La pédagogie Montessori… vous connaissez probablement… au moins, de nom, comme moi… surtout si vous êtes un(e) habitué(e) des Vendredis Intellos :). Depuis quelques temps, je m’y intéresse un peu plus …

L’autre jour, à la bibliothèque, j’ai trouvé un livre : La pédagogie Montessori illustrée, de Murielle LEFEBVRE. Je me suis dit que cet ouvrage allait me permettre d’approfondir un peu la question.

Voila ma petite synthèse de ce livre et mes réflexions dessus :

La pédagogie Montessori a été créée par Maria Montessori qui a énormément observé les enfants jouer et apprendre… des enfants qui allaient bien mais aussi des enfants qui présentaient un retard, une déficience…

« Maria Montessori a commencé son travail de médecin dans les hôpitaux psychiatriques pour enfants. (…) Elle se mit ardemment au travail afin de leur fournir un minimum pour les éduquer. Ses actions furent rapidement couronnées de succès puisque ces derniers se mirent à observer, toucher, explorer et finirent pour certains par lire, écrire ou compter. »… Elle « comprit sa nouvelle mission: créer un ensemble de matériels multi sensoriels pour permettre aux enfants d’apprendre ».

Pour moi, c’est déjà un très bon point, car les « méthodes » tirées uniquement de théories sont souvent décalées de ce que vit l’enfant …. et de plus, l’apprentissage des enfants en difficulté met en lumière les processus d’apprentissage chez tous les enfants… mais ces processus sont tellement rapides et entremêlés chez un enfant qui va bien que l’on n’a pas le temps de les voir dans leur singularité. 

Maria Montessori a imaginé une pédagogie basée sur la découverte de l’enfant, sur sa soif d’apprendre, sur son envie d’autonomie… et a affirmé que l’enfant n’était pas une tête creuse à remplir, mais possédait par lui même toutes les capacités nécessaires à comprendre le monde qui l’entourait, s’il disposait d’un entourage et d’un contexte serein lui permettant de faire ses expériences, de tester ses limites et ses compétences etc. 

 » L’enfant a soif de grandir et d’avancer dans sa compréhension et sa maîtrise du monde qui l’entoure. »  

 » Dans la pédagogie Montessori, l’enfant en tant qu’individu est reconnu, il peut s’exprimer; il évolue selon son propre rythme ».

« A partir des besoins de l’enfant, nous pouvons mettre en place un environnement  conçu pour y répondre et favoriser son épanouissement  et ses apprentissages. »

Deuxième bon point, et en plus,  cela rejoint beaucoup les travaux d’Emmi Pickler, plus orientés vers la toute petite enfance… avec le concept de motricité libre, et le respect du développement du bébé à son rythme… qui sont les bases de l’accompagnement psychomoteur du bébé et du jeune enfant. Si vous ne connaissez pas, j’en avais parlé là. 

Elle accorde du coup beaucoup d’importance au développement de la sensorialité chez l’enfant et au fait de proposer à l’enfant de vivre des expériences monomodales ( un sens sollicité à la fois). 

« Le matériel sensoriel a été conçu en réponse aux observations que Maria Montessori faisait auprès des enfants et à leur besoin d’ordonner  ce qu’ils ressentent. »

« Dans chaque exercice sensoriel, pour concentrer l’attention de l’enfant on isolera les sens. (…) Vous trouverez de nombreux matériels parfois pour stimuler le même sens, mais de façon différente. »

 » Les exercices sensoriels permettent à l’enfant d’accéder par ses sens à la reconnaissance des identités (petit, jaune, salé etc.), à la reconnaissance des contrastes (grand/petit , lisse/rugueux, etc.). »

Troisième bon point, cela rejoint tout à fait la manière dont je travaille la sensorialité avec les enfants, dans mon boulot de psychomotricienne… permettre aux enfants de s’approprier leurs perceptions et leurs ressentis, tout en pouvant ensuite effectuer un filtrage sensoriel (en éliminant les stimuli inutiles au moment T)  et un couplage sensoriel ( être capable de lier les informations des différents canaux sensoriels pour affiner sa perception de l’objet ou de la situation). 

Et elle parle de l’importance de la motricité fine… de l’utilisation de la main, dans le sens où toutes les expériences de motricité fine permettront un meilleur contrôle et de meilleures compétences manuelles, nécessaires pour l’écriture. 

 » Elle met en exergue le fait que l’intelligence ne peut se développer sans l’aide de la main. »

« L’enfant aime apprendre de nouveaux gestes, de nouvelles compétences dans sa vie quotidienne. »

« Dans de nombreux exercices, les gestes se sont enchaînés  de la gauche vers la droite et du haut vers le bas, sens de l’écriture de notre culture. »

Alors là, je suis d’accord… mais ça ne va pas assez loin. Je me demande si ce n’est pas l’auteur de l’ouvrage qui ne rend pas bien la pensée de Maria Montessori sur ce point, car certains exemples donnés ensuite sont beaucoup plus pertinents.  Il existe maintenant énormément de travaux au niveau du développement psychomoteur de l’enfant qui montrent que le bébé ( et cela reste vrai  chez le jeune enfant et  l’enfant plus grand) apprend à se connaitre lui-même par ses sensations, ses expériences corporelles et motrices globales … et développe ainsi son intelligence et sa compréhension du monde qui l’entoure. 

il me semble donc très réducteur de ne parler que de « la main » à ce niveau là… surtout que le développement de la motricité fine est soumis au développement corporel global, et se lie au contrôle oculaire, à la gestion tonique etc. J’en ai aussi déjà parlé là. 

