit lui  en 1968  « la dépression maternelle atypique » qui touche environ 10% des « accouchées » et débute vraiment six à huit semaines après l’accouchement et se déroule sur le long terme (plus d’un an souvent).

« Ses symptômes sont connus : tristesse, anxiété, désintérêt. Les deux signes les plus importants sont d’une part l’inadéquation dans la relation à l’enfant avec un sentiment d’inefficacité éprouvé par ces mères ; d’autre part, l’absence de consultation. Il s’agit de femmes qui ne consultent pas car elles sont probablement coupables de ne pas être dans le bonheur maternel attendu, surtout lorsque la grossesse était désirée. Elles ne consultent pas non plus car elles mettent leurs troubles sur le compte de la fatigue et aussi parce qu’après des mois de prise en charge prénatale, elles se retrouvent sans interlocuteur médical tant que l’enfant n’est pas malade. » cf Monique BYDLOWSKI sur  Gyneweb

Dans les années 1950, BIBRING décrit un état psychique particulier chez la femme enceinte et la jeune maman …. état réactionnel aux transformations vécues tant sur le plan psychique que corporel… travaux auxquels font suite ceux de RACAMIER.

WINNICOTT parle aussi  de ce phénomène en décrivant « la préoccupation maternelle primaire ». Dans les derniers temps de la grossesse, puis pendant quelques mois après la naissance, la jeune maman est centrée sur son bébé… et cela entraîne un accordage Maman/Bébé qui permet à la maman de comprendre assez intuitivement les besoins de son bébé ( pas tous non plus, les mamans ne sont pas des magiciennes), il dit d’ailleurs que la mère doit être suffisamment bonne, et non pas parfaite … comme on voudrait nous le faire croire aujourd’hui.

En relatant tous ces travaux, Monique BYDLOWSKI conclut : « Toute femme enceinte traverse une crise de la grossesse, comme il y a une crise de l’adolescence » source ici

… J’aime beaucoup cette idée qui représente bien le passage d’un état de vie à un autre, et le chamboulement que la femme peut vivre en attendant son enfant puis en le rencontrant.

Revenons à aujourd’hui… et aux connaissances plus récentes : 

Monique BYDLOWSKI  s’est intéressée tout particulièrement à l’état psychique des femmes enceintes … et a créé le concept de « transparence psychique » :

L’équilibre psychique habituel de la femme est modifié, avec une mise en retrait de sa vie sociale habituelle, une plus grande authenticité de ses réactions et de ses propos rappelant les réactions adolescentes,  une réactualisation de souvenirs anciens se racontant facilement, la présence de fantasmes dans le sens de « représentations imaginaires traduisant des désirs plus ou moins conscients » (dictionnaire Larousse). 

Je trouve qu’on retrouve bien là ce qu’on décrit souvent chez la femme enceinte : des réactions plus vives, moins d’aisance à contrôler ses émotions, des rêves très bizarres et fréquents, des envies particulières, un désintérêt de certains sujets au profit d’autres plus en rapport avec la maternité …

La femme enceinte a donc un accès beaucoup plus important à son inconscient et cela permet des changements psychiques importants mais aussi des réactualisations d’événements parfois douloureux.

En fait, pendant la grossesse, tout est possible sur le plan psychique : la femme est considérée comme « plus fragile » psychiquement  car en pleine traversée d’une crise identitaire (Mais qui suis je ?? ) … mais en même temps cela lui permet de réaménager son vécu ancien et récent, ses désirs, son mode de vie … Les femmes s’engageant dans un travail psy pendant la grossesse avancent ainsi beaucoup plus vite que des personnes lambdas, car les mécanismes de défense sont plus faibles. Et on observe des retournements de situation étonnants… une dépression qui débouche rapidement sur des projets avec une grande vitalité, des conflits familiaux et des non dits qui se résolvent rapidement alors qu’ils sont présents depuis des années.

On retrouve cette notion chez C. Bergeret-Amselek : « La maternalité est une période privilégiée car favorisant le vécu de chocs anciens et permettant à celle qui la vit de se soigner. Cette crise peut être organisatrice pour le psychisme à condition d’être accompagnée, développée et contenue. » Source : « Le Mystère des Mères », Anne BERGERET-AMSELEK, Éditions Desclée de Brouwer 1998, page 33.

Cela peut être aussi tout simplement un désir de changer des choses dans sa vie, des projets de reconversion professionnelle (désirés, et non pas subis) etc.

Ce temps de grossesse et cet état psychique permet aussi à la femme enceinte de concevoir progressivement son enfant  … et de l’imaginer… le bébé rêvé !!  Et cela lui permet également, de se projeter en tant que maman… comment elle s’imagine dans son rôle de maman, en lien avec ce qu’elle a vécu elle-même dans son enfance…dans l’idée de transmettre la même chose ou au contraire de faire tout différemment.

Il en faut du temps pour se préparer à la naissance d’un enfant et pour changer de statut … et devenir « mère de … » .

Et cela recommence pour une seconde grossesse, et toutes les suivantes… avec des caps différents, mais toujours  dans l’idée de cette projection à devenir « mère de ce nouvel enfant là, lui et pas un autre ».

Pour approfondir ce sujet, j’aime particulièrement cette recherche d’une sage-femme.

Maman psychomot