A partir de la création de cette nouvelle pédagogie, révolutionnaire pour l’époque ( début des années 1900), des classes montessori voient le jour et permettent aux enfants d’être scolarisés différemment. Les activités sont individuelles, concrètes… l’enfant « s’entraîne » seul et s’autocorrige car il voit par lui même s’il a réussi ou non, il va  vers les domaines d’activités qui l’intéressent. La présence de l’adulte est nécessaire pour présenter les activités possibles aux enfants, et leur donner un choix limité. Certaines activités sont effectuées avec l’adulte qui intervient très peu dans l’expérimentation de l’enfant et respecte au maximum ses choix, ses préférences, son rythme d’évolution. L’adage le plus représentatif de cette approche est : « Aide moi à faire seul »

« Si un matériel n’est pas utilisé par les enfants, c’est qu’il ne répond pas à leurs besoins du moment, il est rangé et remplacé. »

« Le temps de travail individuel est obligatoire dans une classe Montessori. Il varie selon les environnements mais le principe est de laisser à l’enfant le plus de possibilités pour observer, expérimenter, devenir autonome et grandir. »

« Le matériel est auto correctif et l’enfant est le premier satisfait de son travail. »

 » Le guide Montessorien est formé à observer l’enfant dans ses moindres gestes. Il repère où en est chaque enfant dans son développement et note les présentations de matériel à introduire ou à refaire afin de guider l’enfant dans son développement. »

Ce qui me paraît très intéressant  dans cette approche… c’est la valorisation et la motivation qu’en tire l’enfant qui se trouve réellement acteur de son développement, de ses apprentissages. L’adulte est là comme un guide et non pas comme un Remplisseur de savoirsss. De plus, il me semble que le savoir être est tout aussi important dans cette approche que le savoir faire et le savoir cognitif. 

J’ai encore d’autres remarques, plus par rapport à l’ensemble du livre : 

Je ne sais pas si cet ouvrage est réellement représentatif des autres ouvrages existants et si les « éducateurs » et parents pratiquant cette approche s’y retrouvent … mais personnellement, à coté des points positifs que je peux en dégager à froid… au cours de ma lecture, j’ai été plusieurs fois gênée et pour plusieurs raisons :

Maria Montessori est présentée comme un « gourou » à mon sens qui sait tout et qui a tout compris….

Certains concepts sont assenés par l’auteur comme des vérités générales sans aucun approfondissement et réflexion critique… comme par exemple  » L’enfant qui utilise ses mains seul aura un caractère plus fort » ou  » L’éducation par les sens est une éducation qui élève l’intelligence »… ça me semble un brin élitiste là, des jugements de valeur au fond…

 ou  « A deux ans, un enfant comprend sa langue maternelle »  … cette dernière affirmation me fait bondir, un bébé comprend sa langue maternelle bien plus tôt…  à deux ans, il s’exprime lui-même avec sa langue maternelle en associant des mots, en créant des petites phrases, en interrogeant l’autre etc.

Il y a d’ailleurs d’autres erreurs dans la description développementale de l’enfant comme ce passage : «  Grâce à la manipulation du matériel de vie pratique et du matériel sensoriel que nous avons décrit dans les chapitres précédents, l’enfant a développé ses gestes et plus particulièrement « la pince » (le pouce et l’index forment une pince). «   Or, la pince pouce-index qui est la dernière étape dans l’acquisition de la préhension ( ou motricité fine)  s’acquiert naturellement chez le bébé autour de 9 mois … ensuite, le bébé affine ses saisies manuelles par la répétition des actions, la multiplicité des expériences qu’il effectue de lui-même… et la maturation nerveuse, ainsi que le contrôle de la dextérité digitale se développe progressivement dans les premières années de vie… jusqu’au graphisme dont je parle ici.

 Les références aux autres travaux qui confirment ceux de Maria Montessori ne sont données que pour affirmer la supériorité de cette pédagogie sur toutes les autres, et non pas pour créer un espace d’enrichissement  qui permet d’approfondir les principes de l’approche, tout à fait pertinents en eux mêmes.

Il faut quand même préciser que Maria Montessori a créé cette pédagogie au début des années 1900, et qu’ensuite de nombreux autres travaux et études ont été réalisés  sur le développement de l’enfant, sur ses modes d’apprentissages, sur l’éducation parentale et pédagogique… sans oublier la masse énorme de découvertes sur le développement psychique du bébé, sur ses compétences déjà présentes à la naissance… on peut citer Pickler, Dolto,  Bullinger,  Korczak, Freinet, Oury, Kergomard … et une autre blogueuse en parle ici.

Je pense que l’oeuvre de Maria Montessori est très intéressante et mérite d’être enrichie par tous ces autres travaux et réactualisés  en fonction de l’époque au niveau des activités proposées : le coup du repassage à 5 ans, je bloque quand même :/

 Donc au final, j’adhère à la pédagogie Montessori mais pas vraiment à la manière dont est rédigé cet ouvrage qui pour moi comporte vraiment des maladresses… et je trouve ça dommage, car à mon avis, cela donne une image tronquée et faussée du message original de Maria Montessori.

Qu’en pensez vous ? Avez vous d’autres références à donner ??

Maman psychomot